15ème législature

Question N° 22076
de Mme Valérie Boyer (Les Républicains - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > impôts et taxes

Titre > Matraquage fiscal et social des professionnels du BTP

Question publiée au JO le : 30/07/2019 page : 7023
Réponse publiée au JO le : 04/02/2020 page : 819

Texte de la question

Mme Valérie Boyer alerte M. le ministre de l'économie et des finances sur le matraquage fiscal et social des artisans et entrepreneurs du bâtiment. Le Gouvernement a d'abord supprimé la fiscalité réduite appliquée au gazole non routier pour des raisons présentées comme environnementales alors même qu'il n'existe aucune solution technique alternative, dans l'immédiat, pour permettre aux entreprises d'échapper à la surtaxe. Il faut rappeler que le coût de l'opération s'élève à 800 millions d'euros pour le seul secteur du BTP. Ensuite, lors du discours de politique générale du Premier ministre, ce dernier a annoncé la fin de la « déduction forfaitaire spécifique », ce qui inquiète particulièrement la profession. Elle concerne l'abattement de 10 % pour frais professionnels, qui depuis 1931, dans le BTP, correspond à la prise en charge du panier-repas des salariés et de leurs frais kilométriques. Aussi, supprimer cet abattement c'est non seulement augmenter le brut et donc exclure des allègements « Fillon » toute une part de salaires compris entre 1 et 1,6 % SMIC, mais surtout, c'est également diminuer le salaire net des ouvriers. Ce que le Premier ministre considère comme une mesure de « justice sociale » représenterait en réalité une hausse moyenne de charges de près de 9 points sur un tiers des salariés du BTP, principalement les salaires ouvriers. Par exemple, un salarié payé 1 650 euros nets mensuels perdrait 200 euros sur une année et l'employeur verra ses charges augmenter de 1 700 euros sur ce même salaire. La fin de la déduction forfaitaire spécifique représenterait une hausse de charges pour le BTP de plus d'un milliard d'euros. Entre la hausse de la fiscalité sur le gazole non routier et la remise en cause de la déduction forfaitaire, les artisans et les entrepreneurs de BTP seraient amenés à régler une facture colossale de 1,8 milliards d'euros dès l'année 2020. Ce secteur n'est pas en mesure d'absorber une telle hausse de charges. Le nombre important actuel de chantiers, dans les grandes agglomérations, ne saurait occulter la rentabilité dégradée des entreprises du bâtiment, confirmée malheureusement par les assureurs-crédits, l'INSEE et la Banque de France. Les TPE-PME situées en zones rurales, déjà affectées par la fracture territoriale, seraient les plus violemment impactées par cette décision. Mme la députée rappelle que le secteur du bâtiment a créé 50 000 emplois au cours des deux dernières années et forme près de 80 000 apprentis. Croire que l'on pourrait continuer sur la même lancée au cours des prochains mois après un tel matraquage fiscal est parfaitement illusoire. Selon ces professionnels, cela pourrait conduire à la destruction de plus de 30 000 emplois. Aussi, elle lui demande alors pourquoi le Gouvernement envisage de faire les mêmes erreurs qui, au nom d'arbitrages budgétaires de court terme, ont si souvent conduit à un ralentissement d'activité et à des destructions d'emplois.

Texte de la réponse

Le tarif réduit de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) appliqué au gazole sous conditions d'emploi, ou gazole non routier (GNR), ne se justifie pas sur les plans économique et environnemental et sa suppression progressive contribuera à orienter le choix des acteurs vers des usages ou des technologies plus vertueuses. Sa suppression doit également contribuer au financement des mesures prises en réponse à la crise des « gilets jaunes », notamment la baisse de l'impôt sur le revenu des classes moyennes. La suppression du tarif réduit sera mise en œuvre de façon progressive à compter du 1er juillet 2020, permettant aux acteurs concernés de disposer d'un délai d'une année complète à compter de l'annonce de la mesure pour s'adapter. Par ailleurs, un important travail de concertation avec l'ensemble des secteurs économiques concernés a permis d'identifier les mesures d'accompagnement à retenir. Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), le Gouvernement propose de porter de 5 % à 10 %, par décret au Conseil d'Etat, le taux minimal de l'avance versée par les collectivités locales dans le cadre des marchés publics. Parallèlement, les collectivités locales bénéficieront de l'extension de l'éligibilité au fonds de compensation de la TVA sur des travaux portant sur les réseaux. Par ailleurs, afin de ne pas affecter l'économie générale des contrats en cours, une majoration de plein droit de ces derniers est prévue lorsque la part du GNR dans les coûts d'exploitation excède 2 %. Dans les secteurs ferroviaire et agricole, les tarifs réduits de TICPE demeureront quant à eux inchangés. Le secteur agricole bénéficiera en outre, à partir de 2022, d'un gain de trésorerie résultant de l'application directe du tarif très réduit auquel il est éligible au moment de l'acquisition du produit, et non après dépôt d'une demande de remboursement. Dans les secteurs des industries extractives à forte valeur ajoutée et des activités de manutention portuaire dans l'enceinte des ports maritimes, compte tenu de leur forte exposition à la concurrence internationale, la hausse de tarif a été neutralisée par l'application de tarifs réduits pour le gazole utilisé pour les travaux statiques et de terrassement. Les activités de manutention portuaire bénéficieront, en outre, d'un tarif réduit de la taxe sur la consommation finale d'électricité. Par ailleurs, l'acquisition d'engins non routiers fonctionnant avec un carburant alternatif au GNR sera favorisée par le biais d'un dispositif de suramortissement de ces engins : les entreprises, notamment de travaux publics, d'exploitation de remontées mécaniques et de domaines skiables, pourront déduire de leur résultat imposable 40 % du prix de revient de ces investissements. Dans le secteur du transport frigorifique, un mécanisme spécifique d'indexation des prix en fonction de l'évolution du coût du carburant routier est prévu. Enfin, le contrôle de l'interdiction d'utiliser du gazole au tarif de TICPE applicable aux travaux agricoles à d'autres types de travaux, notamment des travaux publics, sera renforcé. En particulier, la faculté d'incorporer des colorants et des traceurs est prévue afin de prévenir ou de lutter contre les vols de carburant et les contrôles sur sites seront renforcés grâce au concours de la police et de la gendarmerie nationales. Par ailleurs, l'obligation, pour l'ensemble des donneurs d'ordre et des bénéficiaires du remboursement agricole, de tenir un registre des travaux relevant du secteur du BTP permettra une instruction plus efficace des dossiers de demande de remboursement de TICPE. La large concertation dont a fait l'objet cette mesure a ainsi permis d'apporter un ensemble de solutions concrètes aux difficultés rencontrées par les secteurs les plus affectés.