15ème législature

Question N° 22445
de M. Xavier Batut (La République en Marche - Seine-Maritime )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > Union européenne

Titre > Déséquilibre du jeu de la concurrence européenne dans le domaine de la betterave

Question publiée au JO le : 13/08/2019 page : 7440
Réponse publiée au JO le : 11/02/2020 page : 1059
Date de renouvellement: 03/12/2019

Texte de la question

M. Xavier Batut attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le marché du sucre. Le 1er octobre 2017, l'Union européenne a supprimé le système de quotas qui permettait de garantir un prix minimum à la tonne de betterave. À compter de cet instant, en raison d'une surproduction mondiale, le prix du sucre en Europe s'est aligné sur le marché mondial dans un contexte où la Thaïlande, l'Inde et le Pakistan développent leur marché du sucre. À ce titre, ces trois pays produisent 18 millions de tonnes de sucre, soit l'équivalent de la production européenne entraînant les prix du sucre européen à leur plus bas historique. Dans un marché du sucre déprimé, les distorsions de concurrence au niveau européen défavorisent la production nationale. Ces disparités sont au nombre de trois. Premièrement, alors que la France prône l'utilisation pour les usines de betteraves d'énergies propres, comme le gaz naturel, grâce au système de quotas d'émissions de gaz à effet de serre, certains membres de l'Union - comme la Pologne - fonctionnent encore au charbon qui est 20 % moins cher. Deuxièmement, les subventions couplées issues de la Politique agricole commune (PAC) ont été supprimées concernant le domaine de la betterave, mais il s'avère que la Roumanie et la Pologne en bénéficient encore. Troisièmement, l'utilisation de certains néonicotinoïdes a été interdite en France, alors que dans le même temps, 11 pays membres continuent d'utiliser lesdits produits. Aussi, il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement pour rééquilibrer le jeu de la concurrence européenne dans le domaine de la betterave.

Texte de la réponse

Le régime des quotas sucriers européens a pris fin au 30 septembre 2017 à la suite d'une série de réformes engagées en 2006, dont l'objet était la restructuration du secteur au niveau européen. Depuis le printemps 2017, les prix internationaux du sucre ont diminué en raison d'un excédent de sucre, dû à des productions en forte hausse chez les principaux producteurs mondiaux et en Europe. Les prix pratiqués sur le marché de l'Union européenne ont chuté depuis octobre 2017 et se rapprochent désormais des tendances mondiales. La crise que traverse le secteur européen du sucre a eu un impact important sur les résultats des fabricants français et deux d'entre eux ont annoncé des restructurations pour 2020. Afin de soutenir le secteur dans cette période difficile, le gouvernement porte des propositions aux niveaux national et européen destinées à améliorer la compétitivité du secteur sucrier français. Au niveau européen, le gouvernement porte l'exigence d'établir et de respecter des règles du jeu équitables pour tous les États membres. Il exige un encadrement plus strict, dans tous les États membres, des dérogations accordées pour l'utilisation de certains produits phytosanitaires (néonicotinoïdes) afin de limiter toute distorsion de traitement au sein de l'Union européenne, sujet particulièrement important au moment où le marché européen se restructure. C'est également dans cet esprit que le gouvernement a demandé à la Commission européenne d'adopter une position plus offensive vis-à-vis de certains pays tiers qui, en adoptant des mesures de soutien à leur secteur sucrier, ne respectent pas leurs engagements vis-à-vis de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui a un impact réel sur l'offre en sucre sur le marché mondial, donc sur les cours mondiaux, et par conséquent sur la situation du secteur européen. Quant à la question d'une distorsion de concurrence liée à l'énergie, tous les États membres sont soumis aux mêmes dispositions réglementaires en ce qui concerne les allocations de quotas d'émission de gaz à effet de serre gratuits et aux mêmes obligations en ce qui concerne l'achat de quotas complémentaires pour couvrir leurs émissions. Les usines utilisant du charbon sont plus émettrices de gaz à effet de serre que les entreprises utilisant du gaz naturel. En conséquence, les industries sucrières utilisant du charbon doivent acheter une plus grande quantité de quotas sur le marché aux enchères. Le prix du quota étant passé de 5 € à 25-30 €/tCO2 en l'espace de deux ans, l'impact a été significatif pour les usines utilisant du charbon. Au-delà des positions portées au niveau de l'Union européenne pour garantir l'absence de distorsion, le gouvernement a décidé d'ouvrir une concertation au niveau national sur l'avenir de la filière betterave-sucre qui est confrontée à des défis majeurs, que ce soit la transition écologique, le nouvel environnement économique post quotas ou la concurrence internationale. Cette concertation doit aboutir à la mise en œuvre d'un plan stratégique ayant pour objectif de construire une vision et une ambition partagées pour l'avenir de la filière en France. Par ailleurs, le gouvernement soutient les mesures de diversification susceptibles de renforcer l'équilibre de la filière betterave-sucre. Ainsi, la loi de finances de 2019 a augmenté l'objectif d'incorporation de biocarburants dans l'essence en le portant de 7,5 % à 7,9 % (puis 8,2 % dès 2020), tout en permettant que cette incorporation additionnelle puisse être réalisée à partir de bioéthanol issu de certains résidus (amidon résiduel et égouts pauvres obtenus après deux extractions sucrières), comme l'y autorise la réglementation européenne. Ainsi, en 2019 et pour la première fois, une partie du bioéthanol issu de ces résidus bénéficie du déplafonnement au-delà des 7 % réservés aux biocarburants conventionnels, dans la limite de 0,2 % en 2019. Cette limite sera augmentée à 0,4 % dès 2020. Le développement rapide des carburants à forte teneur en éthanol, tels que le SP 95-E10, première essence désormais vendue en France avec 47 % de parts de marché ou le super-éthanol E85, dont la consommation a presque doublé depuis un an seulement, rend possible cette incorporation accrue d'éthanol dans l'essence. Ces mesures permettent de rendre l'ensemble de la filière plus résiliente. Le gouvernement est pleinement mobilisé aux côtés des régions, des élus et des acteurs de la filière pour garantir la compétitivité et la viabilité de la filière betterave-sucre française, qui dispose de nombreux atouts pour traverser la crise actuelle.