15ème législature

Question N° 20674
de Mme Clémentine Autain (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > aménagement du territoire

Titre > Régularisation de la taille des grandes surfaces

Question publiée au JO le : 25/06/2019 page : 5723
Réponse publiée au JO le : 13/08/2019 page : 7507
Date de changement d'attribution: 02/07/2019

Texte de la question

Mme Clémentine Autain interroge Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la régularisation de la taille des grandes surfaces en France. Alertée sur de nombreuses irrégularités qui ont permis à des grandes surfaces de s'agrandir de manière frauduleuse, Mme la députée attend du Gouvernement une meilleure application de la loi et des règles en vigueur. En effet, ces irrégularités sont de prime abord liées au manque de moyens des Commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) et de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC). Comme prévu par la directive européenne 2006/123/CE, relative aux services dans le marché intérieur, chaque État membre, dont la France, doit être pourvu d'institutions pouvant mener à bien des enquêtes autorisant la construction et l'expansion de surfaces commerciales dans le respect de l'environnement et de l'environnement urbain, mais aussi de contrôler et sanctionner les surfaces qui iraient à l'encontre de cela et de la loi. Manifestement, comme le relèvent plusieurs associations, ce n'est pas le cas. En outre, ce manquement des institutions indépendantes n'est pas compensé par l'État car Mme la députée relève le manque de cohérence dans les agissements des préfets et des tribunaux administratifs entre eux. Si les préfets ont le pouvoir de mettre en demeure une surface commerciale hors-la-loi et de récupérer des astreintes dues, ils ne peuvent le faire qu'une fois une enquête menée. Certains préfets et tribunaux administratifs déclarent ne pas pouvoir initier d'eux-mêmes ces enquêtes quand bien même une infraction serait clairement identifiée. Ainsi par exemple, le préfet des Alpes-Maritimes souhaite une enquête indépendante de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), quand dans les Bouches-du-Rhône le tribunal administratif de Marseille demande au préfet de mener une enquête. Quand bien même une enquête est menée et une infraction constatée, comme dans le cadre de la surface illégale du magasin E. Leclerc de Genay, le préfet peut alors user à sa discrétion de l'argument politique du chantage à l'emploi pour ne pas mettre en demeure le magasin et récupérer les astreintes dues. Mme la députée regrette le caractère éclaté et arbitraire des décisions judiciaires et administratives sur les surfaces illégales, qui se font au profit des grands groupes et contre les petits commerçants, au mépris de la loi. De plus, la non réclamation des astreintes, dont le taux a encore été baissé par la loi ELAN comme elle le regrette, aurait fait perdre des dizaines de milliards d'euros depuis plus de trente ans à l'État. Ainsi, elle lui demande que soit effectivement appliquée la directive européenne en augmentant les moyens et effectifs des CDAC et CNAC, et que la loi soit effectivement appliquée par le moyen d'une circulaire unifiant les décisions des préfets dans le sens d'une mise en demeure et d'une réclamation des astreintes à chaque infraction constatée.

Texte de la réponse

La procédure française d'autorisation d'exploitation commerciale s'inscrit dans les principes de respect d'une concurrence loyale (article L. 750-1 du code de commerce) et du strict respect de la liberté d'établissement prévue par les articles 49 à 55 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le respect des engagements pris par les porteurs de projets dans les dossiers de demandes d'autorisations d'exploitation commerciale (AEC) délivrées par les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) ou, en cas de recours, par la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), constitue un enjeu économique et juridique majeur auquel le Gouvernement attache une importance particulière. Comme rappelé dans l'instruction du Gouvernement du 3 mai 2017 sur la législation en matière d'aménagement commercial, l'efficacité du dispositif d'AEC repose sur le contrôle du respect des autorisations accordées et l'égalité de tous devant la loi. La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) est venue renforcer l'arsenal de contrôle existant (article L. 752-23 du code de commerce). D'une part, elle a introduit un « contrôle de conformité » avant l'ouverture au public de l'équipement commercial autorisé. D'autre part, elle fait désormais obligation au préfet d'agir contre les exploitations illicites avérées, voire permet aux agents habilités par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, selon leur compétence respective en la matière, de constater les infractions à l'article L. 752-1 du code de commerce. Jusqu'à cette loi, il s'agissait pour le préfet d'une faculté, tant de mise en demeure que de fermeture, sous astreinte journalière, automatique, de 150 € par mètre carré exploité illégalement. Désormais, le préfet a l'obligation de mettre en demeure le contrevenant, visé par un constat d'infraction, soit de fermer au public les surfaces de vente exploitées illégalement en cas de création, soit de ramener la surface de vente à l'autorisation accordée, puis, à défaut, de prendre un arrêté de fermeture au public des surfaces de vente exploitées illégalement. Ces mesures demeurent assorties d'une astreinte journalière, désormais modulable dans la limite de 150 € maximum par mètre carré exploité illicitement. S'agissant des sanctions, celles-ci ne peuvent être décidées qu'au terme d'une procédure contradictoire et impartiale, conclue par un constat d'infraction qui ne peut émaner que d'agents dûment habilités par l'Etat, voire par une commune ou un EPCI à fiscalité propre compétent. Cela ne retire pas aux tiers, et en particulier aux concurrents, leur pouvoir d'alerte. En revanche, le « contrôle a posteriori » des autorisations d'exploitation commerciale échappe totalement aux commissions d'aménagement commercial (CDAC et CNAC). Le représentant de l'Etat dans le département est garant, sur ce territoire spécifique, de la mise en œuvre des politiques publiques et du respect de l'ordre public en général. Les juges se prononcent en toute indépendance et impartialité, en tenant compte des éléments contenus dans chaque dossier. La succession des réformes menées ces dix dernières années, pour tenir compte notamment de l'évolution du commerce en général et des habitudes de consommation en particulier (notamment l'e-commerce et le « drive  »), complique la double tâche, à laquelle les Gouvernements successifs se sont attelés, de simplification et de lisibilité du droit relatif au dispositif de contrôle. Ainsi, si des erreurs demeurent tous opérateurs confondus, elles ne doivent pas faire oublier que le dispositif fonctionne et que les irrégularités ne sont pas nombreuses, ni la fraude généralisée.