15ème législature

Question N° 22465
de M. Pierre-Henri Dumont (Les Républicains - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Armées
Ministère attributaire > Armées

Rubrique > défense

Titre > Situation des interprètes afghans de l'armée française

Question publiée au JO le : 20/08/2019 page : 7534
Réponse publiée au JO le : 15/10/2019 page : 8776

Texte de la question

M. Pierre-Henri Dumont attire l'attention de Mme la ministre des armées sur la situation des interprètes afghans ayant servi l'armée française. Entre 2001 et 2012, au cours de ses interventions en Afghanistan, l'armée française a employé près de 800 personnels civils de recrutement local (PCRL) : cuisiniers, ouvriers et, pour la plupart, interprètes. Maillon essentiel, ces auxiliaires de l'armée ont permis aux forces françaises de mener à bien de nombreuses missions. Après son retrait d'Afghanistan, la France n'a toutefois accordé sa protection qu'à une poignée d'hommes, pourtant menacés de mort et traqués dans leur pays avec leur famille, par les Talibans et les islamistes afghans. En effet, à l'issue de deux procédures administratives dites « procédures de relocalisation » en 2012 et en 2015, seuls 180 visas ont été délivrés par la France. L'attribution de visas demeure largement insuffisante et le processus de sélection des dossiers par l'administration reste profondément opaque et discrétionnaire. En témoigne la dernière procédure, en novembre 2018, au cours de laquelle n'ont été validé que 43 dossiers, sur les 180 qui avaient été déposés - sans explication ni notification de refus de la part des services administratifs français. Dénoncée par des associations, la situation a également conduit la plus haute juridiction administrative française à se prononcer. Dans un arrêt n° 424847, daté du 14 décembre 2018, le Conseil d'État enjoint en effet au ministère des armées d'accorder une « protection fonctionnelle » aux auxiliaires afghans. De même, le Président de la République lui-même semble avoir été sensible à cette situation, puisqu'au cours de la campagne présidentielle de 2017, il a publiquement déclaré que les interprètes afghans avaient été « abandonnés » par la France, comme avaient pu l'être les Harkis après la guerre d'Algérie. Dans ces circonstances, et au regard de l'urgence de la situation, il l'interroge sur ce que le Gouvernement compte entreprendre afin d'assurer la protection de ces interprètes afghans et de leur famille, menacés de mort dans leur pays pour avoir servi la France.

Texte de la réponse

La France s'est engagée en 2001 en Afghanistan sous mandats successifs de l'ONU afin d'aider l'Autorité intérimaire afghane à maintenir la sécurité sur son sol. Comme la plupart des autres nations engagées, la France a eu recours à des personnels civils recrutés localement et volontaires pour aider la force dans sa mission au profit de la population afghane. Ainsi, 800 personnels civils de recrutement local (PCRL), dont une majorité d'interprètes, ont œuvré au profit des forces françaises entre 2001 et 2014. Ces hommes ont servi leur pays. La France a toujours été attentive à leur qualité de civils. Les deux campagnes d'accueil organisées successivement entre 2012 et 2014, puis en 2015, ont conduit à l'accueil sur le territoire français de 176 PCRL et leurs familles, soit plus de 550 personnes. Celles-ci ont bénéficié d'une prise en charge de leur transport de l'Afghanistan vers la France, quand l'urgence des circonstances le justifiait, d'une prime d'aide à l'installation, d'un accompagnement social et de la mise à disposition de logements. L'Etat a mobilisé à cette occasion deux ensembles immobiliers (56 logements au total) pour que soient logées les familles accueillies. Le Président de la République a souhaité, en raison de l'aggravation des conditions sécuritaires, que la situation des ex-PCRL soit reconsidérée afin que ceux exprimant le souhait de venir en France puissent voir leur demande instruite. Le Président a également demandé que les personnes déboutées lors des deux précédentes campagnes voient leur demande de visa réexaminée une ultime fois, pour des motifs sécuritaires et humanitaires, sous réserve de la prise en compte des risques d'atteinte à la sécurité nationale et à l'ordre public. Une mission interministérielle s'est rendue à Islamabad du 15 novembre au 15 décembre 2018 afin de rencontrer toutes les personnes ayant exprimé une demande en ce sens. Cette mission, qui représente un investissement très important de la part de l'Etat avec la participation de trois ministères (ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ministère des armées et ministère de l'intérieur), a été préparée en concertation avec l'association des anciens interprètes afghans, qui joue un rôle central dans l'information et l'accompagnement des familles. Cette mission a procédé au réexamen des dossiers de PCRL, notamment ceux ayant été déboutés de leur demande de visa lors des campagnes d'examen précédentes. Au total, 50 familles de PCRL ont pu bénéficier du dispositif, permettant la délivrance de 218 visas de long séjour. La Délégation interministérielle pour l'accueil et l'intégration des réfugiés (DIAIR) est chargée de l'accueil et de la prise en charge des PCRL accompagnés de leurs familles à l'arrivée en France. Le financement est assuré conjointement par le ministère de l'intérieur et le ministère des armées. Le dispositif d'accueil prévoit un hébergement et un accompagnement social pour chaque personne de la famille, épouse et enfants mineurs. Un opérateur dédié a assuré la mise en œuvre du dispositif selon un calendrier échelonné des arrivées des familles, depuis le 26 décembre 2018 et jusqu'à la mi-mars 2019. Toute nouvelle demande de visa en faveur d'un PCRL qui ne se serait pas fait connaitre jusqu'à aujourd'hui relèvera désormais du droit commun, qui prend notamment en compte les conditions générales de sécurité des demandeurs dans leur pays d'origine comme pour toute personne en demande de protection. En mettant en œuvre cette troisième et ultime campagne de mise en sécurité des PCRL qui en avaient exprimé le souhait, la France a respecté ses engagements humanitaires en accueillant au total sur son territoire près de 800 personnes.