15ème législature

Question N° 2268
de Mme Agnès Firmin Le Bodo (Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants - Seine-Maritime )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > étrangers

Titre > Mineurs non accompagnés

Question publiée au JO le : 24/10/2017 page : 5086
Réponse publiée au JO le : 09/10/2018 page : 9101
Date de signalement: 13/03/2018
Date de renouvellement: 06/03/2018

Texte de la question

Mme Agnès Firmin Le Bodo attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la situation et la prise en charge des mineurs non accompagnés. En effet, les départements sont confrontés à une accélération des demandes d'accompagnement par l'ASE de ces jeunes ce qui pose un problème de qualité de l'accueil et de coût de la prise en charge par ces collectivités déjà malmenées. Aujourd'hui les départements aux finances déjà malmenées, font seuls face au coût exponentiel de cet accueil (à titre d'exemple les MNA pris en charge par l'ASE de Seine-Maritime étaient 39 fin 2009, 272 fin 2016 et 352 au 30 juin 2017). Le surcoût engendré par cet accueil a été estimé à plus de 40 millions d'euros. Se pose en premier lieu la question de l'évaluation de la minorité et de l'isolement, de la capacité à mettre ces jeunes à l'abri immédiatement, et de proposer un accompagnement durable et personnalisé. Aujourd'hui l'évaluation de l'isolement et de la minorité relèvent du département (décret du 24 juin 2016). Elle est censée se faire dans les 5 jours et il appartient à ce dernier de prouver l'absence d'isolement et de majorité. La difficulté est aussi d'obtenir une entière et rapide coopération des services de l'État. Le refus d'admission étant parfois infirmé par une décision de placement du juge ou du procureur de la République qui applique alors le principe de l'obligation de la preuve. De même, à leur majorité, certains jeunes pris en charge commencent une insertion professionnelle et sociale, et ne parviennent pour autant pas à obtenir un titre de séjour qui permettrait ainsi au département de cesser sa prise en charge. Au-delà du coût, ces prises en charge en nombre croisant saturent les établissements d'accueil qui dès lors peinent à exercer leurs missions. Les personnels remarquables de ces structures sont épuisés et sous pression. La résolution de ces problèmes ne pourra se faire sans lutter contre les filières d'entrée sur le territoire. L'augmentation des flux migratoires ne permet plus de considérer que l'on est dans la seule mise en œuvre des compétences des départements en matière de protection de l'enfance. L'accueil des MNA ne peut plus être considéré isolement mais bien dans le cadre de la politique migratoire de la France à laquelle les départements seraient associés avec profit. Pourquoi ne pas tester de nouvelles façons d'accompagner ces jeunes sur un territoire : le département de Seine-Maritime est ainsi prêt à être territoire d'expérimentation pour améliorer le sort des MNA. L'association des départements de France travaille actuellement à des propositions mais d'ores et déjà des pistes ont été dessinées touchant à : la modification des critères de répartition dans les départements ; l'amélioration de la participation de l'État au coût de la mise à l'abri des MNA ; la création de plateformes d'évaluation associant l'ensemble des acteurs ; la mise en place d'un fichier permettant de centraliser les évaluations. C'est pourquoi elle lui demande de bien vouloir lui préciser quelles évolutions il entend donner à ces modalités d'accueil et de prise en charge.

Texte de la réponse

Le sujet des mineurs non accompagnés est complexe et comporte de multiples dimensions dans lesquelles l'action du Gouvernement est guidée par les orientations suivantes : garantir la prise en charge des mineurs non accompagnés sur notre territoire et, dans le même temps, prendre en compte l'augmentation incontestable du nombre de jeunes étrangers majeurs, qui se déclarent mineurs. Depuis 2013, l'État organise une répartition sur le territoire national des étrangers reconnus mineurs et apporte un financement complémentaire, dans le respect de la politique décentralisée de protection de l'enfance, afin que la charge correspondant aux mineurs non accompagnés soit répartie sur tout le territoire. Le flux de personnes se déclarant mineurs non accompagnés (MNA) a fortement augmenté ces trois dernières années. Le nombre de personnes reconnues MNA est en effet passé de 5 590 en 2014 à 8 054 en 2016 et 14 908 en 2017, soit 85 % d'augmentation pour la seule dernière année. De nombreux départements font part de la saturation de leurs dispositifs d'évaluation et de prise en charge, avec des conséquences à la fois sur la qualité du service rendu, sur les équipes des services de la protection de l'enfance et sur les finances des départements. Alerté des difficultés engendrées par l'augmentation du flux de MNA, le Premier ministre a confirmé le 20 octobre 2017 que l'État assumerait l'évaluation de l'âge et la mise à l'abri des personnes se déclarant MNA jusqu'à ce que leur minorité soit confirmée. Une mission bipartite composée de représentants des corps d'inspection de l'État et de conseils départementaux a rendu le 15 février 2018 un rapport étayé. Sur cette base, un accord est intervenu le 17 mai 2018 entre l'État et l'association des départements de France. Outre des efforts de régulation des flux (démantèlement des filières, fichier national, etc.), l'Etat a proposé une aide concentrée sur la phase d'accueil et d'évaluation, avec 500 euros par jeune à évaluer, auxquels s'ajoutent 90 euros par jour pour l'hébergement pendant 14 jours puis 20 euros du 15ème au 23ème jour. L'État mène les actions nécessaires pour traiter la problématique de manière globale, de la lutte contre les filières à l'admission au séjour des jeunes qui ont été pris en charge. Du point de vue de la lutte contre l'immigration irrégulière, en 2017, 6 filières spécialisées dans l'introduction en France des mineurs non accompagnés ont été démantelées. Le développement de modalités plus rapides et plus fiables d'évaluation est un élément important pour réduire l'attractivité de notre territoire liée à la vulnérabilité de nos procédures à l'égard des demandes injustifiées. Le Gouvernement travaille, à cet égard, conformément à l'accord intervenu avec l'Assemblée des départements de France, à des modifications réglementaires. Enfin, le Gouvernement s'attache à travailler sur les flux en amont de l'entrée sur le territoire français, non seulement dans le cadre de la lutte contre les filières mais aussi pour dissuader les départs de jeunes étrangers, parfois des mineurs, mis en danger sur les routes migratoires. Il s'agit donc aussi d'un sujet inscrit dans le cadre du dialogue diplomatique avec les pays d'origine et de transit.