Question de : M. M'jid El Guerrab
Français établis hors de France (9e circonscription) - Libertés et Territoires

M. M'jid El Guerrab interpelle M. le ministre de l'intérieur au sujet de la liberté de circulation en toute sécurité de l'ensemble des citoyens (français et étrangers) sur le territoire français au regard de la recrudescence des accidents de chasse parfois mortels et de la crainte qu'ils suscitent. L'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public justifie que des limitations soient apportées à l'exercice de certaines activités (Conseil constitutionnel, décision n° 82-141 DC du 27 juillet 1982, loi sur la communication audiovisuelle). Il en va ainsi de la chasse qui, au regard des risques qu'elle implique, est susceptible de troubler la sécurité et la tranquillité publiques. En effet, chaque année en France, les accidents de chasse font une vingtaine de morts. Selon l'Office national de chasse et de la faune sauvage, on dénombre 1 265 accidents de chasse, sur la période 2009-2018, soit une moyenne de 120 à 150 accidents par an et on déplore 364 décès depuis la saison 2000-2001, et cela sans compter le début de celle de 2018-2019. Il est donc logique qu'une telle activité fasse l'objet de mesures d'interdiction par l'autorité de police. C'est ainsi qu'en raison de l'accident mortel d'un vététiste sur la commune de Montriond, le 13 octobre 2018, la préfecture de Haute-Savoie a suspendu la pratique de la chasse pour l'ensemble de la saison 2018-2019 sur une partie du territoire de la commune, qualifiant cette décision de mesure « d'urgence » prise « au titre de la sécurité publique ». Se pose alors la question de savoir si cette interdiction pourrait être généralisée à l'ensemble du territoire national, à hauteur d'un jour par semaine. La France est effectivement le seul pays d'Europe qui autorise la chasse tous les jours de la semaine. D'autres États européens ont fait le choix de prendre en considération la sécurité de leurs citoyens en interdisant la chasse le dimanche : c'est le cas, notamment, des Pays-Bas et de l'Angleterre. Le Conseil constitutionnel a déjà admis la possibilité pour le législateur de limiter le droit de chasse sous réserve que cette limitation obéisse à « des fins d'intérêt général » et qu'elle n'ait pas « un caractère de gravité tel que le sens et la portée du droit de propriété s'en trouveraient dénaturés » (décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000). D'une part, le droit de chasse, rattaché au droit de propriété, pourrait donc être limité par les exigences d'intérêt général que sont « la sécurité » (décision n° 2000-434 DC, préc.) et « la liberté d'aller et venir » (décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999). Les randonneurs (estimés à 15 millions en France), cavaliers, promeneurs, cueilleurs de champignons et sportifs nature doivent pouvoir jouir en toute sérénité de la nature, notamment le dimanche où ces diverses activités y sont les plus fréquentes. L'interdiction devrait alors concerner tous les espaces, y compris privés. En effet, il est peu probable que tous les chasseurs puissent clôturer leur propriété eu égard au coût afférent. Quand bien même, les clôtures ne sont pas toujours un gage de sécurité. Or ces espaces privés sont susceptibles d'accueillir des passants dont la circulation n'est pas pénalement réprimée dès lors qu'elle n'entraîne aucune dégradation. D'autre part, la limitation du droit de chasse serait proportionnée puisqu'il pourrait s'exercer tous les autres jours de la semaine, de sorte que le sens et la portée du droit de propriété n'en seraient pas dénaturés. En somme, l'état actuel du droit français permet aux chasseurs de « privatiser la nature » aux dépens du droit fondamental des citoyens à se déplacer en toute sécurité sur l'ensemble du territoire. Ainsi, il souhaite savoir s'il envisage d'assurer la sécurité des citoyens en interdisant la pratique de la chasse le dimanche et répondre de ce fait aux attentes des Français dont 79 % s'estiment favorables à l'arrêt de la chasse le dimanche (selon un sondage réalisé par l'IFOP en janvier 2016).

Réponse publiée le 25 février 2020

La pratique de la chasse est réglementée afin de pouvoir assurer la sécurité des riverains et promeneurs, comme des chasseurs, les jours de chasse. Elle soulève néanmoins une question de fond sur le partage de l'espace entre des usagers du milieu naturel de plus en plus nombreux et diversifiés, notamment lors de jours fériés. La loi sur la chasse du 30 juillet 2003 a abrogé l'interdiction de la chasse à tir le mercredi sur l'ensemble du territoire, qui avait été instaurée par la loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse. II n'existe donc pas à ce jour de journée nationale de non-chasse en France. Le Conseil constitutionnel, par décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000, a considéré que, si l'interdiction de chasser un jour par semaine ne porte pas au droit de propriété une atteinte d'une gravité telle que le sens et la portée de ce droit s'en trouveraient dénaturés, cette interdiction doit être cependant justifiée par un motif d'intérêt général. À ce jour, les termes de telles dispositions et les débats parlementaires associés n'ont pas pu préciser les motifs d'intérêt général justifiant une telle interdiction, celle-ci étant alors de nature à porter au droit de propriété une atteinte contraire à la Constitution. D'une façon générale, la pratique de la chasse est déjà interdite les jours de forte fréquentation sur les territoires dont la vocation est l'accueil du public et des promeneurs. Ainsi, dans les forêts publiques et plus particulièrement dans les forêts domaniales périurbaines, les cahiers des clauses pour la location de la chasse excluent très généralement les jours de fin de semaine. II faut noter que, en vertu de l'article R. 424-1 du code de l'environnement, le préfet a la faculté de limiter le nombre de jours de chasse dans son département, afin de favoriser la protection et le repeuplement du gibier. Cette problématique a également été abordée lors des débats autour de l'examen de la loi de création de l'Office français de la biodiversité en 2019. Considérant les raisons exprimées ci-dessus, les parlementaires n'ont pas souhaité instaurer de jour sans chasse mais ont adopté plusieurs mesures proposées par le Gouvernement pour améliorer la sécurité à la chasse : possibilité de rétention et suspension administrative du permis en cas de manquement grave à une règle de sécurité, obligation de formation pour les accompagnateurs de jeunes chasseurs, obligation pour les chasseurs d'une remise à niveau décennale portant sur les règles de sécurité.

Données clés

Auteur : M. M'jid El Guerrab

Type de question : Question écrite

Rubrique : Chasse et pêche

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Transition écologique et solidaire

Dates :
Question publiée le 30 juillet 2019
Réponse publiée le 25 février 2020

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