15ème législature

Question N° 22255
de M. Loïc Kervran (La République en Marche - Cher )
Question écrite
Ministère interrogé > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère attributaire > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Rubrique > élus

Titre > Protection juridique des élus après mandat

Question publiée au JO le : 06/08/2019 page : 7261
Réponse publiée au JO le : 19/05/2020 page : 3524

Texte de la question

M. Loïc Kervran appelle l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la protection juridique des élus locaux au-delà de leur mandat. Au moment où le projet de loi engagement et proximité prévoit de réviser le statut des élus, l'intégration de la protection juridique des élus après l'arrêt du ou des mandat(s) apparaît comme un sujet central. En effet, les anciens élus sont souvent les cibles d'agressions (verbales, physiques ou autres) en lien avec des fonctions précédemment occupées et une extension des prérogatives liées à l'ancienne fonction pourrait précisément permettre de décourager de tels actes, en garantissant une sécurité aux potentielles victimes. La durée de cette protection juridique pourrait équivaloir à la celle du mandat précédemment exercé. Il souhaite connaître la position du ministère sur ce sujet et les mesures qu'il entend prendre afin de pallier ce vide juridique.

Texte de la réponse

Conformément au deuxième alinéa de l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales (CGCT), « la commune est tenue de protéger le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion ou du fait de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ». La protection de la commune à ces élus ne s'étend pas seulement aux violences, menaces ou outrages, mais également aux voies de fait, injures ou diffamations dont ils pourraient être victimes à l'occasion ou du fait de leurs fonctions (Cour administrative d'appel (CAA) de Marseille, 3 février 2011, req. n° 09MA01028). Des dispositions similaires, prévues par les articles L. 3123-29 et L. 4135-29 du CGCT, s'appliquent aux présidents, vice-présidents et aux élus titulaires d'une délégation des conseils départementaux et régionaux. La protection fonctionnelle ne peut néanmoins être accordée par l'organe délibérant que si les faits ont été commis sur la victime en sa qualité d'élu, et s'ils ne constituent pas une faute personnelle détachable des fonctions de l'élu concerné. Ces dispositions sont issues de l'article 101 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité modifiée qui avait pour objet, selon les termes utilisés par le rapporteur de la commission des lois du Sénat, d'accorder « une vraie protection aux élus victimes de violences, d'outrages ou d'autres malédictions du même ordre » et de « faire disparaître la différence entre le traitement appliqué dans ce cas aux élus, d'une part, et aux fonctionnaires, d'autre part ». L'intention du législateur en 2002 était en effet d'appliquer aux élus la même protection fonctionnelle que celle dont bénéficient les agents publics. Il convient de souligner que l'article 20 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a modifié la rédaction de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Cet article a notamment clarifié le droit applicable aux anciens fonctionnaires, en précisant expressément que la protection fonctionnelle peut leur être accordée. Si les anciens élus municipaux ne sont pas expressément mentionnés dans les dispositions précitées du CGCT relatives à la protection fonctionnelle, celles-ci précisent néanmoins que la protection fonctionnelle peut être accordée au regard d'actes commis non seulement à l'occasion, mais également « du fait » de l'exercice d'un mandat, ce qui pourrait concerner un ancien élu victime d'une agression du fait de son mandat électif passé. Toutefois, le juge n'a pas encore été amené à se prononcer formellement sur ce point. En conséquence, sous réserve de l'appréciation souveraine du juge, il est possible de faire une analogie avec le régime juridique applicable aux anciens agents publics, en considérant qu'un ancien maire ou conseiller municipal titulaire d'une délégation peut solliciter de la commune dont il était l'élu le bénéfice de la protection fonctionnelle, à la condition que l'agression dont il est victime soit liée à sa fonction élective passée. S'agissant des élus des conseils régionaux et départementaux, les dispositions qui leur sont applicables n'autorisent le bénéfice de la protection fonctionnelle que pour les actes commis « à l'occasion » du mandat, et non « du fait » de ce dernier. Cette distinction est le résultat des débats parlementaires lors du vote de l'article 112-III de la loi n° 2003-239 du 19 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Aucun élément de débat ne l'ayant explicitée, il est possible qu'elle soit liée à l'identification et l'exposition particulière des élus municipaux au regard de leur proximité avec les administrés au quotidien. La protection fonctionnelle des élus locaux constitue une priorité pour le Gouvernement, qui a renforcé son effectivité par les dispositions de l'article 104 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique. Cet article, qui modifie le CGCT, instaure l'obligation pour toutes les communes de souscrire un contrat d'assurance visant à couvrir les frais résultant des obligations de la commune pour la protection fonctionnelle de ses élus. En outre, les coûts induits par cette souscription seront compensés par l'Etat pour les communes de moins de 3 500 habitants. Cette disposition permet notamment de mutualiser le risque encouru par les communes : les élus qui souhaitent bénéficier de la protection fonctionnelle n'auront plus à craindre que les coûts de celle-ci pèsent trop lourdement sur le budget de leur collectivité, dans la mesure où ils seront dorénavant supportés par l'assureur.