15ème législature

Question N° 21291
de M. Ugo Bernalicis (La France insoumise - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Une agence du travail d'intérêt général au détriment des personnels

Question publiée au JO le : 09/07/2019 page : 6306
Réponse publiée au JO le : 18/01/2022 page : 345
Date de changement d'attribution: 07/07/2020
Date de renouvellement: 22/10/2019
Date de renouvellement: 07/04/2020
Date de renouvellement: 19/01/2021

Texte de la question

M. Ugo Bernalicis attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le mode de recrutement des délégués territoriaux au sein de l'Agence du travail d'intérêt général (TIG). Dès la présentation du projet de loi de programmation pour la justice, le groupe de la France insoumise était formellement opposé à la création de cette agence. En effet, les députés du groupe avaient notamment dénoncé la fragmentation d'une politique cohérente de développement des alternatives à l'incarcération et des aménagements de peine. Ils redoutaient que cette agence du TIG formalise une opposition entre la mesure de travail d'intérêt général et les autres alternatives à l'incarcération. M. le député tient à rappeler ces éléments de contexte, bien que l'objet de cette question écrite ne porte pas sur l'opportunité de la création de l'agence du TIG, mais sur les modalités de recrutement des délégués territoriaux au sein de ces agences, parmi les conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation (CPIP). Tout d'abord, cette ponction se fait au détriment des effectifs déjà largement insuffisants dans les services. L'annonce de la création de 1 500 postes dans les services d'insertion et de probation était déjà en soit insuffisante pour combler le manque d'effectif et n'avait pas anticipé les choix de la loi de programmation de la justice. Aussi, si le ministère de la justice persiste dans son choix, il faudra rapidement prendre des mesures pour ouvrir de nouveaux postes afin de présenter en toute sincérité les choix budgétaire en terme de ressources humaines fait par la ministre. Persister dans ce choix reviendrait à amplifier la dégradation générale des conditions d'intervention des SPIP. En outre, la décision du ministère s'effectue au mépris du cadre réglementaire comme le soulève le syndicat de la CGT insertion probation. En effet, l'absence d'étude d'impact préalable à la mise en place de l'agence du TIG, déterminant les catégories de personnels auxquels cette nouvelle fonction serait confiée et l'impact sur leur service, constitue une violation de la circulaire du 9 avril 2013 encadrant la création de services à compétences nationales. De plus, le décret statutaire des CPIP ne prévoit aucunement le pourvoi de ces postes de délégués à l'agence du TIG, contrairement au statut des directeurs pénitentiaires d'insertion et probation (DPIP) et à la fiche de poste correspondante, dont les fonctions est de « consolider et développer le réseau partenarial » et de « consolider et développer les lieux d'exécution de peine de TIG ». En conséquence, au mépris du cadre réglementaire dans l'affectation des CPIP aux postes de délégués de l'agence du TIG s'ajoute le mépris des agents eux même, dans la mise en œuvre de ce dispositif. Le plus ubuesque est que le choix du ministère de la justice entre en contradiction avec ses exégètes ! Pour mémoire les dispositions prévues dans le rapport du député Didier Paris et de David Layani préconisait de confier les postes de délégués aux DPIP et non aux CPIP, compte tenu de la situation alarmante de sous-effectif, et la création ne pourra s'affranchir de la question des charges de travail des CPIP notamment, qui demanderait à être diminuée de moitié ». M. le député tient à ajouter qu'il s'alarme quant à la conduite par la ministre du dialogue social. En effet, le dispositif de l'agence du TIG s'est mis en place en l'absence d'un dialogue social transparent et serein. Très précisément, les fonctions du délégué territorial du TIG ont été définies sans être présentées préalablement en comité technique des SPIP et ultérieurement au recrutement de ces derniers. C'est en ce sens qu'il y a un véritable mépris des agents qui se retrouvent donc assignés à un poste de délégué à l'agence du TIG sans fiche de poste et donc sans même connaître la nature exacte de la mission associée ni les moyens dont ils disposent. Au regard de ces éléments, il l'interroge afin qu'elle puisse clarifier la position du ministère sur les missions des délégués de l'agence du TIG et leur position hiérarchique, sur les choix de recrutement au regard des règles de mobilité, sur les moyens mis à la disposition des agents et sur les conséquences en termes de recrutement pour les SPIP.

Texte de la réponse

La redynamisation du travail d'intérêt général (TIG) est un levier majeur dans l'organisation de l'échelle des peines, pour favoriser les alternatives à l'incarcération et ainsi redonner son sens à la peine de privation de liberté. Pour accroître le nombre de mesures prononcées par les juridictions, il est nécessaire d'augmenter l'offre de postes pour la rendre à la fois plus dense sur le territoire et plus diversifiée. Au soutien de cette ambition, une agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle (ATIGIP) des personnes placées sous main de justice a été créée le 10 décembre 2018 et a pour mission d'assurer la promotion du TIG et la recherche de structures susceptibles d'accueillir des postes de travail d'intérêt général, y compris auprès des collectivités publiques. L'ATIGIP met à la disposition des référents territoriaux des outils qui leur permettent de travailler plus efficacement et de simplifier ainsi la mise en œuvre des mesures de TIG. Ils disposent notamment d'une plateforme collaborative leur permettant de partager et de travailler sur les mêmes documents, de supports types de présentation, de la plateforme TIG360°, de réseaux de discussion permettant une réponse en temps réel à leurs questionnements, etc. Pour leur permettre de maîtriser l'ensemble de ces nouveaux outils, un effort de formation important est mené par les équipes de l'ATIGIP lors de la prise de poste des référents territoriaux, qui bénéficient par ailleurs d'un accompagnement collectif et individuel tout au long de l'année. Les référents territoriaux sont recrutés parmi les directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation (DPIP), mais également parmi les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP), en vertu du décret n° 2019-50 du 30 janvier 2019 sur le statut des CPIP qui dispose dans son article 4 que ceux-ci « contribuent à la conception, à la mise en œuvre et à l'animation de partenariats de proximité répondant aux besoins des personnes accompagnées ». Les postes de référents territoriaux ont été créés pour partie suite à une réorganisation interne, afin qu'une seule et même personne à temps plein puisse exercer les missions qui leur sont confiées. Il convient en outre de relever qu'un renforcement des effectifs a été effectué au printemps 2019 dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation qui en avaient besoin pour mettre en place un référent territorial. Cela s'est traduit par l'ouverture de 31 postes de CPIP lors de la commission administrative paritaire (CAP) de mobilité annuelle en avril 2019. 10 postes de CPIP ont par ailleurs été créés en complément en 2020. A ce jour, le réseau des référents territoriaux du TIG est étoffé et l'effectif total a été porté à 72 agents. Depuis la fusion des réseaux opérée entre les référents territoriaux de l'administration pénitentiaire et les correspondants territoriaux du TIG issus de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), 11 éducateurs et cadres éducatifs de la PJJ ont été recrutés en tant que référents territoriaux du TIG. L'ensemble des référents territoriaux a désormais en charge le déploiement de l'offre de postes TIG et la prospection de nouveaux postes, tant pour les mineurs que les majeurs condamnés. Le recrutement est réalisé selon les modalités de droit commun après examen des candidatures par la CAP compétente, tant pour les CPIP que pour les DPIP et depuis le dernier recrutement (au 1er septembre 2021) pour les éducateurs de la PJJ, cadres éducatifs et directeurs des services de la PJJ. Les notes de mobilité diffusées à cette fin contenaient de manière détaillée l'ensemble des informations concernant les fonctions du référent territorial, son encadrement hiérarchique par les directions interrégionales des services pénitentiaires et les moyens mis à sa disposition. Les agents de la PJJ ont été placés en position normale d'activité aux fins d'exercice de la fonction de référents territoriaux. La moitié des référents territoriaux a pris ses fonctions en septembre 2019, l'autre moitié en septembre 