15ème législature

Question N° 20765
de Mme Laurence Vanceunebrock (La République en Marche - Allier )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > étrangers

Titre > Jeunes mineurs et majeurs étrangers - contrats d'apprentissage - OQTF

Question publiée au JO le : 25/06/2019 page : 5746
Réponse publiée au JO le : 03/12/2019 page : 10544

Texte de la question

Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'avenir des jeunes mineurs étrangers et non accompagnés ayant entrepris une formation professionnalisante en alternance dans plusieurs départements français, une fois que ces jeunes atteignent l'âge de leur majorité révolue. Par une ordonnance du 15 février 2017, le Conseil d'État a jugé que les mineurs étrangers âgés de 16 à 18 ans confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE), sont en droit d'obtenir une autorisation provisoire de travail (APT), pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage, de formation en alternance, ou de professionnalisation à durée déterminée. En outre, l'APT n'est pas subordonnée à un examen préalable de leur droit au séjour par les préfectures. Cette autorisation est à solliciter auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) dans le cas d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation. L'examen de la loi « Pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie » en octobre 2018 a inclus des dispositions pour faire du travail le vecteur d'intégration des jeunes étrangers entrés en France entre 16 et 18 ans révolus et fixer un certain nombre de droits, telle que la meilleure conciliation d'une demande d'un titre de séjour et des délais de traitement de l'administration, au regard de la poursuite d'une formation professionnalisante. Une autre disposition de la même loi vise à compléter l'article L. 5221-5 du code du travail, en affirmant le droit à une prise en charge par l'ASE, sous réserve de la présentation d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation. Cependant, nombre de ces formations sont interrompues aujourd'hui après les 18 ans révolus du jeune majeur, bien qu'ils aient été encouragés par les administrations départementales à s'engager dans ces voies professionnalisantes. Dans des secteurs professionnels en tension, qui peinent à recruter aujourd'hui, les jeunes étrangers mineurs en apprentissage sont des personnes essentielles à la vie des petites et moyennes entreprises (PME) qui s'appuient sur le travail des apprentis, faute de trésorerie suffisante pour embaucher un plus grand nombre de salariés. L'abandon de ces formations, sans autorisation de travail ni titre de séjour valide, crée une double peine : pour les PME où l'apprenti est parfaitement inséré dans l'organisation du travail, et pour les jeunes majeurs, désormais dans l'illégalité, exposés à de plus grands risques socio-économiques. La décision prononcée en décembre 2018 par la préfète de l'Allier d'un refus de demande de titre de séjour d'un jeune majeur qui en avait fait la demande, et la notification d'une obligation de quitter la France, met ce jeune majeur dans une situation extrêmement précaire, malgré le suivi d'une formation professionnalisante. Á ses 18 ans révolus et reconnus, le jeune étranger n'est plus pris en charge par l'ASE, il peut être congédié de son hébergement et se retrouver à la rue. D'après l'association Réseau éducation sans frontières, c'est une situation qui est loin d'être unique aujourd'hui et qui concerne des dizaines de jeunes sur tout le territoire. Elle souhaiterait alors savoir s'il est possible de permettre à ces jeunes de conclure leur apprentissage malgré leur majorité reconnue, sous conditions de présenter un contrat d'apprentissage ou de formation en alternance et une demande de titre de séjour sur le sol français. Bien qu'étant en situation d'illégalité sur le territoire français, et à défaut de pouvoir y rester, le jeune majeur sera doté d'un diplôme, ce qui semble être une mesure de sagesse.

Texte de la réponse

La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maitrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie intègre des mesures pour renforcer la sécurité du parcours des mineurs non accompagnés (MNA) pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE). Ainsi, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit désormais la délivrance de plein droit d'une autorisation provisoire de travail aux MNA pris en charge par l'ASE, sous réserve de la présentation d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation. De même, l'article L. 744-11 du CESEDA a été modifié pour préciser que le mineur non accompagné qui a commencé un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation et qui effectue une demande d'asile est autorisé à poursuivre son contrat pendant la durée de traitement de sa demande. Concernant l'accès au séjour, au plus tard dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire, les mineurs non accompagnés doivent se présenter à la préfecture afin de faire examiner leur situation administrative. En effet, comme tous les ressortissants de pays tiers majeurs présents sur le territoire, ils doivent détenir un titre de séjour. Si le mineur a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de 16 ans, il peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » en application du 2° bis de l'article L. 313-11 du CESEDA. Cette carte est délivrée de plein droit sous réserve du caractère réel et sérieux de la formation suivie, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société. Ce titre lui permettra de travailler pendant toute sa durée de validité, et donc de continuer à suivre une formation professionnelle qualifiante (sans avoir à solliciter d'autorisation de travail). Si le mineur a été pris en charge par l'ASE entre l'âge de 16 ans et l'âge de 18 ans et suit une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle depuis au moins 6 mois (au plus tard dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire), l'article L. 313-15 du CESEDA lui permet de bénéficier, sous le respect de certaines conditions et en particulier du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, d'une carte de séjour temporaire « travailleur temporaire » ou « salarié ». L'attribution d'une carte de séjour sur ce fondement n'est cependant pas automatique. La loi ouvre un pouvoir d'appréciation au préfet qui prend en compte la situation globale de l'étranger, notamment pour apprécier son niveau d'insertion dans la société française. Dans les deux cas mentionnés, le mineur isolé devenu majeur est autorisé à achever son cycle de formation destiné à lui apporter une qualification professionnelle s'il en remplit les conditions. Un récépissé l'autorisant à travailler lui sera délivré dans l'attente qu'il soit statué sur sa demande de titre de séjour. Conformément aux annonces faites à l'issue du comité interministériel sur l'immigration et l'intégration du 6 novembre 2019, le ministère de l'intérieur diffusera d'ici janvier 2020 des instructions aux préfets pour permettre un examen anticipé dès l'âge de 16 ou 17 ans afin de sécuriser leur parcours d'intégration.