15ème législature

Question N° 201
de M. Pierre-Henri Dumont (Les Républicains - Pas-de-Calais )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > animaux

Titre > Lutte contre la prolifération des rats musqués

Question publiée au JO le : 20/03/2018
Réponse publiée au JO le : 28/03/2018 page : 2117

Texte de la question

M. Pierre-Henri Dumont appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la question de la prolifération du rat musqué. Il lui rappelle que le rat musqué trouve dans les wateringues et canaux du Nord et du Pas-de-Calais un habitat favorisant sa prolifération. Vecteur de maladies graves - leptospirose, hantavirus et maladie de Lyme -, le rat musqué n'a pas de prédateur naturel et ne peut plus être combattu via un empoisonnement chimique depuis près de 10 ans ; proliférant depuis, son expansion devient hors-contrôle. Aujourd'hui, la bataille du piégeage mécanique contre la prolifération du rat musqué est perdue. Il constate que le piégeage du rat musqué, devenu exclusivement mécanique, fait peser des charges financières importantes sur les EPCI et les communes. Ainsi, sur la seule communauté de communes de la région d'Audruicq, le coût du piégeage mécanique des rats musqués est en constante augmentation, atteignant 80 000 euros en 2017, soit un total pour 15 communes se rapprochant du coût total du piégeage chimique sur l'ensemble du département du Pas-de-Calais en 2008. Ce coût comprend la fourniture du matériel aux piégeurs, leur vaccination, la prime à la queue et le salaire de deux agents uniquement dédiés à la lutte contre la prolifération du rongeur. À ces dépenses, les communes touchées par ce fléau doivent ajouter le coût de réfection des berges effondrées et des voiries défoncées, tout comme les agriculteurs subissent des dégradations dans leurs cultures. Aussi, il lui demande s'il peut réautoriser le piégeage chimique des rats musqués sur le polder du Calaisis, seul moyen efficace de limiter la propagation des rongeurs. Par ailleurs, il lui demande quelles mesures de compensations le Gouvernement peut mettre en place pour accompagner financièrement les collectivités territoriales et les particuliers dans cette lutte.

Texte de la réponse

LUTTE CONTRE LA PROLIFÉRATION DES RATS MUSQUÉS


M. le président. La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour exposer sa question, n°  201, relative à la lutte contre la prolifération des rats musqués.

M. Pierre-Henri Dumont. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Le rat musqué, espèce invasive nuisible, prolifère depuis plusieurs années dans les wateringues du nord de la France, minant les routes, détruisant les berges, ravageant les cultures. Dans ma circonscription, il ne se cantonne plus aujourd'hui aux étendues d'eau du milieu rural mais s'aventure jusque dans les aires les plus urbanisées. Vecteur de maladies extrêmement graves, telle la leptospirose, le rat musqué n'a pas de prédateur naturel et n'a en réalité que l'homme comme adversaire. Malheureusement, depuis l'interdiction il y a près de dix ans du piégeage chimique, nous ne pouvons plus faire face à la prolifération du rat musqué.

Les agriculteurs, les groupements intercommunaux de défense contre les organismes nuisibles – les GIDON –, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale – EPCI –, les départements et la région des Hauts-de-France se sont depuis fortement mobilisés pour lutter contre ce fléau. Financement des formations et des vaccins, achats de pièges en X et de nasses, distribution de primes pouvant monter jusqu'à 2 euros par queue pour les piégeurs bénévoles, voire embauche de piégeurs professionnels : rien n'y fait, la lutte mécanique contre la prolifération du rat musqué est aujourd'hui perdue.

Dans la seule communauté de communes de la région d'Audruicq, ce sont ainsi plus de 20 000 rats musqués qui ont été piégés en 2017, soit une augmentation des prises de 50 % depuis 2009, pour un record historique. J'adresse mes plus sincères félicitations à la centaine de piégeurs, bénévoles et professionnels, pour leur action déterminante mais qui n'est plus suffisante.

Je tire aujourd'hui le signal d'alarme : nos petites communes et nos bénévoles ne peuvent plus faire face seuls au fléau. Aussi, je vous demande d'autoriser à nouveau, même temporairement, le piégeage chimique du rat musqué dans le Nord et le Pas-de-Calais, afin que nous puissions réguler les populations qui prolifèrent dans nos wateringues. Je vous demande également de mettre en place un plan d'action pour accompagner financièrement nos communes et leur permettre de stabiliser les berges des wateringues détruites par les terriers des rats musqués, de réparer les routes minées par les galeries du rongeur et de continuer à subventionner les piégeurs bénévoles.

