15ème législature

Question N° 22570
de M. Raphaël Schellenberger (Les Républicains - Haut-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Énergie et recherche - Nucléaire - Projet ASTRID

Question publiée au JO le : 03/09/2019 page : 7811
Réponse publiée au JO le : 25/02/2020 page : 1548

Texte de la question

M. Raphaël Schellenberger alerte Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur les lourdes conséquences pour l'avenir énergétique du pays d'un abandon du projet ASTRID et avec lui de toute ambition nationale en matière de réacteurs nucléaires de quatrième génération. Initiée dès 2006, sous la présidence de M. Jacques Chirac, et engagée en 2010 sous la présidence de M. Nicolas Sarkozy, la recherche dans le cadre du projet ASTRID témoigne d'un engagement français à innover pour tendre vers une génération de réacteurs à neutrons rapides (RNR), plus performants, à même de réutiliser les matières radioactives actuellement stockées. ASTRID porte donc une double ambition : la production d'une électricité de qualité aux hauts standards de sûreté et le traitement de matières radioactives produites par le parc nucléaire historique. Face au défi que constitue le réchauffement climatique et la priorité que doit être la définition rapide d'un mix énergétique propre, la France doit capitaliser sur son avance en matière nucléaire pour être à l'avant-garde d'un modèle de production énergétique en phase avec les accords de Paris et non renoncer à celle-ci. La recherche conduite avec ASTRID doit permettre à la France de trouver un avenir aux déchets radioactifs. Si Cigéo, centre de stockage profond de déchets radioactifs, est aujourd'hui un mal nécessaire face à l'absence de solution technologique alternative, la capacité demain à réutiliser la matière radioactive apportera une meilleure réponse sur le plan environnemental. Renoncer à cela est à contre-courant des exigences actuelles. Alors que, selon la Cour des comptes, la France a investi près de 738 millions d'euros sur ASTRID, l'abandon du projet de construction d'un réacteur prototype, dont semble témoigner la fermeture de la cellule en charge de la coordination du programme, serait un véritable renoncement à porter une ambition en matière d'énergie nucléaire, rompant ainsi une tradition française, vecteur d'indépendance énergétique et donc de puissance, bâtie par le Général de Gaulle. Sur un sujet aussi stratégique qui a longtemps fait l'objet d'une concorde nationale, le Gouvernement ne saurait avancer en catimini sans en informer explicitement la représentation nationale. Aussi, parce qu'un besoin de clarté est devenu indispensable, il lui demande de préciser les intentions du Gouvernement à l'égard du projet ASTRID et de l'avenir du nucléaire en France.

Texte de la réponse

Comme rappelé dans le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie 2019-2028, les réacteurs de 4ème génération à neutrons rapides refroidis au sodium sont étudiés, en France, dans une optique de fermeture du cycle du combustible nucléaire de fission, au regard du caractère stratégique que revêt le traitement-recyclage de ce combustible pour le Gouvernement. Ils ont la capacité de valoriser le plutonium et l'uranium contenus dans les combustibles usés MOx, ainsi que l'uranium appauvri. Ainsi, dans un parc composé exclusivement de tels réacteurs, la valorisation de ces matières permettrait de se passer totalement d'uranium naturel importé, d'accroître l'indépendance énergétique de la France et d'améliorer le confinement des déchets ultimes. Dans ce cadre, un projet de construction d'un démonstrateur industriel de ce type de réacteurs, appelé ASTRID (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration), se déroulant dans le cadre d'une convention État-CEA, a démarré en 2010. En 2019, le projet arrivait à la fin de la phase d'avant-projet détaillé (APD). L'objectif à ce stade était de prendre une décision sur la poursuite du projet compte tenu des résultats acquis mais également au regard de la pertinence économique et la temporalité d'un déploiement d'une filière de réacteurs à neutrons rapides. Les ressources en uranium naturel sont aujourd'hui abondantes, disponibles à bas prix et aucune pénurie ne devrait intervenir à moyen ou long terme. De plus, la priorité de la filière industrielle doit aller à court terme à la réussite de la filière des réacteurs EPR de troisième génération. Enfin, la recherche réalisée depuis plus de 20 ans dans le cadre de la loi de 1991, puis de celle de 2006, a démontré que les réacteurs de 4e génération ne permettaient pas de modifier totalement la gestion des déchets radioactifs de haute activité à vie longue et, par conséquent, ne supprimaient pas le besoin d'une solution de stockage de ces déchets, qu'offre le projet CIGEO. Par rapport à la situation de 2010, l'échéance de la fermeture complète du cycle, qui reste la stratégie affirmée du Gouvernement, s'est de fait éloignée dans le temps rendant moins immédiat le besoin d'un démonstrateur industriel, le besoin en maintien des compétences dans le domaine du cycle du combustible restant. Au projet ASTRID est donc destiné à succéder dès 2020 un programme de Recherche et Développement reposant à court et moyen terme sur deux composantes : un volet simulation et un volet expérimental s'appuyant notamment sur des réacteurs en exploitation ou en projet à l'international. Ce programme vise à garantir le maintien d'un socle de compétences minimal en vue de la création d'un démonstrateur industriel le moment opportun. Cette évolution ne remet pas en cause la stratégie de fermeture du cycle poursuivie par la France. Le Gouvernement a ainsi demandé aux industriels d'engager également des actions de R&D avec le CEA pour approfondir la faisabilité industrielle des solutions de multi-recyclage du combustible dans les réacteurs de troisième génération, solution qui permettra de stabiliser les stocks de plutonium dans le cycle ainsi que les stocks de combustibles usés, tout en contribuant à la recherche sur la quatrième génération dans la mesure où une partie des sujets à explorer sont communs. Enfin, s'agissant de l'avenir du nucléaire en France, au-delà de la question de l'atteinte du 50 %, dans le cadre de la PPE 2019-2028, le Gouvernement a décidé de maintenir ouverte l'option de construire de nouveaux réacteurs nucléaires. En effet, si avant l'horizon 2035, de nouvelles capacités nucléaires n'apparaissent pas nécessaires, au-delà, se pose la question des nouveaux moyens de production d'électricité décarbonée à construire pour assurer l'équilibre offre-demande à mesure du déclassement du parc existant. À ce jour, il n'est pas possible de déterminer avec certitude la technologie de production d'électricité qui sera la plus compétitive pour remplacer le parc nucléaire existant. Un programme de travail complet a donc été lancé dont les objectifs consisteront à analyser les avantages et inconvénients d'une décision de construction de nouveaux réacteurs, à définir le jalonnement du programme de construction en cas de décision favorable ainsi que les conditions permettant d'encadrer ses risques le cas échéant.