Question écrite n° 19588 :
Mine d'or de Salsigne: allez-vous enfin jouer le jeu de la transparence?

15e Législature

Question de : M. François Ruffin
Somme (1re circonscription) - La France insoumise

M. François Ruffin attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, à propos de l'ancienne mine d'or de Salsigne : face aux terres pourries et aux eaux polluées, compte-t-il faire payer les actionnaires australiens ? En tire-t-on des leçons pour la « Montagne d'or » de Guyane ? Lors d'un déplacement dans l'Aude, M. le député a rencontré Max Brail : maire de la commune de Lastours, ancien de la mine lui-même, et surtout, c'est un lanceur d'alerte. « A partir du moment où les actionnaires australiens ont pris le contrôle de l'entreprise, en 1989, nous avons utilisé un nouveau procédé, par cyanuration, pour extraire l'or des minerais. J'ai dénoncé les pollutions à un journaliste local. Le lendemain, j'étais licencié. » Durant plus d'un siècle d'exploitation, jusqu'en 2004, la mine de Salsigne aura produit environ deux cents tonnes d'or : l'équivalent, en volume, d'une cuisine, pas plus. En revanche, elle aura créé douze millions de tonnes de déchets, 60 000 fois plus, des montagnes entières ! « Cette colline devant nous, ce sont des matières issues de la mine, elle est chargée en arsenic. Quand il pleut, l'eau ruisselle vers la rivière, je ne vous conseille pas de la boire. C'est une pollution perfide : on doit savoir, connaître les différents polluants, où ils partent, avoir une véritable transparence. Ca n'est toujours pas le cas. » Il aura fallu un grand combat des associations locales pour obtenir les rapports classés du BRGM, le bureau de l'État en charge des sols. Ceux-ci expliquent clairement le lien entre pollutions des rivières et le stockage des polluants de la mine. Des analyses commanditées par les associations le montrent, un peu partout : la « terre est inapte pour un jardin familial ». Vingt-cinq ans après les premières alertes, il n'y a toujours pas de clarté de la part de l'État. « Cette terre ne nous appartient pas, nous la transmettrons à nos enfants, mais il faut leur dire ce qu'il y a en dessous ». Dernier épisode en date, Max Brail a découvert que le sol de la cour d'école de Lastours était contaminé aux métaux lourds suite aux inondations d'octobre 2018 : les services du ministère n'ont pas mené les travaux nécessaires pour le dire, et à l'alarme du maire, ils lui suggèrent les sites en mesure d'accueillir les déchets. Mais c'est à la commune de financer les travaux d'enlèvements. Dans un reportage d'Envoyé Spécial, en 2013, François Barthélémy, alors en charge du dossier au ministère, déclarait face caméra : « Le souci majeur de l'État était de maintenir l'emploi jusqu'au dernier moment ». Max Brail résume la situation : « Ici, ce n'est pas le principe « pollueur-payeur », c'est le principe « pollueur-décoré, contribuable-payeur ». Aussi, il lui pose trois questions. Compte-t-il procéder à toutes les analyses, et les rendre publiques, que les habitants de la région disposent au moins d'un état des lieux : les rivières à l'eau imbuvable, les coins à la terre incultivable ? Va-t-il se retourner contre l'actionnaire australien, et lui faire payer la note de ces dégâts environnementaux, plutôt que le citoyen ? Enfin, il l'interroge pour savoir s'il va tirer des leçons de cette méga-pollution pour la « Montagne d'or » en Guyane, ou va-t-on reproduire les mêmes erreurs en pire, pour le profit de quelques-uns.

