Question de : Mme Florence Granjus
Yvelines (12e circonscription) - La République en Marche

Mme Florence Granjus attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la place des personnes transsexuelles en prison. Le 17 mai 2019, à l'occasion de la journée mondiale de lutte contre l'homophobie, des associations ont alerté les parlementaires sur les conditions de vie des femmes transgenres incarcérées. La loi française applique une mise en détention en fonction de l'état civil. Un aménagement en considération de leur identité de genre reste à la discrétion des directions d'administrations pénitentiaires. Les personnes transsexuelles subissent de nombreuses violences dans le système carcéral. À titre d'exemple, seule alternative de « protection », la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis met systématiquement à l'isolement les personnes transgenres. Cet ostracisme les empêche de bénéficier de la solidarité qu'elles auraient pu trouver auprès d'autres détenus, et ainsi les fragilise et augmente leur précarité. Lorsque Mme la ministre a présenté fin avril 2019 sa vision de la réforme judiciaire, elle a voulu privilégier des peines alternatives lorsque les personnes sont condamnées à de courtes peines de prison pour ne pas devoir les effectuer en maison d'arrêt. La mise en place d'une telle proposition devrait réduire le nombre de personnes transsexuelles incarcérées, qui sont quasi systématiquement des personnes condamnées à des peines courtes. Sans compter des relations tendues avec les surveillants et un accès difficile aux médecins, les personnes transsexuelles doivent faire face à un vide juridique quant à leur identité de genre pour leur placement en détention. Elle lui demande s'il lui serait possible de lui préciser les réflexions et les possibilités envisagées pour prendre en considération cette problématique qui, à sa connaissance, concerne plusieurs centaines de personnes en France.

Réponse publiée le 18 février 2020

L'administration pénitentiaire met en œuvre des actions visant au respect de l'identité de genre exprimée par chaque détenu. Les chefs d'établissement tiennent compte en pratique des déclarations de la personne détenue quant à son identité de genre afin de décider de son affectation, notamment pour que les fouilles intégrales soient réalisées par un agent du même sexe, règle imposée par dispositions réglementaires du code de procédure pénale. Par ailleurs, la prise en charge sanitaire des personnes détenues issues des minorités de genre fait l'objet d'un travail de coordination soutenue avec le ministère des Solidarités et de la Santé, afin que celles d'entre elles souhaitant entamer ou poursuivre une ou plusieurs opérations de modification corporelle soient accompagnées dans leurs démarches sanitaires. L'hormonothérapie est prescriptible au sein des unités sanitaires en milieu pénitentiaire, au sein desquelles les praticiens peuvent se rapprocher des équipes médicales hospitalières pluridisciplinaires et spécialisées (Nice, Montpellier, Bordeaux, Lyon, Marseille, Paris, Brest, Strasbourg et Nancy). Les détenus transgenres désirant présenter une demande de changement d'état civil sont quant à eux accompagnés par les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Depuis la mise en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, les personnes souhaitant demander la modification de leur état civil (sexe et prénom) ne sont plus contraintes de procéder, au préalable, à une opération de réattribution sexuelle, ce qui permet à des personnes dont le sexe physiologique ne correspond pas au régime de détention initialement prévu, d'accéder à un établissement correspondant à leur identité de genre. S'agissant de la question de l'affectation des détenus transgenres en établissement en quartier et de celle des conditions de détention, à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, ces derniers sont affectés dans un quartier spécifique qui permet la mise en place de mesures de protection adaptées, ainsi que l'augmentation du nombre et de la fréquence des interventions qui leur sont consacrés. L'accès aux produits d'hygiène féminins, via une cantine dédiée, et à une activité physique régulière dans un espace protégé est également assuré. Les détenus transgenres bénéficient de l'encellulement individuel et d'une douche en cellule. Un espace de promenade spécifique leur est réservé et les personnels de surveillance qui les prennent en charge sont sensibilisés. Lorsqu'il n'existe pas de quartier spécifique susceptible de renforcer la prise en charge d'un détenu transgenre, et lorsque les conditions de sécurité internes ne permettent pas une affectation en régime de détention ordinaire, certains détenus sont placés à l'isolement. Ces situations concernent spécifiquement les maisons d'arrêts ou quartiers maison d'arrêt de moyenne ou petite taille. La difficulté dans ce cas est d'organiser ou de maintenir des temps d'activités équivalents à ceux des autres détenus. L'administration pénitentiaire travaille également, en coordination avec la Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Haine anti-LGBT (DILCRAH) autour de trois axes : le renforcement des droits des personnes issues des minorités sexuelles et de genre, l'optimisation de leur affectation et de leurs espaces de détention dédiés, ainsi que la lutte contre les violences à caractère LGBT-phobe. Les travaux en cours incluent notamment des mesures relatives à l'accès aux produits cosmétiques, d'hygiène et aux vêtements associés à un autre genre et à la formation des personnels de l'administration pénitentiaire. La feuille de route Santé-Justice du 2 juillet 2019 (action 21) prévoit un groupe de travail Santé-Justice dédié à la prise en charge des personnes transgenres et à l'accès aux traitements hormonaux qui sera prochainement mis en place.

Données clés

Auteur : Mme Florence Granjus

Type de question : Question écrite

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 23 juillet 2019
Réponse publiée le 18 février 2020

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