Rubrique > élus
Titre > Probité, élus locaux, prise illégale d'intérêts
M. Michel Larive attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'augmentation constatée des cas de manquements au devoir de probité de certains élus. Le manquement au devoir de probité concerne des faits tels que la concussion, la corruption passive, le trafic d'influence, la prise illégale d'intérêts, les atteintes à la liberté d'accès, et à l'égalité des candidats, dans les marchés publics et les délégations de service public, ainsi que la soustraction et le détournement de biens. Malheureusement, comme le déplorent ses collègues MM. les députés Ugo Bernalicis et Jacques Maire dans leur récent rapport, les statistiques des services de police et de gendarmerie sur les escroqueries et infractions économiques et financière (EIEF) ne recensent pas les atteintes à la probité. En revanche le rapport annuel 2018 de l'Observatoire de la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) lui, relève que sur la période de 2001 à 2014, le nombre d'élus poursuivis dans des affaires de manquement au devoir de probité est passé de 315 sur la mandature 2001-2008, à 597 sur la mandature 2008-2014, soit une progression de 89,5 %. Il s'agit de la première cause des poursuites engagées contre les élus locaux. Elle est invoquée dans 32 % des affaires. Le nombre d'élus condamnés était de 164 sur la période 2001-2008, et de 250 sur la période 2008-2014, soit une progression de 52,4 %. Les projections sur la mandature en cours ne prévoient pas de baisse significative du nombre de cas recensés. Or ce type de délits, au-delà de leur caractère incontestablement immoral, nuit considérablement au lien de confiance entre la population et ses élus, et fait partie des causes importantes de la crise démocratique actuelle. Les affaires récentes impliquant des personnalités politiques connues ont eu un effet particulièrement dévastateur sur l'opinion publique. Malgré cela, les moyens mis en œuvre par les gouvernements successifs, pour juguler ce phénomène, paraissent bien insuffisants. Cette absence de mesures déterminantes pour faire reculer le phénomène conforte un certain nombre de citoyens dans leur sentiment que les élus feraient preuve d'une forme de complaisance inacceptable vis-à-vis de ces délits. Il est regrettable par exemple, que le bilan de la mission interministérielle d'enquête sur les marchés (MIEM) créée en janvier 1991, pour succéder à la brigade interministérielle d'enquêteurs, soit si médiocre. En effet selon le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale du 5 octobre 2011, la MIEM « n'a pas conduit plus d'une dizaine d'enquêtes par an » entre 1992 et 2001. Lors de sa suppression en 2012, la MIEM n'exerçait déjà plus aucune activité depuis plusieurs années. Autre exemple, celui de l'office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) créé en 2013, au sein de la direction centrale de la police judiciaire. Selon le référé n° S2018-3520 de la Cour des comptes datant de décembre 2018, l'OCLCIFF « peut être considéré comme étant saturé ». Le document indique que les différents services peinent à recruter du personnel spécialisé dans les domaines de la délinquance économique et financière. Il pointe du doigt « une organisation fragmentée, et un effort important consacré à un nombre restreint d'affaires, au détriment de la délinquance de moyenne importance, qui fait l'objet d'une attention insuffisante au regard de son impact sur le tissu économique et social ». Quant à l'Agence française anticorruption (AFA), créée en décembre 2016 par la loi Sapin II, rien ne semble indiquer qu'elle va révolutionner le domaine de la lutte contre ce type de délits. Les dispositifs de prévention des atteintes à la probité prévus dans la loi Sapin II ne sont encore que très peu appliqués. Environ 20 % seulement des communes et des EPCI concernés ont un référent déontologue, selon le directeur adjoint de l'AFA. En 2018, l'agence n'aurait effectué que 43 contrôles, dont 15 sur des acteurs publics, qui n'ont donné lieu à aucune saisine de la Commission des sanctions. Avec un plafond de recrutement de 70 agents seulement, il paraît raisonnable de penser que l'AFA ne peut pas faire beaucoup mieux. Pour finir, l'introduction par la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique d'une peine d'inéligibilité pour les élus condamnés pour manquement au devoir de probité n'aura de sens que si l'autorité publique se donne vraiment les moyens de déceler ces délits et d'en condamner les auteurs. Dans l'état actuel de délabrement des capacités de détection des manquements au devoir de probité, cette disposition législative restera sans effet. Il lui demande de confirmer ou non ce constat de l'augmentation des cas de manquement au devoir de probité des élus, et souhaite connaître les mesures qu'elle compte prendre pour enrayer ce phénomène, qui contribue à générer de la défiance vis-à-vis du monde politique et porte parfois lourdement atteinte au budget des collectivités territoriales.