Privatisation en cours de l'Office national des forêts et des forêts publiques
Question de :
Mme Mathilde Panot
Val-de-Marne (10e circonscription) - La France insoumise
Mme Mathilde Panot alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les réflexions en cours concernant l'avenir de l'Office national des forêts (ONF) et la privatisation des forêts publiques. En effet, Mme la députée s'interroge sur le contenu préoccupant du rapport interministériel à paraître sur l'ONF. Elle espère que ses préconisations répondront aux enjeux cruciaux auxquels sont confrontées les forêts publiques : accessibilité des forêts aux citoyens en recul, conditions de travail des forestiers alarmantes, recherche permanente du profit et de la productivité, altération croissante de la biodiversité, dérèglement climatique. Elle espère également que la publication tardive de ce rapport - qui devait être transmis au Gouvernement le 28 février 2019 - n'a pas pour objectif de masquer aux yeux du pays que les forêts seront laissées aux mains des actionnaires. Aujourd'hui, les faits sont inquiétants. Alors que l'ONF est en charge du contrôle et de la gestion d'environ 25 % du domaine forestier français, il est frappant de voir que le Gouvernement auquel appartient M. le ministre d'État lui diminue ses subventions. De même, il est choquant de voir que le Gouvernement ne prend pas la mesure de la situation dramatique vécue par les forestiers depuis plusieurs décennies maintenant. M. le ministre d'État n'est pas responsable de la suppression d'un emploi sur deux en 50 ans réalisée au prétexte de l'austérité. Mais cette situation intenable s'impose à M. le ministre d'État, le pouvoir étant à ce jour entre ses mains. En revanche, il est responsable de l'arrêt du recrutement de forestiers fonctionnaires privilégiant dans le même temps les contrats de droit privé, au prétexte de l'austérité. Et à l'heure où l'on devrait déclarer l'état d'urgence écologique et climatique, M. le ministre d'État fait fausse route. Ces derniers personnels ne sont pas assermentés pour exercer pleinement le rôle d'un forestier fonctionnaire, seul à même d'exercer avec constance une mission d'intérêt général, comprenant notamment la protection de l'écosystème forestier. En définitive, le bilan de cette politique libérale est sans appel. Depuis 2002, ce sont près de 50 forestiers qui ont franchi le pas terrible du suicide. Pour mettre un terme à cet état des choses gravissime, il faut absolument franchir le pas de l'action écologique, sociale et démocratique. D'autre part, Mme la députée s'interroge sur les questions environnementales dont traite un projet de décret en cours ayant pour objet la simplification des autorisations administratives. Il laisse entendre que l'avis consultatif émis par l'ONF sur les projets de défrichement pourrait être supprimé. L'environnement ne saurait être une variable d'ajustement des projets de coupe forestière, autant que l'argument du gain d'efficacité ne saurait être recevable. En effet, l'ONF ayant à sa charge les forêts les plus anciennes et les plus riches dont les services écologiques ne sont plus à démontrer, il serait impensable de se priver de son expertise sur de tels projets. Par ailleurs, si le Congrès national des communes forestières réuni les 6 et 7 juin 2019 a justement rappelé le besoin de conserver un service public national de la forêt, Mme la députée enjoint M. le ministre d'État à ne pas séparer la gestion des forêts de leur contrôle pour ouvrir cette première à la concurrence. Cette proposition qui émane de la Fédération nationale des communes forestières engagerait une rupture de l'égalité républicaine ; quoique comptant plus de la moitié des communes forestières parmi ses adhérents, cette association réunit avant tout des communes riches ayant les dispositions financières conséquentes pour obtenir les services de prestataires privés. On ne pourrait mettre fin au système actuel de péréquation sans mettre à mal les communes les plus démunies, et du même coup les forêts dont elles auraient la charge. Peut-être serait-il alors juste de suivre les revendications du manifeste de Tronçais, signé par douze ONG environnementales et l'intersyndicale de l'ONF, visant à faire de la forêt un espace sanctuarisé. En définitive, la solidarité nationale doit continuer à s'exercer au nom de la préservation du patrimoine commun forestier. Enfin, l'exploitation de la forêt ne saurait être soumise à des logiques budgétaires et aux intérêts financiers. L'essoufflement du modèle productiviste en témoigne. En 50 ans, s'il y a certes eu une augmentation de 35 % des récoltes de bois, elle s'est néanmoins accompagnée d'une diminution de 30 % des recettes liées à ces coupes. La baisse des cours du bois en est en grande partie responsable. Il convient donc de protéger l'ONF ainsi que les forêts des aléas du marché. Et pour y répondre, rien ne sert de faire des économies sur le dos des travailleurs : on le voit, les conséquences sont dramatiques. Ce n'est pas à l'État de laisser l'ONF se sauver lui-même - qui plus est de manière hasardeuse - mais à l'État de sauver l'ONF. Elle lui demande s'il poursuivra la privatisation engagée de l'ONF ainsi que des forêts publiques au détriment d'une politique forestière à la hauteur de l'urgence écologique et climatique.
