15ème législature

Question N° 20382
de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe (La République en Marche - Eure )
Question écrite
Ministère interrogé > Transports
Ministère attributaire > Transports

Rubrique > transports aériens

Titre > Fiscalité du transport aérien

Question publiée au JO le : 11/06/2019 page : 5315
Réponse publiée au JO le : 14/12/2021 page : 8876
Date de changement d'attribution: 07/07/2020
Date de renouvellement: 15/09/2020

Texte de la question

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe attire l'attention de Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, sur les émissions de gaz à effet de serre dans le transport aérien et la fiscalité avantageuse dont il bénéficie. Le 7 décembre 1944, juste après la Seconde Guerre mondiale, 52 pays signaient la Convention de Chicago qui indique que « le carburant, les huiles lubrifiantes [...] sont exempts des droits de douane, frais de visite ...[...] imposés par l'État ou les autorités locales ». La taxation du carburant des vols internationaux est donc interdite par cette convention, désormais signée dans sa neuvième et dernière version de 2006, par les 191 membres de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Aujourd'hui, seul un accord entre l'ensemble de ces pays pourrait remettre en question la fiscalité avantageuse dont bénéficie le transport aérien. Le transport aérien représenterait environ 3 % des émissions globales à effet de serre, mais le GIEC estime que sa part serait en réalité deux à quatre fois plus importante. Et les prévisions de croissance du trafic mondial viennent corroborer ces chiffres. En octobre 2018, l'association du transport aérien international (IATA) prévoyait ainsi une multiplication par deux du trafic d'ici 2037. Cette augmentation du trafic aérien semble toutefois difficilement compatible avec les objectifs de réduction de gaz à effet de serre prévus dans les accords de Paris. C'est dans ce contexte que nous avons appris par voie de presse qu'une étude avait été commandée par la direction générale des transports de la Commission européenne en 2017 sur le secteur aérien au sein de l'Union européenne. Cette étude préconiserait d'introduire une taxe kérosène via un prélèvement de 33 centimes par litre de carburant. Cette taxe répercutée sur le prix du billet entraînerait mécaniquement une baisse de la demande et donc une réduction de 10 % des émissions de dioxyde de carbone. Pour être juste et efficace, cette mesure devrait être imposée à l'échelle européenne. Une taxation à l'échelle française aurait pour seule conséquence de pousser les compagnies à faire le plein à l'étranger. Alors que le Conseil des ministres des transports européens débute à Bruxelles le 6 juin 2019, elle souhaiterait connaître les mesures qu'elle envisage pour réduire l'empreinte carbone du transport aérien.

