Situation des agriculteurs en période de sécheresse
Question de :
M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Dominique Potier interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'action menée quant à la situation des agriculteurs durant la présente période de sécheresse. De même qu'en 2018, un lourd déficit hydrique touche de nombreuses régions françaises et met en péril tant les cheptels que les cultures. L'épisode de 2018 a engendré, parallèlement à la diminution de la quantité et de la qualité des récoltes, des conséquences économiques catastrophiques pour les agriculteurs. Les stocks de 2018, particulièrement faibles, laissent entrevoir la problématique, à court terme, d'un réel déficit de fourrage. La répétition de ces aléas climatiques ne peut que fragiliser encore davantage les agriculteurs touchés. La situation est particulièrement critique chez les jeunes agriculteurs dès lors contraints de faire des choix de survie pour leurs exploitations alors qu'ils viennent de s'installer. Aussi, seule l'anticipation par des stratégies aux échelles tant locales que nationales peut permettre une gestion optimale de cette situation préoccupante. Néanmoins, au vu de l'actualité, l'urgence est de permettre aux agriculteurs de faire face au déficit de fourrage à venir ainsi qu'aux problèmes de trésorerie qui y sont inhérents. Des mesures concrètes peuvent dès à présent venir au soutien des agriculteurs français. Ainsi, le pâturage et le fourrage des jachères, y compris SIE, permettraient de faire face rapidement à la faiblesse des stocks, de même que le soutien de l'État et des collectivités territoriales dans l'accompagnement des coûts d'achat et de transport afférents à l'approvisionnement des éleveurs en fourrage et aliments. De plus, l'élaboration d'un suivi, sous l'autorité des préfets, des stocks de fourrage aiderait à garantir une fluidité entre l'offre et la demande. Enfin, la prise en charge des cotisations sociales et fiscales des agriculteurs atteints par la sécheresse, l'exonération collective de la taxe du foncier non bâti (dans les régions touchées) et la mise en place d'une avance de trésorerie pour le 15 octobre à hauteur de 90 % du montant des aides attendues, parviendraient à limiter efficacement l'impact économique du phénomène climatique actuel. Par ailleurs, la réflexion et l'anticipation tant quant à l'activation des cellules de crise départementales et régionales qu'au sujet de la mise en œuvre du fonds des calamités, permettraient une réactivité efficace, primordiale au vu de l'urgence de la situation. Il lui demande quelles solutions concrètes et pérennes seront prises et quels moyens affectés pour le soutien des agriculteurs français.
Réponse publiée le 15 octobre 2019
Conscient de l'impact de la sécheresse du printemps et de l'été 2019 sur les exploitations d'élevage qui avaient abordé l'hiver avec un faible stock de fourrage suite à la sécheresse de 2018, le Gouvernement a sollicité la Commission européenne dès le début du mois de juin 2019 pour la mise en place de mesures exceptionnelles et la possibilité d'accorder des dérogations au titre du paiement vert. En parallèle, le Gouvernement a très rapidement mis en place des mesures en autorisant dans le cadre de la procédure « cas de force majeure » le pâturage et la récolte des jachères comptabilisées en tant que surfaces d'intérêt écologique pour les éleveurs de 24 départements. Compte tenu de l'extension de la sécheresse, le Gouvernement a étendu à plusieurs reprises la zone d'application de ces mesures, à 33 départements le 24 juillet 2019, puis à 60 départements le 29 juillet 2019 et enfin à 69 départements le 22 août 2019. Le Gouvernement a également demandé à la Commission européenne d'étendre le dispositif aux exploitants qui ne sont pas éleveurs afin de permettre une solidarité entre exploitants. La Commission l'a accepté le 25 juillet 2019, les autorités françaises ont appliqué sans attendre cette ouverture. La Commission européenne a adopté le 4 septembre 2019 une décision confirmant cette possibilité. Par ailleurs, des dérogations à la levée et à la période de présence des cultures dérobées ont été rendues possibles dans 38 départements. Ces dérogations ont permis aux exploitants de reporter le semis de ces cultures jusqu'au 20 août 2019 pour profiter de conditions climatiques le cas échéant plus favorables, ou permettre de tenir compte de ces cultures pour le paiement vert lorsqu'elles ont été semées mais qu'elles n'ont pas levé. La Commission européenne vient d'accorder des dérogations supplémentaires à l'occasion de l'adoption de nouvelles mesures au comité de gestion du 28 août 2019. Ces dérogations permettent d'augmenter les disponibilités fourragères applicables dans les régions reconnues par les États membres comme affectées par une sécheresse sévère : - prise en compte des jachères comme surface d'intérêt écologique ou comme une culture distincte des prairies au titre de la diversification des cultures, et ce, même si elles font l'objet d'une valorisation ; - possibilité de déroger au type de culture dérobée implantée (espèces fourragères au lieu du mélange d'espèces fixé au niveau national) ; - possibilité de semer en tant que culture dérobée une culture d'hiver en fourrage herbacé (dérogation à l'interdiction pour les cultures dérobées d'être déclarées comme culture principale l'année suivante). En outre, dans les départements affectés par la sécheresse, des dérogations pourront être accordées aux exploitants ayant semé leurs cultures dérobées