15ème législature

Question N° 22310
de M. Pierre Morel-À-L'Huissier (UDI et Indépendants - Lozère )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > lieux de privation de liberté

Titre > Santé des détenus en France

Question publiée au JO le : 06/08/2019 page : 7283
Réponse publiée au JO le : 15/12/2020 page : 9282
Date de changement d'attribution: 07/07/2020
Date de renouvellement: 01/12/2020

Texte de la question

M. Pierre Morel-À-L'Huissier appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question de la santé de la population des 71 828 personnes incarcérées au 1er avril 2019, selon les derniers chiffres disponibles. La promiscuité est aggravée par la surpopulation carcérale et les conditions d'hygiène sont régulièrement critiquées, tout autant que le manque de suivi médical. Une proportion non négligeable de personnes incarcérées présente des troubles psychiatriques ainsi que des problèmes d'addiction, favorisant la propagation de maladies comme le VIH. La fragilité de ces populations nécessite un accès renforcé à des médecins, ainsi qu'un suivi médical afin, notamment, de ne pas compliquer davantage la réinsertion en fin de peine. Il l'interroge donc sur la politique mise en œuvre et les moyens alloués au renforcement du suivi médical des personnes incarcérées.

Texte de la réponse

Depuis la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, la prise en charge sanitaire des personnes détenues relève de la compétence du ministère des solidarités et de la santé. Les personnes détenues bénéficient ainsi de soins délivrés par des professionnels hospitaliers (médecins, dentistes, psychologues, infirmiers, etc.), tant au sein des établissements pénitentiaires que dans les établissements publics de santé lors des consultations d'urgence, des consultations spécialisées et des hospitalisations, le cas échéant. La feuille de route santé des personnes placées sous main de justice 2019-2022 contient deux actions dédiées à l'amélioration de la connaissance de l'état de santé : surveiller la santé mentale et la prise en charge sanitaire des détenus, et déployer des outils de suivi de leur état de santé. Afin de renforcer ces connaissances sur la santé mentale des détenus, deux nouvelles études ont débuté. La première est une recherche longitudinale qui a pour objet d'évaluer la prévalence des pathologies mentales et des comorbidités chez les hommes et les femmes détenus au moment de l'entrée en détention. Elle permettra également de décrire l'évolution de la santé mentale, des symptômes et du risque suicidaire au cours de la détention et d'identifier ses facteurs associés afin d'émettre des recommandations pour la promotion de la santé mentale des détenus. Cette étude est conduite par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Les démarches réglementaires et le travail méthodologique ont d'ores et déjà été engagés. La seconde, menée par la Fédération régionale de recherche en santé mentale et en psychiatrie des Hauts-de-France, est intitulée « Santé mentale de la population carcérale sortante ». Elle poursuit un triple objectif : mesurer la prévalence des troubles psychiatriques, décrire et évaluer le parcours de soins et d'accompagnement pendant la détention et à la libération, et sensibiliser le public à la santé des détenus. Cette étude qui a débuté en septembre 2020 est conduite pendant 18 mois et porte sur 80 personnes détenues à 10 jours de leur sortie. Elles ont été tirées au sort dans 25 maisons d'arrêt, elles-mêmes choisies aléatoirement. Elle sera complétée par une étude qualitative ancillaire portant sur 50 femmes détenues et 50 hommes détenus en Outre-mer. Concernant l'état de santé psychiatrique des personnes détenues, la dernière enquête réalisée a été conduite en 2003 et montrait que plus de la moitié des entrants en prison avait un antécédent psychiatrique, un sur six avait déjà été hospitalisé en psychiatrie, une personne détenue sur 25 répondait aux critères de diagnostics de schizophrénie et un tiers des personnes détenues était atteint de syndrome dépressif. La deuxième action relative au déploiement d'outils de suivi de l'état de santé global de la population détenue contient plusieurs mesures : - recueillir les données du recours aux soins grâce à l'utilisation de l'outil PIRAMIG développé par la direction générale de l'offre de soins et aux bases de