15ème législature

Question N° 22969
de Mme Caroline Janvier (La République en Marche - Loiret )
Question écrite
Ministère interrogé > Armées
Ministère attributaire > Armées

Rubrique > armes

Titre > Non-prolifération des forces nucléaires à portée intermédiaire

Question publiée au JO le : 24/09/2019 page : 8221
Réponse publiée au JO le : 17/12/2019 page : 10949

Texte de la question

Mme Caroline Janvier interroge Mme la ministre des armées sur la question de la maîtrise des armements par la communauté internationale dans le domaine nucléaire à la suite des récents événements mettant en péril la stabilité géopolitique européenne et mondiale. Signé en décembre 1987 par les États-Unis et la Russie, le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (traité INF) a subi le retrait américain ainsi que la suspension de la participation russe au cours de l'été 2019. Le traité n'étant désormais respecté par aucun signataire initial, de nouveaux programmes d'armement portant sur des missiles à portée intermédiaire (5 000 à 5 500 kilomètres) pourront désormais être développés de part et d'autre du continent européen sans contraventions liées à ce traité. En parallèle, la Chine consolide également son arsenal en la matière. Elle l'interroge donc sur la position et les actions éventuelles amenées à être mises en œuvre par la France et, le cas échéant, par les institutions européennes afin de garantir la sécurité du continent et la non-prolifération des FNI à travers le monde dans ce contexte.

Texte de la réponse

En réponse au développement en secret par la Russie du missile sol-sol SSC-8, dont la portée estimée est supérieure à 500 km, les Etats-Unis se sont officiellement retirés le 2 août dernier du Traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) qui interdisait la conception, la fabrication et le déploiement de missiles sol-sol d'une portée comprise entre 500 et 5 500 km, à tête nucléaire ou conventionnelle. La Russie ayant en parallèle suspendu sa participation, le FNI n'existe plus. La fin de ce traité central dans l'architecture de sécurité européenne pourrait ouvrir la voie au développement et au déploiement de nouveaux vecteurs. Accroissant les risques d'instabilité en Europe, la fin du FNI confirme la dégradation des grands équilibres stratégiques que sont le retour de la compétition entre puissances, la prolifération nucléaire et la prolifération des missiles de tous types, ainsi que l'érosion du dispositif d'arms control hérité de la guerre froide et la remise en cause du principe de confiance qui en constituait le fondement. En outre, dans le domaine nucléaire, le Traité New Start visant à limiter les arsenaux nucléaires américain et russe, arrive à échéance en 2021. Actuellement, aucun élément ne permet d'affirmer qu'il sera prorogé au-delà de cette date. Aussi, la France réaffirme son engagement en faveur d'une maîtrise des armements nucléaires et d'un désarmement réels et vérifiables, et cela dans un contexte de multipolarité nucléaire et de montée en puissance de la Chine. Elle encourage donc la Russie (avec lequel elle a renoué un dialogue sur l'architecture de sécurité et de confiance en Europe) et les Etats-Unis à prolonger le Traité New Start sur leurs arsenaux nucléaires et à négocier un traité successeur. Ces deux pays, détenteurs des arsenaux nucléaires les plus importants, ont, en effet, une responsabilité particulière en matière de réduction des arsenaux. Enfin, le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) pourrait être fragilisé par différents déséquilibres internes (fortes attentes quant au désarmement nucléaire, persistance des crises de prolifération, retour de la compétition stratégique entre les puissances nucléaires) et par l'apparition d'instruments concurrents comme le Traité d'interdiction des armes nucléaires (TIAN). Le TNP demeure néanmoins la pierre angulaire du régime de non-prolifération et de désarmement nucléaire, et contribue de manière significative à la sécurité collective. La France met strictement en œuvre ses obligations au titre du TNP, à la fois en matière de non-prolifération et de désarmement nucléaire et prône une approche progressive, pragmatique et concrète du désarmement nucléaire. Elle œuvre pour ce qu'elle considère comme des priorités essentielles en la matière : l'entrée en vigueur du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE), le lancement des négociations pour un traité d'interdiction de production de matières fissiles destinées aux armes (FMCT), la réduction des deux arsenaux nucléaires les plus importants (Etats-Unis et Russie), et les travaux sur la vérification du désarmement nucléaire. La politique menée par la France s'inscrit dans différentes enceintes pertinentes, notamment au sein de l'Union Européenne, mais également de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, par la construction de positions communes, la réflexion et la proposition d'actions. Le cadre du dialogue du P5 (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie), régulier, permet également d'aborder ces sujets de manière directe, et de tenter d'envisager des solutions acceptables pour les Etats principalement concernés.