Bilan de la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel
Question de :
Mme Typhanie Degois
Savoie (1re circonscription) - La République en Marche
Mme Typhanie Degois appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application de la loi n° 2016-444 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Cette loi promulguée le 13 avril 2016 a traduit un changement de paradigme en matière de lutte contre la prostitution dans la mesure où auparavant l'exercice de la prostitution, ainsi que le racolage, étaient pénalisés. Depuis son entrée en vigueur, les clients sont seuls responsables pénalement avec la mise en place d'une contravention de cinquième classe définie à l'article 131-13 du code pénal. Néanmoins, la pénalisation des clients a eu des effets inattendus principalement liés au déplacement de la prostitution dans des zones moins sécurisées ou moins surveillées. Ainsi, d'une part, alors que la prostitution perdure puisqu'environ trente mille personnes seraient encore prostituées en France, les violences sur les personnes prostituées sont devenues régulières et 51 % d'entre-elles ont subi des violences physiques dans le cadre de la prostitution au cours des douze derniers mois. D'autre part, la prostitution a également eu des effets sur les habitants et riverains en raison de la détérioration du climat de sécurité dans ces secteurs. Alors que les forces de l'ordre relèvent des difficultés pour caractériser l'infraction telle que définie par la législation de 2016, les élus et acteurs locaux paraissent démunis et tentent de s'organiser afin de faire face à cette situation. En effet, de nombreux élus procèdent à l'installation de systèmes de vidéosurveillance au sein de leurs communes malgré la diminution du fonds interministériel de prévention de la délinquance, ou expérimentent l'affichage des peines encourues afin de dissuader les clients de la prostitution. Dès lors, elle lui demande un bilan chiffré de l'application de la loi trois ans après son entrée en vigueur, et quelles actions elle entend mettre en place afin de lutter plus activement contre la prostitution en France.
Réponse publiée le 9 juillet 2019
La loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, a permis de sanctionner le recours à la prostitution quels que soient l'âge ou la situation de la personne prostituée et non plus uniquement, comme précédemment, lorsque cette personne est mineure ou particulièrement vulnérable, en créant une contravention de 5e classe, réprimée par l'article 611-1 du code pénal qui devient un délit puni d'une peine d'amende de 3750 euros en cas de récidive dans un délai de trois ans (article 225-12-1 du code pénal). La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) s'est attachée à porter à la connaissance des magistrats les nouvelles dispositions en diffusant une circulaire en date du 18 avril 2016 à l'ensemble des juridictions, présentant les nouvelles dispositions relatives à la pénalisation de l'achat d'acte sexuel ou à la protection des victimes, et notamment la création d'un nouveau stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels, qui a connu une forte augmentation depuis l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions. Il ressort en effet des données issues du système d'information décisionnel (SID) de Cassiopée qu'entre 2015 et 2018, le nombre d'auteurs dans les affaires orientées par les parquets en matière de recours à la prostitution a été multiplié par 8,2, passant de 184 à 1508. En 2018, 86 % des auteurs étaient poursuivables. Le taux de réponse pénale à l'encontre des 1297 auteurs poursuivables atteignait 96,3 %. Les alternatives aux poursuites, en forte hausse, représentaient 40,4 % de la réponse pénale en 2018, contre 23,7 % en 2017. Les mesures alternatives les plus souvent ordonnées étaient les rappels à la loi et les stages de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels. Les poursuites, majoritaires mais en diminution, s'élevaient à 59,6 % en 2018 contre 76,3 % en 2017. Il s'agit essentiellement de poursuites devant le tribunal de police en répression de la contravention de 5ème classe créée par la loi du 13 avril 2016 ou de poursuites correctionnelles par ordonnance pénale (46 en 2018). Les poursuites devant le tribunal de police sont en revanche en baisse, passant de 905 en 2017 à 662 en 2018. Cette tendance s'explique notamment par le développement des stages de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels, en forte augmentation, passant de 4 aux 3ème et 4ème trimestres 2017 à 107 pour l'année 2018. L'application de la loi du 13 avril 2016 fait l'objet d'un suivi attentif par le Gouvernement, qui a engagé une mission d'inspection interministérielle (inspection générale de la justice, inspection générale des affaires sociales et inspection générale de l'administration) sur la mise en œuvre de ces dispositions. Par ailleurs, la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains est une priorité gouvernementale. Ainsi, le démantèlement des réseaux, notamment issus de nouvelles formes de prostitution telles que le proxénétisme de cité – qui se traduit par l'exploitation de personnes vulnérables, souvent mineures, aux fins de prostitution, par des délinquants résidant dans des cités sensibles-, fait l'objet d'une attention accrue de la part des services enquêteurs spécialisés et des parquets. Sur la période 2014 à 2018, Le taux de poursuites en matière de proxénétisme est très élevé, compris sur la période 2014-2018, entre 96 % et plus de 98 % (98,6 % en 2018). En 2018, 70,1 % des auteurs étaient poursuivis dans le cadre d'une information judiciaire. S'agissant de la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle, la DACG a diffusé le 22 janvier 2015 une circulaire de politique pénale en matière de lutte contre la traite des êtres humains relative à la nécessité de recourir davantage à cette incrimination. Enfin, de nombreuses formations en la matière ont été dispensées à destination des magistrats afin de mieux appréhender ce phénomène et ses évolutions. La procureure générale de Paris a ainsi annoncé au début du mois de janvier 2019 qu'elle faisait du proxénétisme dans les cités une des priorités de politique pénale pour les parquets du ressort de la cour.
Auteur : Mme Typhanie Degois
Type de question : Question écrite
Rubrique : Crimes, délits et contraventions
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 28 mai 2019
Réponse publiée le 9 juillet 2019