15ème législature

Question N° 19665
de Mme Annie Genevard (Les Républicains - Doubs )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > commerce et artisanat

Titre > Commerce et TVA pour e-commerce

Question publiée au JO le : 21/05/2019 page : 4592
Réponse publiée au JO le : 09/07/2019 page : 6421

Texte de la question

Mme Annie Genevard attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances quant au dispositif innovant qui pourrait permettre de pérenniser l'activité des commerces de détail lourdement pénalisée par le commerce en ligne. Les distorsions de concurrence et les inégalités fiscales sont les principales causes rencontrées par les entreprises. Les commerces sédentaires payent des taxes très lourdes principalement sur le foncier (foncier bâti, taxe d'enlèvement des ordures ménagères, contribution foncière des entreprises, taxe sur les surfaces commerciales, ) alors que le e-commerce en est exempté. De plus, pour rester attractifs et répondre aux nouvelles attentes, ces commerces doivent investir dans la digitalisation de leur activité et la création de leur propre site marchand en complément de leur point de vente physique. Face à eux, la majorité des sites de commerce en ligne situés en dehors de la France ne sont pas soumis à la TVA ni à l'impôt sur les sociétés, et ont par conséquent des marges supérieures qui leur permettent d'investir plus, notamment en matière de publicité. La situation actuelle appelle donc des mesures urgentes puisqu'en matière de TVA, la fraude est un phénomène massif. Cet enjeu nécessite une véritable volonté politique. Un système de retenue à la source pourrait par exemple être envisagé. Ainsi lorsqu'un acheteur paierait en ligne, sa banque prélèverait alors automatiquement 20 % du montant, soit le taux normal de TVA et le reverserait sur un compte du trésor. Aussi, elle souhaiterait connaître la position du Gouvernement.

