15ème législature

Question N° 20483
de M. Dominique Potier (Socialistes et apparentés - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Méthanisation

Question publiée au JO le : 18/06/2019 page : 5445
Réponse publiée au JO le : 27/08/2019 page : 7639

Texte de la question

M. Dominique Potier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la nécessité d'encadrer la méthanisation agricole pour bénéficier pleinement des bénéfices de cette technologie énergétique qui est au cœur d'enjeux majeurs agro-alimentaires, économiques et environnementaux. La méthanisation agricole a initialement été conçue comme une contribution positive à la transition énergétique et les lois et règlements adoptés ces dernières années ont visé, en lien avec les parties prenantes, à encadrer des projets afin de garantir leur ancrage territorial, leur dimension circulaire, l'équilibre agronomique et notre souveraineté alimentaire. Malgré ces efforts, la méthanisation agricole fait aujourd'hui l'objet de nombreuses controverses : risque de fragilisation de l'activité d'élevage, bilan écologique incertain des pratiques agricoles induites... Que l'échelle des désordres pressentis soit l'écosystème territorial ou celui de l'équilibre planétaire, les questions ainsi posées méritent d'être examinées avec sérénité dans le débat public. Les sources des conflits latents telles qu'elles sont observées sont de deux ordres. La première est évidemment l'autorisation donnée entre 2011 et 2015 à quelques entreprises qui, profitant du vide juridique, ont mobilisé l'essentiel des ressources végétales vers la méthanisation plutôt que vers l'alimentation humaine et animale. Au regard des effets déstructurants au niveau local, notamment sur le marché foncier, il convient d'étudier toutes les limites envisageables pour arrêter le plus rapidement possible ces pratiques dévoyées. La seconde dérive concerne la nouvelle génération de méthaniseurs à partir de 2017. Elle est plus systémique et se traduit de multiples façons. Premièrement, les acteurs qui émergent sur ce marché sont les plus puissants sur le plan économique. La programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit une baisse de plus de 30 % des tarifs d'achat du biométhane en injection, ce qui risque d'entraîner une massification de la production sur quelques structures pour réduire les charges de production. Ce type de structures concentre beaucoup de financements publics, laissant peu de disponibilité budgétaire aux projets plus intégrés. Deuxièmement, la carte des réalisations et des projets correspond ainsi davantage à la sociologie des acteurs qu'à celle des ressources territoriales, notamment en effluents d'élevage. Troisièmement, la limite fixée en matière de production végétale méthanisable n'est pas respectée par certains opérateurs, faute d'un contrôle effectif. Ainsi le décret du 7 juillet 2016 fixant le seuil maximal des cultures alimentaires et énergétiques cultivées à titre principal et incorporées dans les méthaniseurs à 15 % est très facilement contournable. Quatrièmement, l'effet inflationniste sur les matières premières végétales exacerbe les tensions avec le monde de l'élevage, notamment dans le cas des pénuries de fourrage liées aux épisodes de sécheresse. Enfin, les pratiques d'épandage sur certains bassins versants peuvent induire des pollutions significatives faute de contrôles efficaces. Ainsi, la méthanisation telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui ne semble pas garantir systématiquement une compatibilité avec l'équilibre alimentaire et l'écologie, tant par les intrants que par l'épandage, du fait de contournements de la réglementation ou de manque de contrôles effectifs. Un véritable développement de la méthanisation à la ferme ne peut s'envisager qu'à travers la mise en place d'un tarif de rachat de l'énergie supérieur pour les petites unités, afin que celle-ci soient plus compétitives et puissent ainsi plus facilement se financer. Il est devenu urgent de poser à nouveau les termes du débat en tirant parti des leçons de l'expérience allemande et de ses excès. Par ailleurs, il conviendrait de s'inspirer d'initiatives telles que la charte des bonnes pratiques en méthanisation à travers laquelle les Agriculteurs Méthaniseurs de France confirment leur engagement mutuel pour un développement vertueux, raisonné et harmonieux de la filière. Afin de ne pas fragiliser ce qui doit rester une contribution significative à la transition énergétique du pays, il lui demande donc quels modalités et outils concrets de prévention et de sanction sont mis en œuvre en cas de non-respect des équilibres attendus sur les plans économiques et environnementaux. Enfin, il l'interroge sur l'opportunité de la mise en place d'un label « méthanisation verte » qui permettrait aux autorités compétentes de se prononcer en toute connaissance de cause sur les attributions d'urbanisme et d'aides publiques pour les projets de méthanisation.

Texte de la réponse

La méthanisation agricole contribue activement à la politique nationale de développement des énergies renouvelables, et va y contribuer encore plus dans le cadre de la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie, tout en assurant un complément de revenus pour les agriculteurs. Le plan « Énergie Méthanisation Autonomie Azote » vise la création de 1 000 installations de méthanisation agricole d'ici 2020. La France en compte aujourd'hui plus de 400 en fonctionnement. La question de l'approvisionnement des installations de méthanisation est effectivement fondamentale pour éviter la concurrence avec les usages alimentaires. Aussi, cette question a été prise en compte dès l'élaboration de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui prévoit, à son article 112 modifiant l'article L. 541-39 du code de l'environnement, que : « Les installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes peuvent être approvisionnées par des cultures alimentaires, dans la limite de seuils définis par décret. Les résidus de cultures associés à ces cultures alimentaires et les cultures intermédiaires à vocation énergétique sont autorisés. » Le décret n° 2016-929 du 7 juillet 2016 pris pour l'application de cet article a été publié le 8 juillet 2016, après une concertation approfondie avec les parties prenantes. Il prévoit pour les cultures alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale, un seuil maximal de 15 % en tonnage brut total des intrants pour l'approvisionnement des installations de méthanisation. La politique européenne évolue vers des modèles d'approvisionnement des méthaniseurs en Europe plus durables. Les pays où le biogaz est produit avec une utilisation massive de cultures énergétiques dédiées s'orientent désormais vers la valorisation de davantage de sous-produits et déchets agricoles, rejoignant ainsi le modèle français. La politique européenne encadre également le changement d'affectation des terres, c'est-à-dire les situations dans lesquelles des cultures destinées à la production d'énergie occupent des terres auparavant consacrées aux cultures alimentaires, lesquelles risquent alors d'être déplacées dans des zones non exploitées jusque-là. Concernant le développement des méthaniseurs agricoles, afin d'en accélérer le rythme d'installation, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a doté un fonds de garantie publique, permettant à Bpifrance de distribuer un prêt sans garantie, destiné aux exploitants agricoles, qui, seuls ou en groupe, investissent dans une installation de méthanisation agricole. Il a pour ambition d'accompagner la réalisation de 400 nouveaux projets dans les cinq prochaines années, pour un montant total de financement d'environ 100 millions d'euros. Ce nouvel instrument financier vise à lever un frein identifié dans la concrétisation des projets de méthanisation agricole. Enfin, la professionnalisation des agriculteurs-méthaniseurs est un des axes retenus dans le cadre du plan d'action interministériel pour le développement de la bioéconomie. À ce titre, un certificat de spécialisation « responsable d'une unité de méthanisation agricole », élaboré par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, vient d'entrer en application en mars 2019. La formation sera notamment proposée dans les lycées agricoles disposant d'une unité de méthanisation. Elle devrait contribuer dans la reconnaissance de la crédibilité des projets de méthanisation agricole sur les plans économiques et environnementaux. D'autres actions sont également à l'étude en interministériel dans cet objectif.