Question écrite n° 19819 :
La privatisation des trois aéroports franciliens

15e Législature

Question de : Mme Isabelle Valentin
Haute-Loire (1re circonscription) - Les Républicains

Mme Isabelle Valentin attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la privatisation des trois aéroports franciliens, Orly, Roissy Charles-de-Gaulle et le Bourget, dans le cadre de l'adoption de la loi de plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE). Aujourd'hui, l'État est le principal actionnaire de cette entreprise publique, avec 50,6 % des parts. Vendre au privé va rapporter à l'État environ 8 milliards d'euros. Cette martingale va certes abonder un fonds d'innovation comme l'envisage le Gouvernement, mais cette privatisation va engendrer surtout de nombreux problèmes. Aéroports de Paris (ADP) étant en situation de monopole sur les aéroports de la région parisienne, le rachat par une société privée va fortement augmenter les prix et réduire la qualité des services au détriment de ses clients, notamment Air France. Dans un contexte national et international de lutte contre le terrorisme, il semblerait plus compliqué de garantir la sécurité via notamment la gestion des frontières en confiant ces missions à une entreprise privée. La privatisation des autoroutes ainsi que celle plus récente de l'aéroport de Toulouse s'avèrent être un gouffre financier pour la Nation, pour ne pas dire une erreur stratégique, tant les appétits financiers sont à l'opposé d'une logique de service public, répondant à l'intérêt général. De plus, compte tenu du nombre d'emplois générés par ces aéroports, cette privatisation aurait très certainement des répercussions négatives sur la nature-même des emplois et les conditions de travail des salariés. Au regard de tous ces éléments, elle lui demande s'il entend revenir sur cette privatisation et rester l'actionnaire principal d'ADP.

Réponse publiée le 7 janvier 2020

La privatisation d'Aéroports de Paris, autorisée par la loi PACTE, s'inscrit dans la nouvelle doctrine de l'État actionnaire, qui privilégie le maintien ou l'investissement dans le capital de sociétés contribuant à la souveraineté nationale et les grands services publics nationaux ou locaux pour lesquels la régulation serait insuffisante pour s'assurer du bon exercice de leurs missions de service public. L'objectif est de réallouer tout ou partie des actifs immobilisés de l'Etat dans des sociétés n'appartenant pas aux catégories précitées pour le financement de l'innovation de rupture et le désendettement. La loi PACTE, autorisant la privatisation d'ADP, et modifiant le régime juridique d'ADP à compter de sa privatisation renforce la régulation applicable à ADP et assortit une éventuelle opération de privatisation d'un ensemble de garanties fortes. La loi PACTE met en place un schéma proche d'une délégation de service public pendant une durée limitée ; cela met fin aux droits illimités d'exploitation de l'aéroport dont bénéficie aujourd'hui ADP et ses 49 % d'actionnaires privés. Une fois ces modifications juridiques apportées à ADP, une privatisation peut avoir lieu tout en conservant un large contrôle à l'Etat : l'État dispose du pouvoir d'imposer des investissements, les tarifs et les objectifs de qualité de service en cas de désaccord avec ADP. Le système de régulation garantit que des hausses des redevances ne peuvent être liées qu'à des investissements sur les plateformes aéroportuaires et donc à une augmentation de la capacité ou de la qualité de service, ce qui bénéficiera aux compagnies. Comme aujourd'hui, les compagnies aériennes continueront d'être associées aux discussions. S'agissant des frontières, elles resteront contrôlées par la police aux frontières pour les personnes et par les douanes françaises pour les marchandises, donc par les services de l'État. Les exigences en termes de sûreté (contrôle des personnes et des biens) sont prévues par une régulation européenne et nationale qui n'est pas négociable par les aéroports qui ne font que la mettre en œuvre. L'actionnariat de l'exploitant n'aura pas d'impact sur le niveau de sûreté. Concernant la qualité de service pour les clients d'ADP, y compris Air France, celle-ci devrait s'améliorer, compte tenu des éléments rappelés ci-dessus. Ainsi, les prix du Conseil international des meilleurs aéroports européens de l'année ont été attribués en 2019, pour les catégories de 10 à 25 millions, et plus de 25 millions de passagers, à deux aéroports privatisés (respectivement Lyon Saint-Exupéry et Rome). L'évolution de l'actionnariat ne dégrade donc pas la qualité de service, au contraire. Aujourd'hui, 9 Md€ d'argent public sont immobilisés dans ADP à travers la participation détenue par l'État, pour seulement 150 à 200 M€ de revenus par an sous forme de dividende, soit un rendement particulièrement faible. La cession de participations de l'État doit permettre l'entrée de nouveaux actionnaires qui accompagneront le groupe dans son développement industriel et financier et lui permettront d'atteindre les plus hauts niveaux en termes d'innovation, de qualité de service et de croissance à l'international. S'agissant du parallèle établi avec les privatisations des autoroutes et de l'aéroport de Toulouse, il convient de souligner que la régulation qui encadre ADP empêche tout surprofit ou sur rentabilité pour les activités régulées. Contrairement aux concessions autoroutières pour lesquelles la régulation tarifaire est définie lors de la signature de la concession une fois pour toutes, les tarifs et les investissements évolueront au cours du temps sous le contrôle de l'État. La cession de 49,99 % du capital de l'aéroport de Toulouse, qui n'est pas une privatisation, a eu un impact très favorable tant opérationnellement (+25 % de trafic entre 2015 et 2018, avec une croissance moyenne supérieure à la moyenne des aéroports métropolitains) que financièrement (+26 % d'EBITDA entre 2015 et 2018, les capitaux propres de l'aéroport ont augmenté entre 2015 et 2018). Les investissements réalisés sur la période 2015-2018 sont de 126 M€. Ce montant est notablement supérieur aux investissements prévus dans l'offre initiale de Casil Europe. Le Gouvernement a indiqué qu'aucune décision s'agissant de l'opération de cession d'ADP ne serait prise pendant cette période de neuf mois de collecte des signatures du référendum d'initiative partagée (RIP), et tant que cette procédure du RIP continuera de courir. Au 4 décembre 2019, 1 000 500 soutiens ont été enregistrés par le Conseil constitutionnel sur les 4,7 millions requis.

Données clés

Auteur : Mme Isabelle Valentin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Transports aériens

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie et finances

Dates :
Question publiée le 21 mai 2019
Réponse publiée le 7 janvier 2020

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