15ème législature

Question N° 23305
de M. Bastien Lachaud (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > politique extérieure

Titre > Gestion du projet du « Louvre Abu Dhabi »

Question publiée au JO le : 01/10/2019 page : 8397
Réponse publiée au JO le : 15/09/2020 page : 6281
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de la culture sur la gestion du partenariat entre le musée du Louvre et l'institution dite « Louvre Abu Dhabi ». M. le député regrette que le musée du Louvre commette sa réputation et, de fait, celle de la France avec un régime comme celui des Émirats arabes unis et cela pour une affaire de « gros sous ». Ce partenariat est un triste exemple de ce que désormais tout peut s'acheter, jusqu'au prestige qui s'attache à une institution et à une histoire séculaire. Il reste, qu'une fois noué, ce partenariat devrait au moins faire l'objet d'un suivi rigoureux de la part du musée du Louvre et des ministères concernés. Or, en mai 2019, le partenariat entre la France et les Émirats a fait l'objet de sérieuses réserves émises par la Cour des comptes. Ces réserves portent sur la défense des intérêts matériels et moraux du musée du Louvre. Le partenariat est encadré par un accord intergouvernemental et par deux contrats de licence. La Cour pointe plusieurs manquements dans leur mise en application. Elle souligne tout d'abord que le musée du Louvre a tardé à signer un contrat global de licence spécifique pour l'utilisation du nom Louvre. Il faudra donc s'assurer que les redevances dues durant cette période soient effectivement perçues. La Cour souligne aussi et surtout la naïveté dont le musée semble avoir fait preuve face à la partie émiratie en s'abstenant de négocier systématiquement les montants des licences et sous-licences et en montrant une certaine paresse à contrôler les partenariats commerciaux et la communication institutionnelle de l'institution dite « Louvre Abu Dhabi ». Ce fut notamment le cas du partenariat noué en 2017 avec la compagnie aérienne Etihad. Il lui demande comment ses services veilleront à la défense des intérêts du Louvre et de la France dans le cadre de ce partenariat et en particulier alors qu'une phase de renégociation des licences doit s'ouvrir avant 2021.

Texte de la réponse

Le Louvre Abu Dhabi est une réussite exceptionnelle. Fruit d'une coopération remarquable entre la France et les Émirats Arabes Unis, il illustre parfaitement le très haut niveau de l'expertise française en matière de musées, de patrimoine et de culture en général. Cette expertise permet à la France de rayonner dans le monde entier. Loin de se limiter à une seule dimension financière, le Louvre Abu Dhabi est avant tout un projet culturel hors du commun, qui manifeste aujourd'hui la pertinence du musée universel ouvert à toutes les cultures et à toutes les esthétiques du monde, tel que la France a largement contribué à le définir depuis plus de deux siècles, notamment par le musée du Louvre. Le musée du Louvre a signé, le 8 novembre 2018, un contrat d'exécution du contrat de licence de marque avec les Émirats Arabes Unis, qui vient préciser les conditions d'utilisation de la marque « Louvre Abu Dhabi ». Le long délai observé entre la signature du contrat de licence de marque et le contrat d'exécution s'explique d'abord par le fait que l'ouverture du musée, envisagée initialement en 2012, ne s'est réalisée qu'en 2017, et ensuite, par l'étalement sur plusieurs années des discussions relatives au logo. Le premier projet de contrat a ainsi été adressé aux autorités émiriennes en janvier 2015. Les interlocuteurs émiriens en charge de la négociation sur les conditions de commercialisation des produits dérivés ont été désignés seulement lorsque l'ouverture du musée était proche, permettant alors d'engager et de finaliser la négociation. Les conditions d'exploitation de la marque et de l'image du Louvre négociées par le Louvre et prévues dans le contrat d'exécution se révèlent tout à fait honorables. Ainsi, le taux de redevance sur l'utilisation commerciale de la marque « Louvre Abu Dhabi » de 8 %, retenu lors de la négociation du contrat d'exécution, ne peut être considéré comme insuffisant au regard des comparaisons réalisées avec les redevances perçues sur d'autres activités concédées par le Louvre. Ainsi, à titre d'exemple, le taux de redevance qui s'applique dans le contrat de licence de marque conclu entre le musée du Louvre et la Réunion des musées nationaux – Grand Palais s'établit à 3 % du chiffre d'affaires. En outre, le contrat prévoit bien une validation préalable par le Louvre du recours par le Louvre Abu Dhabi à des sous-licences, permettant à celui-là d'en contrôler l'objet et les conditions. Sur le partenariat avec la compagnie Etihad et les opérations de communication et de publicité, le musée du Louvre n'avait en effet pas eu connaissance du partenariat commercial conclu par les autorités émiriennes en octobre 2017 avec la compagnie aérienne nationale Etihad. Dès que le musée du Louvre a constaté l'usage du nom du Louvre Abu Dhabi dans une campagne de communication, il a demandé par courrier des explications au Louvre Abu Dhabi. Il ne s'agit cependant pas d'une licence de marque mais d'une campagne de publicité financée par le Louvre Abu Dhabi à travers l'achat d'espaces publicitaires auprès d'Etihad. La possibilité d'une campagne de marquage d'avions aux couleurs du Louvre Abu Dhabi au titre d'un achat d'espaces publicitaires avait en outre été discutée en 2016-2017 avec les équipes du Louvre Abu Dhabi. Ce type d'opérations est fréquent : par exemple, le Louvre Lens l'avait fait pour son ouverture et le Louvre l'a fait également en 2019 pour le 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci sur les TGV se rendant en Italie. Outre qu'une renégociation des conditions de rémunération des sous-licences est déjà programmée avant novembre 2021, nonobstant le bien-fondé d'une telle démarche qui reste à démontrer, les conséquences d'une judiciarisation, notamment en termes médiatiques et sur la qualité de la relation avec les Émiriens, seraient loin d'être insignifiantes dans le cas d'un projet qui demeure un cas unique de valorisation de marque muséale et de vente d'ingénierie culturelle. Au total, s'il convient d'être vigilant sur la correcte application de l'accord de licence de marque, il importe de considérer que l'enjeu, qui porte essentiellement sur les produits dérivés (et non sur la politique de promotion) reste limité.