15ème législature

Question N° 20972
de M. Jean-Carles Grelier (Les Républicains - Sarthe )
Question écrite
Ministère interrogé > Armées
Ministère attributaire > Armées

Rubrique > défense

Titre > Reconnaissance amiante pour les anciens militaires

Question publiée au JO le : 02/07/2019 page : 5989
Réponse publiée au JO le : 17/12/2019 page : 10946
Date de renouvellement: 22/10/2019

Texte de la question

M. Jean-Carles Grelier attire l'attention de Mme la ministre des armées sur l'injustice qui frappe les anciens militaires ayant été exposés à l'amiante. En effet, la loi du 23 décembre 1998 (n° 98-1194) pour le financement de la sécurité sociale pour 1999, institue en son article 41 l'allocation de cessation anticipée des anciens travailleurs de l'amiante (ACAATA). Il est créé parallèlement le fonds de cessation anticipé des anciens travailleurs de l'amiante (FCAATA). C'est-à-dire que toute personne qui a travaillé au contact de l'amiante (dans des établissements répertoriés par arrêté) ou qui est atteinte d'une maladie de l'amiante classée dans la liste des maladies professionnelles, peut être mise en préretraite amiante à partir de 50 ans. Depuis 2005, de nombreux rapports parlementaires se sont succédé pour demander d'uniformiser les règles des dispositifs de cessation anticipée d'activité entre les différents régimes de sécurité sociale, instaurer des règles de réciprocité entre le régime général de la sécurité sociale et l'ensemble des régimes spéciaux afin que chacun d'eux puisse opérer le cumul de toutes les périodes d'activité. Malgré cela, de nombreuses personnes sont encore exclues de ces dispositifs, notamment les militaires qui ont travaillé pendant des années à bord bâtiments de la marine nationale construits jusqu'en 1997 ou dans des chars isolés par l'amiante. En 2011, en réponse à une question écrite, le Gouvernement justifiait leur exclusion de l'ACAATA ainsi : « S'agissant des anciens militaires, ils perçoivent une pension militaire de retraite, dont le calcul intègre les années d'exposition à l'amiante ». Cependant, depuis quand une pension civile et militaire indemnise-t-elle les maladies contractées en service ? Le 21 juin 2019, le tribunal de Rennes a donné raison à une cinquantaine d'officiers mariniers en retraite demandant à l'État de reconnaître le préjudice d'anxiété et de reconnaître leurs droits en termes de départ anticipé à la retraite (ACAATA). Il semblerait opportun que l'État profite de cette décision pour mettre un terme à cette situation injuste et anormale. Il lui demande donc de bien vouloir agir en ce sens.