Réponse publiée le 3 septembre 2019
Le secteur forêt-bois constitue un secteur stratégique pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 inscrite dans le plan climat et déclinée par la stratégie nationale bas carbone en cours de révision. Il alimente l'économie en produits bio-sourcés et renouvelables, fournit la biomasse pour l'énergie et constitue un puits de carbone significatif. Dans ce cadre, l'office national des forêts (ONF) joue un rôle moteur, au sein de la filière forêt-bois, en faveur de la transition énergétique et dans la préservation et le développement du patrimoine forestier. L'action de l'ONF, établissement public à caractère industriel et commercial, est guidée par la mise en œuvre d'un contrat d'objectifs et de performance (COP) fixant ses axes de travail. Le COP a été signé par l'État, la fédération nationale des communes forestières et l'ONF le 7 mars 2016 pour la période 2016-2020. Il confie en premier lieu à l'ONF la mission, prévue à l'article L. 221-2 du code forestier, de gérer durablement les forêts publiques, en intégrant leur triple vocation écologique, sociale et économique. La mission interministérielle chargée en novembre 2018 par le Gouvernement d'évaluer le COP en cours de l'ONF et de proposer des pistes d'évolution de l'établissement vient de remettre son rapport. L'État engagera, dans les prochaines semaines, la mise en œuvre des recommandations du rapport, sur la base des orientations suivantes, afin d'assurer une gestion multifonctionnelle des forêts publiques qui réponde pleinement aux enjeux du changement climatique, de développement de la filière bois, de préservation de la biodiversité, et du développement des territoires ruraux. Les parties prenantes seront associées à ces travaux. Ce rapport confirme le bien fondé du régime forestier dans ses grandes composantes. Il souligne également la grande qualité des agents de l'ONF, leur engagement et leur compétence technique au service de la gestion durable des forêts et de la prévention des risques naturels. Fort de ces constats, l'État entend conserver l'unité de gestion des forêts publiques, domaniales et communales, par un opérateur unique, l'ONF. Ce rapport confirme également le haut standard environnemental de la gestion forestière par l'ONF, que l'État s'engage à maintenir et à développer, au service de la transition écologique dans laquelle la France est engagée. Dans ce cadre, le modèle de l'ONF sera adapté, notamment afin de mieux répondre aux attentes des collectivités forestières, en leur assurant une information complète et la transparence sur les coûts de gestion. Un plan de transformation sera engagé, sur cinq ans, afin d'améliorer la performance de l'établissement et accélérer la rationalisation des fonctions supports, la modernisation des systèmes d'information et la révolution numérique pour une gestion forestière publique et une organisation plus efficientes. Une meilleure adéquation des emplois aux missions s'appuiera sur une gestion des ressources humaines réformée et modernisée. La gouvernance de l'office sera redéfinie. L'ONF devra se doter d'un plan stratégique pluriannuel et d'un conseil d'administration resserré. Elle associera les partenaires de l'office selon de nouvelles modalités à définir. Au sein de l'établissement public à caractère industriel et commercial, la continuité des activités concurrentielles de travaux et services sera assurée dans le cadre d'une filiale qui participera à l'amélioration de la transparence financière. Les relations entre l'ONF, les communes et l'État seront redéfinies : un versement compensateur qui finance la gestion des forêts communales par l'ONF, sera conservé et le financement de la gestion des forêts domaniales et des missions d'intérêt général sera clarifié afin de doter l'office d'un cadre d'action stable et prévisible. Enfin, le projet de décret de simplification de la procédure d'autorisation environnementale pour les installations classées pour la protection de l'environnement, porté par le ministère de la transition écologique et solidaire, vise à simplifier les procédures d'instruction des autorisations environnementales, qui peuvent tenir lieu d'autorisation de défrichement. Les débats en cours au Conseil d'État vont permettre de clarifier le fait que le Préfet peut bien procéder en tout état de cause à la consultation des établissements publics tels que l'ONF, et ce dans le décret simple qui régit cette procédure d'autorisation.
Auteur : Mme Mathilde Panot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Bois et forêts
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 25 juin 2019
Réponse publiée le 3 septembre 2019