données médico-administratives (BDMA) ; - évaluer le dispositif mis en place par l'OR2S (recueil systématique de données médicales à l'entrée en prison) dans les quatre régions qui l'ont déployé de façon pilote dans une logique d'extension aux autres régions le cas échéant ; - engager des travaux utilisant la future Plateforme des données de santé (ex-SNDS) pour notamment suivre dans le domaine de la santé mentale :des indicateurs de recours aux soins en détention ;la continuité des parcours et des soins à la sortie de détention ;la morbi-mortalité des personnes récemment sorties de prison (overdoses, suicides, accidents) ;la qualité des prises en charge offertes en détention en utilisant les mêmes outils qu'en population générale (réalisation des examens recommandés dans le cadre du suivi de pathologies chroniques) ; - répertorier, diffuser et valoriser les études thématiques régionales ou locales. Les personnes détenues souffrant de troubles mentaux bénéficient de prises en charge adaptées à leur situation. Pour les soins ambulatoires, le dispositif de soins psychiatrique (DSP) est assuré par l'unité sanitaire en milieu pénitentiaire (USMP), qui est rattachée à un centre hospitalier général ou spécialisé en psychiatrie, ou par le service médico-psychologique régional (SMPR). Pour les soins en hospitalisation à temps partiel, les SMPR ou les DSP de niveau 2 des USMP accueillent les personnes détenues en hospitalisation de jour et peuvent également organiser des prises en charge à temps partiel en centres d'accueil thérapeutique à temps partiel installés en leur sein. Pour les soins en hospitalisation complète, les détenus peuvent faire l'objet d'hospitalisations sans consentement en milieu hospitalier (en centre hospitalier spécialisé en psychiatrie et en unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) ) ou d'hospitalisations libres, uniquement en UHSA. Concernant les problématiques d'addiction chez les personnes détenues, la direction de l'administration pénitentiaire, grâce au fonds de concours de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), est également promotrice de plusieurs recherches visant à documenter les conduites addictives des personnes détenues, notamment sur la consommation de produits stupéfiants (quantité et qualité) établie à partir d'analyses toxicologiques, sur la circulation et l'échange des substances, la coordination des acteurs pour le repérage des personnes détenues présentant une conduite addictive, ou pour l'organisation des soins pénalement obligés, ou encore l'évaluation des projets pilote comme c'est le cas pour l'unité de réhabilitation pour usagers de drogues (URUD) mise en service à l'établissement de Neuvic en juin 2017. Ce projet est co-piloté par la direction interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux et l'agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine et vise à permettre aux personnes détenues souhaitant consolider leur abstinence d'une conduite addictive, d'accéder à une unité spécifique associée à différents dispositifs de réhabilitation. La direction de l'administration pénitentiaire favorise aussi l'intervention des groupes d'entraide au sein des établissements pénitentiaires. Des conventions nationales ont ainsi été signées en 2018 pour une durée de trois ans entre la DAP et l'association des alcooliques anonymes ainsi que la CAMERUP (coordination des associations et mouvements d'entraide et d'accompagnement des personnes en difficulté avec l'alcool et de leur entourage - prévention concernant les conduites addictives). De plus, une convention entre la DAP et l'association Narcotique anonyme a été signée pour la période 2017-2019 et devrait être renouvelée en 2020. Enfin, depuis 2016, l'administration pénitentiaire se mobilise contre la consommation de tabac en détention dans le cadre de la mise en œuvre de moi (s) sans tabac. Les élèves surveillants pénitentiaires et conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation reçoivent respectivement 5 heures et 18 heures d'enseignement sur la thématique des conduites addictives au titre de leur formation initiale : en 2019, au titre du fonds de concours piloté par la MILDECA auquel le ministère de la Justice émarge, près de 78 100 euros ont été consacrés à la formation des personnels pénitentiaires aux problématiques liées aux conduites addictives.