15ème législature

Question N° 22992
de M. Christophe Arend (La République en Marche - Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Collectivités territoriales
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > communes

Titre > PLU - Réglementation de l'installation de végétaux en limite de séparation

Question publiée au JO le : 24/09/2019 page : 8223
Réponse publiée au JO le : 02/06/2020 page : 3854
Date de changement d'attribution: 05/11/2019

Texte de la question

M. Christophe Arend attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales, sur la règlementation de l'installation de végétaux ou d'arbres en limite de séparation. Devant le double constat à la fois de dépérissement ou de mortalité de certaines variétés d'arbustes et arbres, ainsi que de phénomènes récurrents de dérèglement climatique tels que des coups de vents violents ou tornades, la présence d'arbustes et arbres souvent plantés en bordure de terrains représente à présent un danger. Le code civil actuel oblige une distance de 2 mètres entre le tronc et la limite d'un terrain, mais n'indique aucune distance par rapport à l'habitation de ce terrain, voire des terrains voisins. Or de nombreuses plantations ainsi faites au fil des années atteignent des tailles impressionnantes dépassant souvent les 20 mètres et présentent par conséquent un réel danger pour les maisons et leurs habitants. En effet, la distance entre la maison du même terrain, voire celle du terrain voisin, n'est souvent que de quelques mètres, conformément au règlement du PLU. Ainsi, la responsabilité des maires peut être engagée en cas de dommages causés par ces plantations d'envergure, car ils ont accordé ces permis de construire en des endroits, où des dangers non mesurés sont apparus. En vue de réglementer l'installation de végétaux ou arbres en limite de séparation, la hauteur, à terme, pourrait être inférieure à la distance entre le tronc et la façade de la maison sur le terrain ainsi que des maisons sur les terrains voisins. Une autre solution serait d'imposer l'abattage des arbres menaçants déjà existants, dont la hauteur est supérieure à la distance précédemment évoquée. Il lui demande si, en raison du danger que ces plantations représentent, elle entend modifier le code civil en ce sens ou prendre des mesures pour assurer la sécurité des habitants.

Texte de la réponse

L'article 637 du code civil énonce qu'une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire. Parmi les servitudes, les articles 671 à 673 prévoient des règles relatives à la distance des plantations effectuées par un propriétaire et applicables aux fonds bordant une propriété privée (Cass, req, 12 avril 1910). Aux termes de ces dispositions, les plantations ne doivent pas être trop proches de la limite séparative des fonds, afin de ne pas causer au fonds voisin d'inconvénient excessif, tels qu'un envahissement par des branches et racines, ou une privation d'ensoleillement. Les articles 671 et 672 ont été jugés conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, notamment en ce que les servitudes de voisinage tendent à assurer la conciliation des droits des propriétaires de fonds voisins, en ce que le législateur a entendu assurer des relations de bon voisinage et prévenir les litiges, et en ce que l'atteinte portée à l'exercice du droit de propriété ne revêt pas un caractère disproportionné au regard du but d'intérêt général poursuivi (Cons. const. 7 mai 2014, n° 2014-394 QPC). Ces dispositions, qui ne sont invocables qu'entre propriétaires privés, n'ont pas pour objectif de garantir la sécurité des personnes et des biens et sont d'application supplétive en l'absence de règles posées par des « règlements particuliers actuellement existants », ou à défaut, « des usages constants et reconnus » (article 671). Ce n'est qu'à défaut de prescriptions issues de ces sources de droit que l'article 671 impose des règles de distance à l'égard du fonds voisin : deux mètres pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et 0,50 mètre pour les autres. De fait, l'édiction de normes réglementaires ou individuelles ayant pour objectif de garantir la sécurité publique relève essentiellement des prérogatives du maire, titulaire des pouvoirs de police administrative générale dans sa commune en vertu des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Les règlements peuvent à cet égard, prévoir des règles plus ou moins contraignantes que celles du code civil (pour un plan d'occupation des sols prévoyant une distance moindre : Cass, 3ème civ, 13 juin 2007, n° 06-14376, Bull. civ. III n° 108). En outre, en cas de danger grave ou imminent, l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales permet au maire qui constate qu'un arbre planté sur une propriété privée menace de s'abattre sur une propriété voisine, d'ordonner l'exécution de mesures de sûreté. A défaut de norme réglementaire, des usages peuvent également s'appliquer, s'ils sont suffisamment constants, généraux et anciens. Leur existence est souverainement appréciée par les juges du fond. Certains usages n'assujettissent les plantations à aucune distance (Cass, 1ère civ, 27 novembre 1963). Ainsi, en région parisienne, en raison de l'exiguïté des parcelles, l'usage autorise la plantation d'arbres et de haies jusqu'à l'extrême limite des jardins, à condition de ne pas causer de gêne excessive au propriétaire du fonds voisin (Cour d'appel de Paris, 24 avril 1985 ; 8ème ch. B). Les obligations du propriétaire d'un fonds sur lequel poussent des arbres à l'égard de son voisin sont enfin complétées par les règles de droit commun relatives à la responsabilité civile. L'article 1242 du code civil dispose notamment que l'on est responsable du dommage causé par le fait des choses que l'on a sous sa garde. La jurisprudence applique depuis longtemps ces dispositions aux dommages causés par la chute d'un arbre (Cass, 2ème civ, 12 mai 1966). En conséquence, au regard du dispositif existant, le Gouvernement n'envisage pas en l'état d'intégrer dans le code civil des restrictions supplémentaires relatives à la hauteur des arbres plantés en limite de propriété.