15ème législature

Question N° 19689
de Mme Annie Genevard (Les Républicains - Doubs )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale et jeunesse
Ministère attributaire > Éducation nationale et jeunesse

Rubrique > enseignement

Titre > Programme scolaire des établissements turcs en France

Question publiée au JO le : 21/05/2019 page : 4599
Réponse publiée au JO le : 17/12/2019 page : 10981

Texte de la question

Mme Annie Genevard interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les informations rapportées par l'hebdomadaire Le Point relatant la volonté pour le chef d'État turc d'ouvrir des établissements scolaires turcs en France. Selon un article du Figaro, Recep Tayyip Erdogan a chargé une délégation turque de se rendre en France les 20 et 21 mai 2019, afin d'y observer les lycées internationaux. L'objectif serait ensuite d'exiger la création de lycées turcs sur le territoire français. Ainsi, ces établissements prodigueraient les mêmes programmes que ceux enseignés en Turquie. Or, dès le mois de février 2012, le président turc avait affirmé vouloir « former une génération pieuse ». Cette déclaration a d'ailleurs été suivie par la création de trois cours optionnels de religion au collège à l'été 2012. En parallèle, les lycées « imam hâtif », destinés à la formation des imams et prédicateurs se sont multipliés en Turquie. En effet, les élèves ayant échoué aux concours d'entrée en lycée public sont désormais inscrits d'office dans ces établissements religieux. Selon Le Figaro, la Turquie comptait 1 408 lycées de ce type en 2017, accueillant 517 000 élèves. Le ministère de l'éducation nationale turc diffuse depuis juillet 2017 un nouveau programme dans lequel l'enseignement du concept de « djihad » est intégré. L'argument utilisé par le ministre de l'éducation nationale turc, Ismet Yilmaz, pour expliquer cette montée du fait religieux dans l'éducation des élèves turcs était : « le djihad existe dans notre religion et il est du devoir du ministère de l'éducation de veiller à ce que ce concept soit enseigné de façon juste et appropriée ». Il semble ainsi logique de penser qu'un établissement turc en France enseignera également le « djihad ». Or le terrorisme islamiste est l'une des menaces principales à l'intégrité du pays et à la sécurité des Français. Depuis 2012, les attentats terroristes ont fait 252 victimes. Plus que jamais, la lutte contre le djihadisme et le communautarisme est dans l'intérêt général de la Nation. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse français a fait de la laïcité l'un de ses combats principaux et ne cesse d'afficher sa volonté de lutter contre le communautarisme à l'école. Elle souhaiterait donc connaître les mesures qui seront prises en pour empêcher l'ouverture en France d'établissements diffusant de tels programmes.

Texte de la réponse

En droit français, conformément aux dispositions de l'article L. 151-3 du code de l'éducation, un établissement scolaire qui n'est pas fondé par une collectivité publique française est un établissement scolaire privé, quand bien même ce serait une collectivité publique étrangère qui fonderait cet établissement.  Le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse assure un contrôle des déclarations d'ouverture et sur le fonctionnement des établissements scolaires privés, de façon à garantir le droit à l'éducation de chaque enfant. L'efficacité de ce contrôle a été renforcée par la loi n° 2018-266 du 13 avril 2018 et ses textes d'application. Ce nouveau dispositif est entré en vigueur dès le 30 mai 2018 et il a été détaillé par la circulaire n° 2018-96 du 21 août 2018. Il s'agit en particulier de s'assurer que « le droit à l'éducation est [effectivement] garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité (…), de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté » (article L. 111-1 du code de l'éducation). Pour les enfants de 3 à 16 ans, l'instruction prodiguée au sein d'un établissement scolaire en France doit nécessairement permettre à ses élèves de « [développer leur] sens moral et [leur] esprit critique, [et] de partager les valeurs de la République » (article L. 131-1-1 dudit code). De plus, l'enseignement doit permettre aux élèves d'avoir acquis progressivement tous les domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, prévu à l'article L. 122-1-1 du même code. Le socle commun prévoit notamment que « l'élève mobilise des connaissances sur (…) l'évolution (…) des espèces », mène des « démarches scientifiques (…) selon une approche rationnelle privilégiant les faits et hypothèses vérifiables, en distinguant ce qui est du domaine des opinions et croyances. » De même le socle prévoit « l'apprentissage et l'expérience des principes qui garantissent la liberté de tous, comme la liberté de conscience et d'expression, la tolérance réciproque, l'égalité, notamment entre les hommes et les femmes, le refus des discriminations, l'affirmation de la capacité à juger et agir par soi-même ; » ainsi « l'élève apprend à résoudre les conflits sans agressivité, à éviter le recours à la violence grâce à sa maîtrise de moyens d'expression, de communication et d'argumentation. Il respecte les opinions et la liberté d'autrui, identifie et rejette toute forme d'intimidation ou d'emprise. [Il apprend à mettre] à distance préjugés et stéréotypes… » Le socle impose par ailleurs que tout établissement scolaire situé en France amène ses élèves « à la connaissance, la compréhension mais aussi la mise en pratique du principe de laïcité, qui permet le déploiement du civisme et l'implication de chacun dans la vie sociale (…). [L'élève comprend] que la laïcité garantit la liberté de conscience, fondée sur l'autonomie du jugement de chacun et institue des règles permettant de vivre ensemble pacifiquement ». Un établissement scolaire ne pourrait par conséquent ouvrir s'il présentait à l'administration académique un projet qui s'oppose à ces principes. De même, un établissement scolaire qui fonctionnerait sans respecter ces principes pourrait être amené à fermer sur décision du juge pénal. En effet, tout projet de création d'un établissement scolaire fait l'objet d'une déclaration d'ouverture dont les services de l'État s'assurent qu'elle ne comporte aucune contradiction avec ces principes. Ce même contrôle est effectué par des inspecteurs de terrain sur les établissements ouverts, notamment au cours de la première année qui suit leur ouverture (contrôle rendu obligatoire par le quatrième alinéa du II de l'article L. 442-2 du code précité). Quelques semaines avant que l'hebdomadaire cité publie ces informations, le Président de la République avait, au cours de sa conférence de presse du 25 avril 2019, rappelé que « [des établissements scolaires avaient été fermés lorsqu'ils] ne respectaient pas les lois de la République, (…) au titre même [du] principe de l'ordre public ou de la lutte contre le terrorisme. Immédiatement après que les informations citées ont été publiées, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a réaffirmé publiquement, et avec fermeté, ces principes.