Texte de la réponse

Partant des données du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA) en 2017, le transport aérien, avec 21,1 Mt de CO2e, représente 13,42 % des émissions de CO2e du transport en France (157,2 Mt), soit 4,41 % des 478,5 Mt d'émissions de CO2e françaises globales ; 17,4 Mt sont à rattacher au transport aérien international et 3,7 Mt au transport intérieur. Entre 2000 et 2018, le nombre de passagers équivalents-kilomètres-transportés a augmenté de 62 %, tandis que la croissance des émissions de CO2 du transport aérien en France a été limitée à 21 %, soit une diminution de 25 % des émissions de CO2 unitaires (en kg de CO2 par passager équivalent-kilomètre-transporté), correspondant à une décroissance moyenne de 1,6 %/an. Ces chiffres témoignent des efforts consentis depuis plusieurs années par ce secteur pour réduire son niveau d'émission, notamment grâce au renouvellement des flottes. En France, la détaxation du kérosène embarqué pour les vols internationaux répond aux recommandations de l'Organisation de l'avion civile internationale (OACI), destinées historiquement à faciliter l'essor du transport aérien et le développement des liaisons internationales, et est traduite dans les accords internationaux sur les services aériens. Une taxation du kérosène pour les vols internationaux serait dès lors contraire aux engagements internationaux de la France. Au niveau européen, les carburants aériens sont exonérés de TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) en application de la directive dite « accises » (2003/96/CE) qui impose aux États membres l'exonération de taxes sur les carburants utilisés pour la navigation aérienne à l'exception de l'aviation de tourisme privée. Une taxation du carburant pour les services aériens intérieurs mise en place par notre seul pays compromettrait la compétitivité et l'activité des compagnies aériennes françaises, particulièrement fragiles, qui effectuent ces liaisons, sachant que le transport aérien domestique représente environ 20 % de l'activité aérienne commerciale et est effectué majoritairement par des compagnies françaises. Une telle mesure impacterait la connectivité de nos aéroports (hub de Paris et l'ensemble de nos aéroports) avec des conséquences sur l'emploi direct et indirect mais, également, sur l'économie et l'attractivité des territoires. Enfin, une telle taxe apparait difficilement compatible avec le mode opérationnel de l'aérien car les avions sont indistinctement utilisés pour des vols intérieurs et internationaux. La taxation du kérosène inciterait les compagnies aériennes, notamment étrangères, à développer la pratique du sur-emport (systématisation du ravitaillement des compagnies dans des États au sein desquels le prix du carburant aéronautique serait plus compétitif) qui entraînerait une surconsommation et pourrait engendrer des rallongements de parcours pour se ravitailler en kérosène, augmentant les émissions. Une taxe sur le kérosène devrait donc être envisagée à l'échelle de l'ensemble de l'Union européenne. Le transport aérien doit se mobiliser dans la lutte contre le changement climatique. À ce titre, il assume d'ores et déjà des contributions fiscales significatives directement liées à son activité, assises, compte tenu des contraintes juridiques internationales, sur les passagers transportés et non sur le carburant comme pour les transports terrestres. Ainsi la taxe de l'aviation civile (487 M€ en 2019) finance les missions d'intérêt général de la direction générale de l'aviation civile ; la taxe d'aéroport (1 Md€ en 2019) finance les missions de sûreté et sécurité dans les aéroports. Par ailleurs, l'aérien est le seul secteur à financer une taxe de solidarité (267 M€ en 2019, qui, avec l'écocontribution, aurait été portée à 440 M€ en 2020 hors crise), au profit du Fonds de solidarité pour le développement et des infrastructures de transport. En matière environnementale, ce secteur, au travers de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA – 49 M€ en 2019), finance l'aide à l'insonorisation en faveur des riverains des 10 principaux aérodromes français. Au regard de l'étude mentionnée, il peut être précisé qu'en se limitant au périmètre "liaisons intérieures métropole", les recettes des 3 taxes aéronautiques nationales sur les billets d'avion (taxe de l'aviation civile, taxe d'aéroport et taxe de solidarité) se sont élevées à 380 M€ en 2017, soit l'équivalent de 0,46 € par litre de kérosène consommé. Si l'on ajoute la taxe sur les nuisances aéronautiques, la TVA ainsi que le système communautaire d'échanges de quotas d'émission (SEQE-UE), les prélèvements obligatoires dont s'acquitte le transport aérien sur les liaisons domestiques atteignent près de 0,76 € par litre de kérosène. D'autres actions sont engagées au niveau international par le secteur aérien, témoignant d'un engagement financier du secteur et de sa participation effective à la lutte contre le changement climatique. L'aérien est ainsi le seul mode de transport qui participe au système communautaire d'échanges de quotas d'émission (SEQE-UE), dispositif qui contribue à la politique climatique de la France en plafonnant les émissions européennes de gaz à effet de serre ; en 2017, les compagnies aériennes françaises ont acheté 1,8 million de quotas de CO2, représentant un coût total de 27,7 M€, et reversent tous les ans plusieurs millions d'euros au budget de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). De même, à compter de 2023, ce secteur deviendra le premier au niveau mondial à compenser toute nouvelle émission de carbone par l'achat d'unités générées par des projets de réduction ou de séquestration carbone. Le coût lié à ces différentes mesures de compensation, répercuté par les compagnies sur le prix du billet d'avion, fait qu'est ainsi intégré dans le prix du billet une partie des externalités négatives de l'aviation. Enfin, dans le contexte de la transition écologique et de celui de la crise sanitaire, le gouvernement entend préparer la rupture environnementale de l'aviation en confortant et en transformant les capacités de toutes les composantes de la filière par un soutien accru à la recherche et l'innovation. L'objectif est de mettre sur le marché un avion neutre en carbone d'ici 2035. À plus court terme, le Gouvernement souhaite accélérer le déploiement de carburants durables pour l'aviation. Le volet verdissement du plan de relance contient de nombreux projets en ce sens. Dans le contexte de la convention citoyenne pour le climat, le Gouvernement porte par ailleurs un projet de loi visant à soutenir la contribution du secteur aérien à la décarbonalisation de l'économie (interdiction des vols courts, renforcement de la tarification carbone au niveau européen, interdiction des extensions d'aéroports, mise en place d'une compensation obligatoire des émissions liées aux vols domestiques.)