et dont les cultures dérobées n'auront pas levé en raison de la sécheresse. Le Gouvernement a également sollicité de la Commission européenne une augmentation des taux des avances sur les aides de la politique agricole commune (PAC) versées à partir du 16 octobre 2019, la Commission l'a accepté et une décision d'exécution a été adoptée au comité de gestion du 28 août 2019 pour porter les avances à 70 % des montants finaux pour les aides directes (au lieu de 50 %) et 85 % des montants finaux pour l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (au lieu de 75 %). Cette possibilité sera mise en œuvre en France et permettra d'apporter une avance de trésorerie à l'ensemble des exploitants concernés. Au niveau national, le dispositif des calamités agricoles sera quant à lui activé par les préfets de département concernés dès le bilan de la sécheresse 2019 connu. Sans attendre la reconnaissance en calamités agricoles, plusieurs mesures visent à améliorer à très court terme la trésorerie des exploitants touchés : l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties sur les cultures destinées à l'élevage pour lesquelles des procédures de dégrèvement d'office seront activées, ainsi que les mesures de report de paiement ou de prise en charge partielle des cotisations sociales. Par ailleurs, il est nécessaire que les agriculteurs fassent preuve de solidarité entre eux et que des flux entre départements disposant de fourrages et ceux en pénurie ou guettés par la pénurie se mettent en place. Le réseau des chambres d'agriculture et les organisations professionnelles sont mobilisés pour identifier les ressources et organiser ces flux. Un travail a été engagé avec le ministère chargé des transports et les fédérations de transporteurs, afin d'identifier les actions éventuelles à mettre en place pour faciliter ces transports de fourrage. En outre, les cellules d'identification et d'accompagnement des exploitants en difficulté, mises en place de manière pérenne dans les départements depuis 2018, permettent de faciliter l'identification et l'appui des exploitations en difficulté. Face à la multiplication des sécheresses, et plus largement des événements climatiques exceptionnels, il est indispensable de repenser collectivement d'une part les mesures de protection et d'indemnisation, mais également plus largement les pratiques agricoles elles-mêmes, dans une logique de prévention et d'adaptation. C'est dans cet objectif qu'une consultation élargie sur les voies d'amélioration des outils de gestion des risques en agriculture vient d'être lancée avec pour objectif la généralisation de la couverture des agriculteurs face aux risques climatiques. Sur la base des contributions reçues des parties prenantes d'ici fin septembre 2019, plusieurs réunions de travail se tiendront au second semestre 2019 en vue d'identifier des voies d'amélioration des outils de gestion des risques en agriculture. Il s'agit également de réduire la vulnérabilité de l'agriculture à un risque accru de manque d'eau dans le contexte du changement climatique. Les orientations du Gouvernement en matière de gestion durable de l'eau, exprimées à l'occasion de la communication du 9 août 2017, s'inscrivent à cet égard autour de deux objectifs : encourager la sobriété des usages et réguler en amont la ressource ; faire émerger, dans l'ensemble des territoires, des solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux. Il s'agit notamment de réaliser, là où c'est utile et durable, des projets de stockage hivernal de l'eau afin d'éviter les prélèvements en période sèche, lorsque l'eau est rare. Ces orientations ont été confortées à la suite des assises de l'eau avec la mise en place d'un nouveau pacte de 23 mesures pour faire face au changement climatique. Dans ce cadre, le Gouvernement encourage le recours à la démarche de projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), qui privilégie une gestion concertée, partagée et équilibrée de la ressource en eau sur un territoire donné. L'objectif fixé est de faire aboutir une cinquantaine de PTGE d'ici 2022 et cent d'ici 2027. Une instruction a récemment été délivrée aux préfets pour dynamiser les PTGE et remobiliser les acteurs. Cette instruction rappelle l'importance d'appréhender tout l'éventail des solutions possibles : la recherche de sobriété et d'optimisation de l'utilisation de l'eau, les solutions de stockage ou de transfert, la transition agro-écologique qui est porteuse de solutions pour une meilleure résilience de l'agriculture face aux effets du changement climatique. Le cadre de financement des projets par les agences de l'eau est rénové pour donner plus de flexibilité à la gouvernance locale. Il est important également de rechercher d'autres partenaires financiers [financeurs privés, les collectivités territoriales, les autorités de gestion de fonds européens dont le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), et le fonds européen de développement régional]. Dans le cadre des négociations en cours pour préparer la programmation 2021-2027 de la PAC dont les modalités de mobilisation du FEADER, la France soutient une PAC ambitieuse d'un point de vue environnemental, y compris en ce qui concerne la protection et la mobilisation des ressources en eau, et souhaite pouvoir soutenir les investissements dans le domaine de l'eau en agriculture notamment pour accompagner la transition agro-écologique.
Auteur : M. Dominique Potier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 30 juillet 2019
Réponse publiée le 15 octobre 2019