Taxation « antidumping » des importations de solution azotée
Question de :
M. Pierre Vatin
Oise (5e circonscription) - Les Républicains
M. Pierre Vatin attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conséquences du droit antidumping des importations de solutions azotées en provenance d'états non membres de l'Union européenne. L'agriculture française et européenne connaît des mutations importantes et permanentes. Les politiques agricoles soutiennent de moins en moins les agriculteurs, à l'image de la politique agricole commune qui a du mal à protéger les producteurs français face à la concurrence mondiale et surtout de pays qui pratiquent le dumping social. C'est dans ce contexte qu'il apparaît inquiétant de constater qu'il n'existe pratiquement plus de producteurs de solutions azotées en France, ce qui a pour conséquence de rediriger les agriculteurs français vers des producteurs espagnols, polonais et lituaniens. C'est à la demande de ces derniers que la Commission européenne a ouvert une enquête sur les importations de mélanges d'urée et de nitrate d'ammonium originaires de Russie, de Trinité-et-Tobago et des États-Unis d'Amérique. L'institution bruxelloise a conclu qu'il y avait effectivement un préjudice subi pour l'Union européenne. Elle a institué un droit antidumping provisoire sur les importations de mélanges d'urée et de nitrate d'ammonium en solution aqueuse ou ammoniacale relevant actuellement du code NC 3102 80 00 et originaires de Russie, de Trinité-et-Tobago et des États-Unis d'Amérique, respectivement pour 34, 16,3 et 22,6 % du prix. Ces provenances représentent environ la moitié des volumes d'approvisionnements annuels. Ce droit antidumping a pour effet de protéger les producteurs européens d'azote et d'en augmenter le prix de commercialisation, alors qu'il est nécessaire aux agriculteurs français. Autrement dit, ce droit antidumping a un effet pervers. Il renchérit directement le prix de l'ensemble des produits azotés du marché intérieur indispensables aux productions agricoles. Parallèlement, la France et l'Europe importent en quantité viande, céréales, protéagineux, aliments pour animaux et éthanol à des normes de productions très inférieures. Les agriculteurs sont doublement pénalisés, par des prix intérieurs tirés vers le bas par l'importation de produits agricoles sous normés, et par une surtaxation locale généralisée de leurs intrants. C'est pourquoi il lui demande quelles mesures il entend prendre pour répondre aux agriculteurs dont le coût d'approvisionnement azoté augmente proportionnellement à cette taxation et cela particulièrement dans le contexte économique difficile traversé par la profession.
Réponse publiée le 9 juillet 2019
La Commission européenne a ouvert le 13 août 2018 une enquête antidumping concernant les importations de mélanges d'urée et de nitrates d'ammonium originaires de Russie, de Trinidad et Tobago et des États-Unis d'Amérique. La fédération européenne des fertilisants à l'origine de l'ouverture de l'enquête alléguait en effet une marge de dumping comprise entre 43 et 83 % pour ces provenances. Au terme de son analyse détaillée, la Commission européenne considère qu'il existe effectivement un dumping de 16 % pour l'origine Trinidad et Tobago, 22 % pour l'origine États-Unis et entre 31 et 39 % pour l'origine Russie. Dans ce contexte, la Commission européenne a adopté le 10 avril 2019 un règlement d'exécution imposant des droits additionnels provisoires d'un niveau équivalent au dumping constaté. Si la France est effectivement davantage dépendante des solutions azotées importées que le reste de l'Union européenne, elle ne peut cependant ignorer la réalité des pratiques commerciales déloyales en cause alors que c'est une demande récurrente de la profession agricole sur de nombreux sujets. Elle ne pouvait par conséquent pas s'opposer à l'adoption de mesures antidumping et s'est donc abstenue, au regard de ses intérêts comme utilisateurs de solutions azotées, lors de la consultation préalable à l'adoption du règlement européen. Il est à souligner que l'impact de cette mesure antidumping, notamment sur le renchérissement du coût des intrants doit être nuancé. Dans son étude d'impact de la mesure antidumping, la Commission européenne retient, en s'appuyant sur des données de la direction générale de l'agriculture (DG Agri) et du ministère de l'agriculture et de l'alimentation (AGRESTE), que les solutions azotées représentent 10 % des coûts totaux de production pour une exploitation céréalière moyenne française. Des droits antidumping de 30 % conduisent ainsi à une hausse d'environ 3 % des coûts totaux de production. Toutefois, des solutions alternatives aux solutions azotées liquides sont disponibles et utilisées par les agriculteurs, comme le recours aux engrais organiques ou l'introduction de plantes fixatrices d'azote dans les rotations. Le défi stratégique consiste avant tout à réduire la dépendance aux engrais minéraux importés, comme l'a rappelé à plusieurs reprises le Président de la République. En effet, réduire la dépendance à cette ressource non renouvelable, dont les prix sont marqués par une très grande volatilité, constitue à la fois un moyen de consolider la résilience du secteur et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Plus largement, la France est particulièrement attachée à ce que les filières européennes bénéficient de cadres européens protecteurs efficaces vis-à-vis de la concurrence déloyale. La France porte systématiquement auprès de la Commission européenne et des autres États membres des positions visant à assurer un juste équilibre des conditions de concurrence et à promouvoir des modes de production contribuant au développement durable et répondant aux attentes du consommateur.
Auteur : M. Pierre Vatin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 18 juin 2019
Réponse publiée le 9 juillet 2019