Texte de la réponse

Plusieurs dispositifs permettent de prendre en compte les conséquences sanitaires de l'exposition à l'amiante. Créée par la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, l'allocation de cessation anticipée des anciens travailleurs de l'amiante (ACAATA) permet aux travailleurs du secteur privé victimes d'une maladie professionnelle liée à l'amiante, de bénéficier sous certaines conditions d'une préretraite. Les anciens militaires qui quittent l'institution avec une pension militaire de retraite pour se reconvertir dans le secteur privé ne peuvent pas bénéficier de ce dispositif au titre de leurs services militaires car leur pension militaire de retraite intègre déjà dans son calcul les années de services au cours desquelles ils ont été exposés à l'amiante. Or, il est impossible en droit d'englober les années de services réalisées en qualité de militaire dans les années d'exposition ouvrant droit à l'ACAATA. En effet, selon une jurisprudence constante du Conseil d'Etat (CE, 6 juin 1980, M. GARNIER Rec. p. 814), une même période d'activité ne peut faire l'objet de l'attribution de deux prestations liées à la durée des services (en l'espèce la pension militaire de retraite et l'ACAATA). Par conséquent, il n'est pas possible de prendre en compte les années de services militaires pensionnés pour le calcul des années d'exposition à l'amiante ouvrant droit au dispositif de l'ACAATA. Par la suite, l'article 146 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a instauré un dispositif de cessation anticipée d'activité applicable aux fonctionnaires et agents contractuels de droit public reconnus atteints, au titre de leur activité au sein de la fonction publique de l'État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière, d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante. Depuis la parution de l'article 146 précité, seuls les militaires ne bénéficiaient pas d'un dispositif de cessation anticipé d'activité en cas de maladie liée à l'amiante. Le ministère des armées s'est attaché à mettre fin à cette iniquité et a modifié l'article 146 de la loi du 29 décembre 2015 par l'article 134 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, permettant ainsi pour la première fois aux militaires reconnus atteints, au titre de leur activité en qualité de militaire, d'une maladie provoquée par l'amiante, de demander à bénéficier d'une cessation anticipée d'activité et à percevoir à ce titre une allocation spécifique de cessation anticipée d'activité (ASCAA). Cette allocation, qui peut se cumuler notamment avec une pension militaire d'invalidité, est prise en compte pour la constitution et la liquidation des droits à pension des militaires. L'Etat prend en charge les cotisations pour pension liées à cette allocation. Un décret n° 2018-546 du 28 juin 2018 relatif à la cessation anticipée d'activité des militaires reconnus atteints d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante précise par ailleurs les conditions d'application aux militaires de cette allocation spécifique de cessation anticipée d'activité. Cette extension de l'ASCAA aux militaires malades de l'amiante constitue une avancée importante pour la condition militaire. Pour autant, ce pas important désormais franchi, le ministère des armées poursuit, en lien avec le ministère des affaires sociales, sa réflexion concernant l'extension de l'ACAATA aux anciens militaires sans droit à pension de retraite. S'agissant plus spécifiquement de la décision du tribunal administratif de Rennes du 20 juin 2019, elle reconnaît la responsabilité de l'Etat en raison de la carence fautive du ministère dans la mise en oeuvre effective des mesures de protection contre l'exposition aux poussières d'amiante des marins embarqués. Le tribunal a rappelé que les requérants avaient droit à l'indemnisation de leurs préjudices s'ils sont certains et résultent directement de la carence fautive de l'Etat. Les personnels civils relevant de l'ASCAA n'ont pas à apporter la preuve que leur employeur a manqué à son obligation de sécurité et que cette faute leur a causé un préjudice. Ils doivent uniquement être en mesure de justifier qu'ils entrent dans le dispositif ASCAA afin d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété. En revanche, les militaires, qui ne bénéficient pas de l'ASCAA, ne relèvent pas de ce régime de preuve. Ils peuvent néanmoins obtenir réparation de leur préjudice d'anxiété en apportant suffisamment d'éléments de nature à établir la faute de l'Etat ainsi que l'existence et l'étendue de leur préjudice. Le récent rapprochement de jurisprudences entre les juridictions administrative et judiciaire en matière d'indemnisation du préjudice d'anxiété des travailleurs exposés à l'amiante conduit à une certaine harmonisation des régimes de réparation du préjudice d'anxiété des agents exposés à l'amiante. Par une décision du 5 avril 2019 n° 18-17.442, la Cour de cassation considère qu'un salarié, qui ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ou dont l'employeur n'est pas inscrit sur la liste fixé par arrêté ministériel dans le cadre de ce régime, peut néanmoins agir contre son employeur aux fins d'indemnisation de son préjudice d'anxiété si celui-ci justifie d'une exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave. Auparavant, la Cour de cassation ne reconnaissait l'existence du préjudice d'anxiété que dans le cadre du dispositif de l'ACAATA. Dorénavant, les jurisprudences administrative et judiciaire sont similaires. Les juges considèrent que l'ACATAA pour les salariés, ou l'ASCAA pour les civils de la fonction publique, permettent de présumer qu'ils auraient été réellement exposés à l'amiante. En dehors de ce dispositif, le demandeur est soumis aux principes du droit commun de la responsabilité. C'est le cas du personnel militaire tout comme des travailleurs ne bénéficiant pas d'un régime de retraite anticipée au titre de l'exposition aux poussières d'amiante.