Expérimentation animale
Question de :
M. Pierre Dharréville
Bouches-du-Rhône (13e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Pierre Dharréville attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sur les expérimentations zootechniques effectuées sur les animaux notamment dans le but d'augmenter encore le caractère intensif de l'élevage. En effet, une association de défense des animaux a récemment mis en évidence l'existence d'expériences particulièrement poussées montrant des bovins implantés avec des hublots, apparemment menées afin d'élaborer et tester des aliments dans le but d'augmenter les performances des animaux d'élevage. Cette approche de l'élevage, particulièrement productiviste, chosifiant à outrance les bêtes en écartant la recherche de santé, d'équilibre et de bonnes conditions de vie, doit interroger. Elles le doivent d'autant plus que l'article L. 214-3 du code rural ainsi que le décret n° 2013-118 du 1er février 2013 relatif à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques limitent et encadrent les expériences biologiques médicales et scientifiques aux cas de stricte nécessité. Le décret n° 2013-118 du 1er février 2013 impose que tout projet de recherche incluant l'expérimentation animale face l'objet d'une évaluation par un comité d'éthique en expérimentation animale agréé par arrêté du ministre chargé de la recherche. M. le député aimerait savoir comment les expérimentations sus-citées ont pu être possibles. Ces expériences de zootechniques ne relevant pas de la recherche en santé animale, de la protection de l'environnement, il souhaiterait connaître les critères retenus par le comité d'éthique en expérimentation animale et s’il a autorisé ce projet. Il souhaiterait également connaître les moyens mis à la disposition des comités d'éthique en expérimentation animale pour instruire et agréer un projet. Il souhaiterait enfin s'assurer que dans le cas mentionné en particulier, mais également de façon générale sur ce type de recherches, des fonds publics ne sont pas engagés, et connaître les programmes soutenus par le ministère afin de soutenir le développement de pratiques d'élevage prenant en compte les exigences contemporaines d'une agriculture à vocation écologique dans le respect de l'animal. Cette question est d'autant plus sensible que de telles pratiques viennent jeter l'opprobre sur tout un secteur d'activité. Les mutations technologiques sont manifestement en train de faire émerger la tentation d'une e-domestication posant des questions éthiques dont la puissance publique ne saurait se dédouaner. C'est pourquoi il aimerait connaître l'action menée par le Gouvernement pour ne pas laisser des démarches d'apprentis-sorciers, des logiques d'optimisation animale du même type que celles déployées par les firmes semencières se développer au mépris des écosystèmes, du vivant et de la santé humaine.
Réponse publiée le 8 septembre 2020
M. Pierre Dharréville interroge Mme la ministre chargée de la recherche sur les expérimentations zootechniques réalisées dans le but d'augmenter les performances des animaux d'élevage, suite aux activités d'une association de défense des animaux dénonçant les « animaux porteurs de hublots », dispositif permettant d'avoir accès au système digestif d'un ruminant. Les applications des travaux réalisés sur animaux canulés au cours des 40 dernières années ne sont pas restreintes à une augmentation de productivité. Elles concernent notamment 1) la détermination des apports alimentaires par la ration, en particulier de l'azote, pour mieux nourrir les ruminants et répondre à leurs besoins alimentaires : l'alimentation actuelle des ruminants en France et dans de nombreux pays d'Europe découle de ces études ; 2) la maîtrise des dysfonctionnements du rumen qui peuvent affecter la santé des ruminants, contribuant au bien-être des animaux en élevage ; 3) L'amélioration de la qualité nutritionnelle du lait et de la viande pour l'alimentation humaine ; 4) la maîtrise des rejets vers l'environnement, en particulier la réduction des émissions de méthane, qui est un réel enjeu de la politique environnementale. Cette pratique expérimentale est par ailleurs encadrée à différents niveaux : - La pose de canule est un acte chirurgical, réalisé dans un bloc opératoire spécifique agréé. L'acte chirurgical est pratiqué par des personnes compétentes et formées à la chirurgie expérimentale. La douleur est prise en charge et les animaux font l'objet d'une surveillance post-opératoire rapprochée. Ils se relèvent et recommencent à manger immédiatement, ce qui suggère une douleur minime. Suite à l'opération, les animaux sont conduits en stabulation ou au pré et font l'objet d'un suivi attentif de la part de personnes affectées au soin et à l'hébergement des animaux expérimentaux. - La technique chirurgicale utilisée est décrite en détail dans le cadre d'un projet de recherche identifiant précisément l'objectif scientifique à atteindre. Le projet est autorisé par le ministère chargé de la recherche suite à une évaluation réalisée par un comité d'éthique (balance coût-bénéfice eu égard à l'objectif scientifique du projet). Le fonctionnement de ces comités d'éthique n'est pas directement assuré par le ministère en charge de la recherche, mais il finance de fait largement ceux de ces comités d'éthique mis en place par ses opérateurs (soit la majorité d'entre eux), puisque la subvention pour charges de service public qu'il verse à ces derniers constitue souvent leur principale ressource. Par ailleurs, les conditions de fonctionnement des comités d'éthique sont vérifiées par le ministère dans le cadre de l'audit de ces comités. Il est à souligner que les résultats scientifiques dépendent fortement de la qualité de vie des animaux. Aussi est-il indispensable que les animaux expérimentaux aient un comportement et un état sanitaire identiques à ceux des animaux d'élevage, non canulés. Leurs performances de production sont semblables, les troubles sanitaires observés sont légèrement moins nombreux chez les vaches porteuses de canules et leur longévité est plus grande que celle des animaux d'élevage. Les animaux mangent autant avant et après la pose de canules, et digèrent de la même manière. Ils passent autant de temps à ruminer, et l'on sait que la rumination se fait à des moments où l'animal est tranquille (elle est interrompue si l'animal est inquiet ou perturbé). Les animaux canulés sont couchés aussi longtemps et se reproduisent de la même manière que leurs congénères. Ceci suggère que les conditions de vie de ces animaux n'entrainent ni douleur, ni mal-être à long terme et que la principale contrainte imposée à ces animaux expérimentaux est celle liée à la chirurgie. En résumé, pour produire les connaissances scientifiques nécessaires à l'amélioration de la santé et du bien-être des animaux, à la préservation de l'environnement et réduction de l'émission des gaz à effet de serre, des études sur la digestion des aliments par les ruminants sont indispensables. Afin de s'affranchir progressivement de l'utilisation d'animaux porteurs de canules, un plan de développement de méthodes alternatives a été engagé. Dans la période transitoire, l'utilisation d'un petit nombre d'animaux porteurs de canules reste nécessaire. Elle est conduite avec une attention particulière aux conditions opératoires et post-opératoires des animaux, à leur qualité de vie, de santé et de bien-être, et dans le strict respect de la réglementation.
Auteur : M. Pierre Dharréville
Type de question : Question écrite
Rubrique : Animaux
Ministère interrogé : Enseignement supérieur, recherche et innovation
Ministère répondant : Enseignement supérieur, recherche et innovation
Dates :
Question publiée le 25 juin 2019
Réponse publiée le 8 septembre 2020