La situation n'a que trop duré, et les élus locaux refusent de devoir attendre qu'une route s'effondre sous le passage d'un bus et que ce dernier se renverse dans un fossé pour que l'État se décide enfin à agir.

M. Jean-Luc Reitzer. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Dumont, vous avez interrogé Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, il m'a chargée de vous répondre.

Le rat musqué est inscrit sur la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes de l’Union européenne depuis juillet 2017 et sur la liste nationale depuis le mois dernier.

M. Jean-Luc Reitzer. C'est une bonne chose !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État . Parallèlement, il est inscrit comme espèce susceptible d'occasionner des dégâts et figure sur la liste des dangers sanitaires de seconde catégorie.

Au vu des problèmes causés par l'espèce, son introduction dans le milieu naturel, sa détention, son transport et sa commercialisation sont interdits. La réglementation permet aussi le déclenchement d'opérations de gestion et de lutte sur le terrain.

L'espèce est également un gibier chassable, y compris par temps de neige. Par ailleurs, il peut être régulé par tir, par piégeage et par déterrage, toute l'année et en tout lieu en France métropolitaine. Les destructions peuvent être complétées par des régulations administratives ciblées, incluant tirs et piégeage, toute l'année, ordonnées par les maires comme le préfet.

Vous voyez donc, monsieur le député, que cette pression de régulation est potentiellement très élevée et qu'il existe de nombreux dispositifs de régulation de la surpopulation. Toutefois, l'emploi de poisons chimiques n'est pas une solution – cela ne vous étonnera pas pourvu que vous y réfléchissiez concrètement. Il est interdit en zones humides parce que ces milieux sont fragiles. En effet, compte tenu de leur toxicité, leur utilisation est une menace pour la faune et la flore, mais aussi pour la santé publique.

Les difficultés rencontrées dans les marais du Calaisis ne sauraient constituer un motif suffisant pour remettre en cause la protection de l'environnement et de nos concitoyens. A contrario, la diversité des dispositifs existants peuvent apporter des solutions concrètes.

On ne peut en aucune façon, sous prétexte de cibler une espèce, recourir à un procédé qui risque de causer des dommages dramatiques à l'ensemble de la biodiversité. Il ne vous aura pas échappé que la réduction de la biodiversité est entrée dans une phase d'accélération dramatique, en France et partout dans le monde. Notre devoir est de penser à nos enfants et à nos petits-enfants. Les dispositifs existants suffisent et je sais que vous le comprendrez.

M. Jean-Luc Reitzer. Et que fait-on contre les dégâts actuels ?

M. le président. La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.

M. Pierre-Henri Dumont. Je suis désolé, mais le piégeage mécanique ne fonctionne plus au regard de la prolifération des rats musqués. Le nombre des prises a augmenté de 50 % en moins de dix ans, ainsi que celui des piégeurs tant professionnels que bénévoles. De petits EPCI de 20 000 habitants sont obligés de recruter des piégeurs professionnels en plus des piégeurs bénévoles. La région a dû payer chaque queue de rat 50 centimes de plus tant le problème est aigu.

Si vous nous proposez une solution qui n'implique pas de recourir au poison, nous n'aurons aucun problème à travailler avec vous mais je vous assure que, pour l'heure, le simple piégeage mécanique du rat musqué ne fonctionne plus : le rat a gagné la partie parce qu'en tant qu'espèce invasive et exotique il n'a pas de prédateur.

Je vous invite à venir constater le phénomène dans ma circonscription. Je vous demande surtout de trouver le moyen d'aider les communes dont le budget de fonctionnement doit supporter le coût des formations, des vaccins, des pièges et de l'achat des queues de rat aux piégeurs bénévoles car l'État ne participe en rien à ces frais, pas plus qu'il ne nous aide pour faire face à la destruction des routes et des berges.

Je vous demande de prendre enfin le taureau par les cornes car votre réponse est vraiment décevante.

M. Jean-Luc Reitzer. Il a raison !