15ème législature

Question N° 23463
de Mme Audrey Dufeu (La République en Marche - Loire-Atlantique )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > femmes

Titre > Prise en compte de l'imprégnation alcoolique dans les cas de violences

Question publiée au JO le : 08/10/2019 page : 8537
Réponse publiée au JO le : 19/05/2020 page : 3545
Date de renouvellement: 04/02/2020

Texte de la question

Mme Audrey Dufeu Schubert interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la prise en compte de l'imprégnation alcoolique dans les violences criminelles et délictuelles. Le Président de la République a choisi de faire de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles la grande cause nationale du quinquennat. Le nombre de femmes tuées par leur conjoint s'élève à 121 pour 2018 et 107 femmes ont perdu la vie en 2019 au lancement du Grenelle contre les violences conjugales. La lutte contre les féminicides, priorité du Gouvernement, est multisectorielle. Aussi, la justice et les forces de police sont fortement impliquées pour une meilleure prise en charge et un meilleur accompagnement des victimes. Elles constatent, sur le terrain, le rôle que joue l'alcool dans le contexte des violences conjugales. La Cour des comptes souligne dans un rapport de 2016 que près de 70 % des actes des violences et agressions seraient consécutifs à un abus d'alcool. Cependant, les forces de l'ordre soulignent leur impossibilité à pouvoir notifier systématiquement le contexte alcoolique lors de l'établissement du procès-verbal. L'ivresse manifeste n'est pas systématiquement une circonstance aggravante dans les cadres de violences. Selon le code pénal, elle l'est dans le cas d'un viol, mais pas dans le cas d'un homicide volontaire, de coups et blessures ou encore de maltraitance sur enfant. L'intoxication volontaire par alcool peut ainsi être considérée comme un trouble psychique altérant le discernement, ce qui peut entraîner une réduction de peine. Ainsi, elle lui demande si le Gouvernement envisage de généraliser la prise en compte de l'imprégnation alcoolique comme circonstance aggravante dans le cadre des violences criminelles et délictuelles ou que reste pénalement responsable l'accusé lorsque l'altération ou l'abolition du discernement est la conséquence d'un comportement personnel fautif comme dans le cas de la consommation volontaire d'alcool.

Texte de la réponse

Depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, l'imprégnation alcoolique constitue une circonstance aggravante d'un certain nombre d'infractions. Cette réforme exprime la volonté du législateur de réprimer plus sévèrement le comportement de l'auteur en état d'ivresse. En effet, loin de considérer l'imprégnation alcoolique comme une cause d'irresponsabilité, la faute initiale consistant en l'absorption d'alcool vient au contraire aggraver la situation de l'auteur. Le rapport de la commission des lois relatif au projet de loi devenu loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 précitée indique en ce sens que « lorsque la personne boit en connaissance des effets de l'alcool et commet ensuite en état d'ivresse une infraction qu'elle n'a pas à proprement parler voulue avant de boire et qu'elle n'aurait pas voulue en son état normal, la grande majorité des décisions se refuse à voir dans l'ivresse une cause légale d'exemption de la peine ». La jurisprudence considère en effet que le prévenu qui connaissait les propriétés enivrantes des boissons qu'il a consommées doit être reconnu entièrement responsable, et il ne paraît dès lors nullement nécessaire de modifier le code pénal sur cette question. Ainsi, les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure, égale ou inférieure à huit jours, ainsi que les violences n'ayant entraîné aucune incapacité de travail connaissent une circonstance aggravante liée à l'état d'ivresse manifeste de l'auteur au moment des faits (articles 222-12 et 222-13 du code pénal). En revanche, la circonstance aggravante, pour les violences habituelles sur mineur ou personne vulnérable, de l'état d'ivresse manifeste de l'auteur n'a pas été ajoutée par la loi du 5 mars 2007, bien qu'elle ait été débattue. Initialement introduite par le projet de loi, le rapporteur du texte devant la commission des lois indiquait lors des débats devant l'Assemblée nationale que dans la mesure où il s'agissait de violences habituelles, il paraissait difficile d'établir la preuve qu'à chaque fait de violence, leur auteur était sous l'emprise de l'alcool ou de la drogue. