Bioéthanol - taux d'incorporation
Question de :
M. Grégory Besson-Moreau
Aube (1re circonscription) - La République en Marche
M. Grégory Besson-Moreau alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le taux d'incorporation du bioéthanol. La transition énergétique est de plus en plus concrète et la place de la France est centrale. Mais les décisions récentes prises par la Commission européenne sur les agrocarburants remettent en cause les filières agricoles. Pourquoi ? Car il y a eu changement de cap sans que les filières y soient associées. Le taux d'incorporation de bioéthanol dans l'essence est à 7 % aujourd'hui. Il est fondamental que ce 7 % reste attribuer à la première génération de biocarburants. Le problème majeur c'est que les pétroliers français et européens ne mettront que leurs propres produits dans le pétrole si l'on dénature ce taux en y intégrant l'huile de palme notamment. L'huile de palme aux dernières nouvelles est moins vertueuse que les betteraves et cela ne fait pas travailler les secteurs présents sur le sol national. À cela s'ajoute les 7 millions d'hectolitres censés arrivés sur le marché européen dans le cadre des accords Mercosur actuellement en discussion. Il l'appelle donc à la vigilance. C'est un sujet qui ne fait pas la une de médias mais qui est fondamental pour que la France garde une cohérence dans son rôle concernant la transition énergétique. Aussi, ne pas réserver ce taux de 7 % au bioéthanol pose un problème de temporalité : les biocarburants de seconde génération n'étant pas prêts, le fait de baisser la part de bioéthanol dans ce taux d'incorporation revient à remplacer le biocarburant par du pétrole. D'un point de vue global, l'Union européenne doit se montrer ambitieuse pour atteindre ses objectifs de 27 % d'énergie renouvelable et de 40 % de réduction des gaz à effet de serre en 2030, elle a besoin des biocarburants de 2e génération ligno-cellulosiques mais en complément des biocarburants de 1G. Peut-on imaginer des accords entre des pays qui veulent incorporer plus ou moins de biocarburants ? Cette question doit être posée. Oui les filières françaises de biocarburants soutiennent le développement des biocarburants de 2G. Elles ont investi dans la R et D sur les technologies de 2G notamment à travers des projets comme Futurol ou Bio-T-Fuel. Aussi, les biocarburants de première génération issus des matières premières européennes (betteraves, céréales, colza, tournesol) fournissent à la fois de l'alimentation humaine, de l'énergie et des coproduits riches en protéines ou fibres pour l'alimentation animale, ce qui réduit la dépendance de l'Europe aux tourteaux de soja OGM d'Amérique du Sud ce qui participe à la déforestation. Il ne faut donc pas chercher à substituer la G1 par la G2 alors que c'est l'addition des deux qui permettra d'atteindre les objectifs. En donnant aux acteurs économiques des filières actuelles un signal très négatif, elle n'incite pas aux nouveaux investissements et prend le risque de fixer une feuille de route théorique, avec toutes les conséquences associées, en termes d'activité économique et de climat. Cette proposition doit donc être profondément remaniée. Dès lors il lui demande quelle est la position de la France et quelle action il compte mener pour faire entendre les filières.
Réponse en séance, et publiée le 28 mars 2018
TAUX D'INCORPORATION DE BIOÉTHANOL
M. le président. La parole est à M. Grégory Besson-Moreau, pour exposer sa question, n° 216, relative au taux d'incorporation de bioéthanol.
M. Grégory Besson-Moreau. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. La transition énergétique est de plus en plus concrète et la place de la France est centrale, mais les décisions récentes prises par la Commission européenne sur les agrocarburants remettent en cause les filières agricoles. Pourquoi ? Parce qu'il y a eu un changement de cap, sans que les filières y soient associées.
Le taux d'incorporation de bioéthanol dans l'essence est à 7 % aujourd'hui. Il est fondamental qu'il reste attribué à la première génération de biocarburants. Le problème majeur est que les pétroliers français et européens ne mettront que leurs propres produits dans le pétrole si l'on dénature ce taux en y intégrant notamment l'huile de palme, laquelle, aux dernières nouvelles, est moins vertueuse que les betteraves – et cela ne fait pas travailler les secteurs présents sur le sol national. À cela s'ajoutent les 7 millions d'hectolitres censés arriver sur le marché européen dans le cadre des accords avec le Mercosur actuellement en discussion.
Je vous appelle donc à la vigilance. C'est un sujet qui ne fait pas la une des médias mais qui est fondamental pour que la France garde une cohérence dans son rôle concernant la transition énergétique.
En outre, ne pas réserver ce taux de 7 % au bioéthanol pose un problème de temporalité : les biocarburants de deuxième génération n'étant pas prêts, le fait de baisser la part de bioéthanol dans ce taux d'incorporation revient à remplacer le biocarburant par du pétrole.
D'un point de vue global, l'Union européenne doit se montrer ambitieuse pour atteindre ses objectifs de 27 % d'énergies renouvelables et de réduction de 40 % des gaz à effet de serre en 2030. Elle a besoin des carburants de deuxième génération ligno-cellulosiques mais en complément des carburants de première génération. Peut-on imaginer des accords entre des pays qui veulent incorporer plus ou moins de biocarburants ? Cette question doit être posée.