Texte de la réponse

La vente de biens à destination des consommateurs dans le cadre du commerce électronique effectuée principalement par l'intermédiaire d'interfaces électroniques a connu une croissance considérable ces dernières années, transformant ce vecteur de consommation en un enjeu fondamental pour le rendement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Un régime spécifique applicable à la vente à distance intracommunautaire de biens a été mis en place en 1993 afin de s'assurer que le lieu de taxation corresponde au lieu de consommation finale. Ce régime s'applique lorsque les biens sont expédiés, ou transportés par le vendeur ou pour son compte, à partir d'un autre Etat membre de l'Union européenne à destination d'une personne non assujettie à la TVA, et prévoit la taxation systématique dans l'État de destination des biens, dès lors que le montant des ventes effectuées par un même vendeur, vers ce pays, excède un seuil qui a été abaissé, en France, le 1er janvier 2016 à 35 000 € par an. Ce régime garantit donc que, au-delà d'un certain volume de chiffre d'affaires, la TVA ne soit pas source de distorsions de concurrence entre entreprises, le montant de TVA dû par le commerçant étant alors identique, quel que soit le mode de distribution des biens. En outre, à partir de 2015 les services électroniques (musique, logiciels, films…) sont devenus taxables au lieu du consommateur quel que soit le lieu d'établissement des prestataires sachant que pour faciliter les obligations déclaratives de ces derniers un outil de déclaration centralisé, appelé mini-guichet unique (MOSS), a été mis en place. Ces règles font actuellement l'objet d'évolutions destinées à assurer une meilleure perception des recettes de la TVA et mieux lutter contre les fraudes. Ainsi, conformément à la directive n° 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017, pour les services électroniques (dès le 1er janvier 2019) et pour les ventes à distance de biens à compter du 1er janvier 2021, les seuils nationaux sont supprimés afin d'y substituer un seuil unique harmonisé, qui s'apprécie pour l'ensemble des transactions effectuées dans l'UE, de 10 000 € par an. Dès que ce seuil est dépassé les ventes sont taxables dans le pays de l'acheteur. En outre, à compter du 1er janvier 2021, le respect de leurs obligations fiscales en matière de TVA, par les entreprises qui réalisent des ventes à distance de biens en provenance ou à destination d'autres pays de l'Union européenne, sera facilité par le recours à un portail unique en ligne, leur permettant d'effectuer leurs démarches déclaratives, et de paiement. Ce portail sera également ouvert aux entreprises amenées à effectuer des ventes à distance de biens importés de moins 150 euros au profit des consommateurs de l'Union européenne. Cette directive prévoit également que les acteurs des marchés qui facilitent, par l'utilisation d'une interface électronique telle une plateforme soit des ventes à distance de biens importés de pays tiers contenus dans des envois d'une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 €, soit des livraisons de biens effectuées par des opérateurs non établis dans l'Union européenne, au profit de consommateurs finaux, seront désormais redevables de la TVA. Il est également prévu la suppression au niveau de l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne de la franchise de TVA à l'importation pour les « petits envois » d'une valeur inférieure à 22 € génératrice de fraude et source de distorsions au détriment des entreprises européennes. En parallèle, au niveau national, des mesures récentes ont été adoptées dans la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude permettant d'impliquer les acteurs du commerce en ligne dans la lutte contre la fraude à la TVA. Ainsi, en application de l'article 242 bis du code général des impôts tel que modifié par l'article 10 de la loi n° 2018-898 susmentionnée, les entreprises, quel que soit leur lieu d'établissement, qui mettent en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un bien ou d'un service sont tenues de fournir, à l'occasion de chaque transaction, une information loyale, claire et transparente sur les obligations fiscales et sociales qui incombent aux personnes qui réalisent des transactions commerciales par leur intermédiaire. Elles doivent également adresser par voie électronique à leurs utilisateurs ainsi qu'à l'administration fiscale le montant des transactions réalisées par leur intermédiaire par leurs utilisateurs. Au surplus, à compter du 1er janvier 2020, en application de l'article 11 de la loi n° 2018-898, les plateformes de commerce électronique devront, sur demande de l'administration, mettre en œuvre un système de riposte graduée à l'encontre des assujettis qui ne respectent pas leurs obligations en matière de TVA qui leur auront été signalés par l'administration. Elles auront l'obligation de leur enjoindre de remplir leurs obligations, voire de les radier, à défaut de quoi elles pourront in fine devenir solidairement responsables du paiement de la TVA en lieu et place des assujettis qui utilisent leur site. L'ensemble de ces mesures apparaît de nature constitue une réponse forte en matière de lutte contre la fraude à la TVA dans le cadre du commerce électronique. S'agissant de la mise en place d'un mécanisme de paiement scindé de la TVA dans le cadre du commerce électronique, qui ferait intervenir dans la collecte de la TVA la banque du client qui prélèverait par défaut la TVA au taux normal de 20 % sur le montant du paiement et reverserait la somme directement sur le compte du Trésor, elle constituerait un bouleversement important et inédit du mode de liquidation de la TVA susceptible de générer un coût administratif et technologique élevé pour les acteurs, qu'il s'agisse des entreprises, des banques ou de l'administration. La communication des informations nécessaires pour garantir la correcte application des règles de la TVA dans un tel contexte (respect des règles de territorialité, opérations exonérées, taux…) devrait être mise en place. De plus, le prélèvement de la taxe par un tiers aurait potentiellement des conséquences pour la trésorerie des vendeurs qui ne seraient plus en mesure d'imputer, le cas échéant, leur TVA « d'amont » (TVA déductible) sur une TVA qu'ils ne collecteraient plus. En tout état de cause, ce mécanisme de collecte devrait nécessairement être compatible avec le cadre juridique communautaire propre à la TVA, le fort degré d'harmonisation de cette taxe offrant des marges de manœuvre très limitées aux Etats membres et étant fait observer que les choix récemment opérés par le Conseil dans les directives communautaires évoquées précédemment ne reposent pas sur un tel modèle.