2020, puis une troisième promotion a pris ses fonctions au 1er septembre 2021. Ils sont désormais 72 répartis sur l'ensemble du territoire national avec un périmètre de compétences couvrant un ou deux départements. Afin de permettre aux référents territoriaux de réaliser leur mission tout en maintenant à un niveau équivalent les conditions matérielles de travail dans les SPIP, un budget supplémentaire a été alloué aux directions interrégionales des services pénitentiaires. Cet abondement doit permettre de prendre en charge les moyens accordés au référent territorial (équipements informatique et téléphonique, véhicule, frais de déplacement et de représentation). Au titre du budget de l'année 2019, un apport supplémentaire de 16 200 euros par référent territorial a été opéré. L'abondement budgétaire nécessaire à l'équipement de la 2e vague de déploiement a également été réalisé. La création de l'ATIGIP et son déploiement s'appuient sur les conclusions du rapport établi par les députés Didier Paris et David Layani relatif aux leviers permettant de dynamiser le travail d'intérêt général. Ce rapport, qui s'est notamment appuyé sur un nombre important d'auditions de professionnels ayant à connaître et à intervenir dans la mise en œuvre du TIG, comporte 40 propositions, outre la création de l'Agence et de la plateforme TIG360°. Le dialogue social est effectif et se manifeste par des réunions régulières entre les organisations syndicales et l'administration pénitentiaire. Dès le 17 janvier 2018, une réunion s'est tenue en présence du ministre de la justice et des membres du syndicat CGT Insertion-probation, afin de réaliser des auditions sur la mission de préfiguration du TIG. Au sein de la direction de l'administration pénitentiaire, des réunions ont également été organisées : le comité technique du SPIP s'est tenu le 17 octobre 2018 et le comité technique de l'administration pénitentiaire le 19 octobre 2018. Un second comité technique du SPIP s'est tenu le 12 mars 2019, à la demande des quatre membres titulaires de la CGT SPIP. De nombreuses réunions ont été organisées au cours de l'année 2019 avec les organisations syndicales suivantes : la CGT IP (4 mars, 15 avril et 16 juin 2019), le SNEPAP FSU (26 mars, 27 mai et 16 juin 2019), l'UFAP UNSA (20 février, 26 mars, 27 mai, 18 juin et 20 novembre 2019), la CGT (20 novembre et 9 décembre 2019), l'Union FO (le 25 novembre 2019) et la CFDT Interco (les 4 et 15 mai 2019). Les équipes de l'ATIGIP se déplacent régulièrement sur le terrain, notamment dans les directions interrégionales, les SPIP ou les juridictions. Ces déplacements permettent d'exposer plus efficacement la stratégie de déploiement du TIG auprès des services déconcentrés et des juridictions en présentant les enjeux et les réalisations, tout en répondant immédiatement aux éventuelles interrogations, d'appréhender les besoins des acteurs de terrain et d'adapter une stratégie sur le long terme. La stratégie de déploiement implique également l'accès à la plateforme numérique TIG360° à l'ensemble des professionnels des services déconcentrés mettant en œuvre des peines de TIG, aux magistrats, greffiers, organismes d'accueil (depuis le 1er juillet 2021) et aux avocats (depuis le 4 octobre 2021). Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, la dotation de 2 M€ obtenue dans la loi de finances initiale pour 2021 pour le développement du TIG et du travail non rémunéré (TNR) a été maintenue. Elle permet d'assumer le coût de fonctionnement de 1 400 TIG et TNR. Par ailleurs, en 2022, l'administration pénitentiaire finance à hauteur de 2M€ le projet de plateforme numérique TIG360°, qui reçoit également le soutien du fonds de transformation de l'action publique. Enfin, si le déploiement des référents territoriaux TIG a donné lieu à des financements spécifiques en 2019 et 2020, à hauteur de 1,3 M€, afin de leur fournir les équipements essentiels à leur mission, leurs dépenses courantes sont prises en charge dans le budget de fonctionnement des directions interrégionales des services pénitentiaires et de l'ATIGIP depuis cette année.