Oui, les filières françaises de biocarburants soutiennent le développement des biocarburants de deuxième génération. Elles ont investi dans la recherche et développement sur les technologies de deuxième génération, notamment à travers des projets comme Futurol ou Bio-T-Fuel.
Par ailleurs, les carburants de première génération issus des matières premières européennes – betterave, céréales, colza, tournesol – fournissent à la fois l'alimentation humaine, l'énergie et des coproduits riches en protéines ou fibres pour l'alimentation animale, ce qui réduit la dépendance de l'Europe aux tourteaux de soja OGM d'Amérique du Sud, lesquels contribuent à la déforestation.
Il ne faut donc pas chercher à substituer la première génération par la deuxième, alors que c'est l'addition des deux qui permettra d'atteindre les objectifs. En donnant aux acteurs économiques des filières actuelles un signal très négatif, cette proposition n'incite pas aux nouveaux investissements et prend le risque de fixer une feuille de route théorique, avec toutes les conséquences associées en termes d'activité économique et de climat. Elle doit donc être profondément remaniée.
Dès lors, quelle est la position de la France et quelle action comptez-vous mener pour faire entendre notre filière ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Besson-Moreau, vous avez interrogé Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Il ne peut être ici aujourd'hui, je réponds donc à sa place.
La France, vous l'avez rappelé, s'est fixé des objectifs ambitieux – parmi les plus élevés d'Europe – en matière d'incorporation de biocarburants : 7,5 % en énergie pour l'essence et de 7,7 % pour le gazole.
Il convient de distinguer deux catégories de biocarburants : d'une part, les biocarburants conventionnels d'origine alimentaire, dits de première génération, dont la consommation entraîne un conflit d'usage des terres et, d'autre part, les biocarburants issus de biomasse non alimentaire, dits avancés, de déchets ou de résidus. Le bioéthanol, qui ne peut être incorporé que dans l'essence, appartient à l'une ou l'autre de ces catégories selon la matière première utilisée pour sa fabrication. Le taux d'incorporation de biocarburants de première génération est aujourd'hui fixé à un maximum de 7 %.
Le Gouvernement veille à ne pas augmenter la part de biocarburants issue de produits alimentaires pour ne pas déséquilibrer le modèle économique des usines existantes. Dans le cadre des discussions sur la révision de la directive énergies renouvelables – dite « RED II » – pour tenir compte de la baisse de la consommation de carburants d'ici à 2030, la France ne s'est pas opposée au maintien du plafond d'incorporation de biocarburants de première génération dans les carburants à 7 %. Elle a néanmoins demandé une révision à mi-parcours de cet objectif. Ce niveau a été entériné lors du conseil des ministres de l'énergie de décembre dernier – j'y étais moi-même – et doit maintenant faire l'objet de débats en trilogue entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne.
Le Gouvernement, par ailleurs, soutient le développement de biocarburants dits avancés utilisant des ressources de biomasse n'entrant pas en concurrence avec l'alimentation. C'est là notre priorité. C'est pourquoi le bioéthanol produit à partir des marcs et lies de vin n'est pas inclus dans le plafond des 7 % mais comptabilisé parmi les biocarburants avancés. La France a obtenu qu'un objectif de développement des biocarburants avancés soit également fixé : il est de 3 %.
L'objectif est aussi de mettre au point des processus de fabrication de biocarburants de deuxième génération. Les projets Futurol et Bio-T-Fuel, que vous mentionnez, s'inscrivent dans cette dynamique et utilisent des ressources de biomasse non concurrentielles avec le secteur alimentaire.
Le Gouvernement met aussi en œuvre une politique ambitieuse de lutte contre la déforestation importée avec des exigences sur les caractéristiques des matières premières. Vous savez que c'est une priorité pour nous – le ministre de la transition écologique et solidaire a lancé récemment une initiative sur la question. Il s'agit de garantir que les matières utilisées en France, y compris l'huile de palme, n'ont pas été produites sur des terres déforestées. Nous voulons donc des certifications exigeantes.
Cette politique se décline sur le plan national – avec l'élaboration d'une stratégie nationale sur la déforestation importée – et sur le plan européen. J'en ai moi-même discuté à de nombreuses reprises récemment avec mes homologues européens.
M. le président. La parole est à M. Grégory Besson-Moreau.
M. Grégory Besson-Moreau. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État. Vous avez répondu à une partie de ma question, même si je ne crois pas que vous ayez rassuré les acteurs de la filière sucrière et betteravière quant à la non-utilisation de l'huile de palme comme biocarburant.
Je vous rappelle tout de même une chose : la filière betteravière a besoin de nous alors qu'elle a été complètement exclue du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, dit « EGALIM ». Aujourd'hui, elle se sent vraiment mise à l'écart.
Auteur : M. Grégory Besson-Moreau
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 mars 2018