Réponse publiée le 3 mars 2020

Le site de Salsigne a été le siège de la plus importante mine d'or d'Europe occidentale. Depuis la fin de l'exploitation minière et industrielle du site en 2004, à la suite notamment de la défaillance des sociétés MOS et SEPS les deux derniers exploitants du site, l'État assure la gestion du passif environnemental et la surveillance de ce site, où l'arsenic est, en sus de la pollution industrielle, naturellement présent dans les sols. Ainsi, au cours des vingt dernières années, le ministère chargé de l'environnement, par l'intermédiaire de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) puis du Département prévention et sécurité minière (DPSM) du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui a repris l'intégralité de la gestion de ce site pour le compte de l'État en 2008, a déjà dépensé plus de 38 M€. En outre, près de 6,5 M€ de travaux, notamment sur le stockage de Montredon, sont prévus et seront réalisés d'ici trois ans. À la suite des inondations d'octobre 2018, le DPSM et la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Occitanie se sont rendus sur place dès que le site a été accessible le mercredi 17 octobre. Les inondations n'ont pas eu d'impact majeur sur les installations du site (dépôts, station de traitement) et le BRGM a rapidement mené les quelques travaux à réaliser d'urgence. Certains travaux de confortement réalisés en 2015 ont tenu et ont permis d'éviter que la crue n'ait des impacts plus importants. Les données récoltées après les inondations par un dispositif de contrôle complet et attentif induisent une situation stable. Les différents prélèvements, réalisés tant par le BRGM que par des experts scientifiques indépendants, qui ont validé lors d'une réunion d'échange avec les services de l'État le 21 mars 2019 les ordres de grandeur des données qu'ils ont collectées, ont ainsi mis en évidence que la crue n'a globalement pas eu d'effet observable sur la qualité des sédiments analysés même si elle a pu déplacer localement des sédiments contaminés, qu'il n'a pas été constaté d'impact sur la qualité des sols inondés aux endroits des échantillons prélevés et que les valeurs obtenues sur les eaux de surface courantes après crue restent également dans la gamme des résultats observés depuis 2008. Le rapport du BRGM sur l'impact de la crue a été mis en ligne, dès sa finalisation mi-mai 2019, sur le site internet de la préfecture de l'Aude dans un souci de transparence. Le BRGM a également proposé au préfet, qui en a validé le principe, de réaliser une nouvelle campagne de prélèvements et d'analyse des sols. Celle-ci concerne des zones d'usage sensible en aval du site de Salsigne et submergées lors des dernières crues et sera menée par le BRGM dans les prochaines semaines. Elle compléte la surveillance régulière des sols, sédiments et eaux superficielles conduite par le BRGM, ainsi que les investigations diligentées en urgence à la suite de la crue. En outre, plusieurs scientifiques indépendants ont indiqué au préfet leur souhait de mener un programme scientifique pour améliorer la connaissance des enjeux environnementaux du secteur en complément de la compréhension déjà acquise. À la demande du préfet, ils élaborent actuellement un projet de cahier des charges pour ce programme assorti d'un calendrier, qui permettra à l'État de répondre à cette proposition. Par ailleurs, la vallée de l'Orbiel fait l'objet d'une surveillance sanitaire depuis de nombreuses années. Les différentes études menées ont conduit à l'édiction de recommandations, réitérées régulièrement à la population, notamment suite à chaque crue de l'Orbiel. Une nouvelle campagne de communication et de diffusion de ces recommandations a été réalisée après les inondations. L'Agence régionale de Santé réalise avec l'appui de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), une nouvelle campagne d'analyses des sols et des légumes produits dans la vallée pour tenir compte des inondations, qui sera évaluée puis exploitée par Santé publique France qui pourra préconiser, si besoin, des mesures de précaution supplémentaires à respecter. Une commission locale d'information est mise en place depuis 2006 et se tient annuellement depuis 2013. Elle permet de communiquer en totale transparence avec l'ensemble des parties prenantes sur les enjeux liés au site et au dispositif de suivi mis en place par l'État. Sous l'égide du préfet de l'Aude, l'ensemble des services de l'État et ses opérateurs sont et restent particulièrement vigilants dans la surveillance et la gestion de ce site, et continueront, compte tenu de la défaillance des derniers exploitants, de mettre en œuvre les mesures de son ressort pour assurer la protection de l'environnement et des populations. Enfin, en ce qui concerne le projet Montagne d'Or et le parallèle qui est fait avec le site de Salsigne, le Gouvernement a rappelé à l'issue du conseil de défense écologique du 23 mai 2019 d'une part, que ce projet n'était pas compatible avec les exigences qu'il se fixe en matière de préservation de l'environnement et de la biodiversité, et d'autre part, qu'il souhaitait réformer le code minier afin de renforcer ces exigences environnementales pour l'exploitation minière.

Données clés

Auteur : M. François Ruffin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Pollution

Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire

Ministère répondant : Transition écologique et solidaire

Dates :
Question publiée le 14 mai 2019
Réponse publiée le 3 mars 2020

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