Moyens de la justice en Seine-Saint-Denis
Question de :
M. Bastien Lachaud
Seine-Saint-Denis (6e circonscription) - La France insoumise
M. Bastien Lachaud interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les moyens alloués au service public de la justice en Seine-Saint-Denis. La République française faillit à sa mission d'assurer l'égalité des territoires et des citoyens, abandonne un département entier et sa population, et laisse ses fonctionnaires dévoués seuls en première ligne dans de nombreux domaines de l'action régalienne de l'État, et notamment la justice. Le rapport d'information sur « l'évaluation de l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis », remis par MM. les députés François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo l'avait déjà montré, et de nombreuses alertes ont eu lieu depuis. M. le député a eu l'occasion d'alerter Mme la ministre sur la situation du tribunal d'instance d'Aubervilliers, par des courriers, le premier en date du 15 septembre 2017, sur la fermeture du tribunal au public faute de personnel de greffe. Les habitants des communes de la Courneuve, le Bourget, Dugny, Stains et Aubervilliers ne peuvent se tourner vers un autre tribunal, car ils ne peuvent qu'aller au tribunal de leur circonscription de résidence. Ils ont été pendant de longs mois privés d'accès au tribunal pour les questions de tutelle, de nationalité, ou les litiges civils inférieurs à 10 000 euros. Mme la ministre avait répondu le 21 décembre 2017 pour expliquer que le nécessaire avait été fait pour pallier le manque urgent de personnel empêchant l'ouverture du tribunal. Mais M. le député avait dû à nouveau écrire à Mme la ministre par un courrier en date du 1er octobre 2018, cette fois-ci du fait de l'absence de régisseur au tribunal d'Aubervilliers, impactant le paiement des experts judiciaires, et la menace, à nouveau, de manquer de personnel de greffe. Mme la ministre avait répondu par un courrier en date du 20 décembre 2018 qu'un régisseur intérimaire avait été nommé, et que la situation du tribunal d'Aubervilliers restait un sujet d'attention prioritaire. Pourtant, des témoignages de justiciables ultérieurs attestent de la rupture de la continuité du service public, et de grandes difficultés à accéder à la justice. Attendre plusieurs années pour pouvoir obtenir un document dont l'absence bloque de très nombreuses démarches administratives, tels qu'un certificat de nationalité française, représente pour de nombreux citoyens une souffrance considérable, et fait peser une épée de Damoclès sur leur avenir, du seul fait qu'ils n'habitent pas dans un territoire où le tribunal de référence est suffisamment doté. Les conséquences d'un tel état de fait sont aussi funestes pour les fonctionnaires que pour les usagers du service public. Les premiers, dont le dévouement et le sens aigu du service public seuls permettent d'assurer la continuité du service au quotidien, mais dont les conditions de travail ne cessent de se dégrader, ont dû porter sur leurs seules épaules la responsabilité de garantir la bonne marche d'une structure sous-dotée en moyens. Les seconds ont dû subir, et continuent à subir, l'engorgement et la longueur des délais qui est le quotidien de la justice en Seine-Saint-Denis, du fait des sous-effectifs et de l'absence de moyens. Cette situation signifie en pratique une discrimination liée à l'adresse : des dossiers similaires sont audiencés en deux mois à Paris et un an en Seine-Saint-Denis en moyenne. Cette lenteur, dont les fonctionnaires ne peuvent être tenus pour responsables, a pour conséquence de bloquer, d'empirer, voire de rendre insolubles certaines situations. En effet, un contentieux locatif sur le paiement du loyer est souvent rendu insolvable douze mois plus tard, si rien n'a été fait, et douze mois n'est que le délai d'audiencement. Concernant le tribunal de Bobigny, en novembre 2018 les juges du tribunal pour enfants ont dénoncé la dégradation des dispositifs de protection de l'enfance en Seine-Saint-Denis : « délais de prise en charge inacceptables », détérioration des « conditions de travail » des personnels du service public, mesures d'accompagnement socio-éducatif ou jugements pénaux qui s'appliquent avec tant de retard qu'ils en deviennent presque « fictifs », les insuffisances sont nombreuses. Les exemples similaires pourraient être multipliés en Seine-Saint-Denis. Aussi, M. le député souhaite apprendre de sa part les mesures qu'elle entend prendre pour rétablir le fonctionnement normal du service public de la justice, éviter que ne se reproduisent à l'avenir de telles situations, garantir l'égalité de traitement de tous les citoyens au regard de l'accès au service public de la justice, et prévenir ainsi toute discrimination relative à l'adresse de résidence, ainsi que quelles dispositions pourront être prises et quels moyens déployés afin que cette priorité déclarée se traduise enfin dans les faits.
Auteur : M. Bastien Lachaud
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date :
Question publiée le 1er octobre 2019
Date de cloture :
21 juin 2022
Fin de mandat