Question de : M. Jérôme Nury
Orne (3e circonscription) - Les Républicains

M. Jérôme Nury attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur une distorsion de concurrence au sein de la filière porcine entre l'Allemagne et ses partenaires européens. En cause, une interprétation erronée de la directive européenne sur la TVA agricole outre-Rhin. En effet, l'article 296 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 autorise les États membres à appliquer un régime de TVA forfaitaire plus souple que le régime ordinaire pour les exploitations se heurtant à des difficultés lors de son application. Dans cet esprit, ce régime de TVA forfaitaire est donc soumis aux petites exploitations, en l'occurrence moins de 46 000 euros de chiffre d'affaires en France. Or l'Allemagne, dans son interprétation de la directive, permet à toutes les exploitations de bénéficier de ce régime, non pas selon le chiffre d'affaires, mais suivant le chargement d'animaux par hectare. En conséquence, ce sont plus de deux tiers des agriculteurs allemands qui sont soumis à ce régime très favorable et qui l'utilisent ainsi comme optimisation fiscale. Cela n'est pas sans répercussion sur les exploitants français. Concrètement, l'avantage concurrentiel des Allemands est estimé à 200 millions d'euros par an toutes professions confondues, dont 50 millions d'euros par an pour la seule filière porcine. Ainsi, alors que la France a perdu 2 millions de porcs en quinze ans, l'Allemagne en gagnait 11 millions sur la même période. En outre, grâce à l'interprétation très souple de cette directive, les éleveurs allemands retirent un avantage d'environ 2 euros par porc vendu. La situation est telle qu'elle est dénoncée par la Bundesrechnungshof dans son dernier rapport. Cette distorsion de concurrence non négligeable a ainsi poussé la Commission européenne à ouvrir une procédure d'infraction contre l'Allemagne le 8 mars 2018, suite à une première plainte déposée auprès de cette dernière en décembre 2015 pour non-respect de la directive sur la TVA. Alors qu'une nouvelle plainte avait été déposée le 17 juillet 2018 devant la direction générale de l'agriculture de la Commission européenne pour aide d'État, cette dernière a adressé un avis motivé à l'Allemagne le 24 janvier 2019 l'enjoignant à prendre des dispositions afin de réguler la situation. Il lui demande donc si la France compte, d'une part, appuyer la procédure en cours contre l'Allemagne et, d'autre part, obtenir une juste compensation de cette distorsion de concurrence au titre du préjudice subi par les agriculteurs français.

Réponse publiée le 10 septembre 2019

Les entreprises agricoles allemandes bénéficient depuis 1967 d'un dispositif de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), dérogatoire au régime de TVA de droit commun. Concrètement, les agriculteurs ayant opté pour ce dispositif forfaitaire facturent la TVA à leurs clients selon un taux dit « taux moyen » se situant, depuis 2007, à 10,7 % et supportent une TVA à 7 % ou 19 % selon le type d'achats ou d'échanges. Ils sont dispensés de verser la TVA qu'ils font apparaître sur leurs factures au taux moyen de 10,7 %, tout en permettant à leurs clients assujettis de la déduire. En contrepartie, ils ne peuvent pas déduire la TVA qui leur est facturée. Un collectif d'exploitants agricoles français estime que ce régime ne respecte pas la directive 2006/112/CE, notamment ses articles 296 et 299, car ce dispositif s'applique sans réserve à tous les exploitants alors que l'article 296 prévoit qu'il concerne en principe les producteurs agricoles pour lesquels l'assujettissement au régime normal de la TVA se heurterait à des difficultés. De plus, selon les éleveurs porcins français, ce dispositif ne respecterait pas non plus l'article 299 car il offrirait des possibilités de surcompensation. C'est pourquoi ce collectif a déposé le 15 décembre 2015 une plainte auprès de la Commission européenne pour non-respect de la directive TVA 2006/112/CE, considérant que ce régime constitue une distorsion de concurrence. Cette première plainte a été suivie par deux autres dépôts, en 2016 et plus récemment en 2018. Le 24 janvier 2019, la Commission européenne a adressé à l'Allemagne un avis motivé et a enjoint à l'État membre de se conformer à la réglementation européenne. Le 25 juillet 2019, la Commission a saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'un recours contre l'Allemagne, au motif que celle-ci ne s'est pas conformée à l'avis motivé, et n'applique pas correctement le régime de l'Union européenne en matière de TVA pour les producteurs agricoles. Il s'agit d'une procédure longue mais dont les étapes sont clairement identifiées, et la Commission européenne est garante de leur respect. La France ne peut pas interférer dans ce processus mais reste particulièrement vigilante à ce qu'il soit bien suivi.

Données clés

Auteur : M. Jérôme Nury

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Dates :
Question publiée le 9 juillet 2019
Réponse publiée le 10 septembre 2019

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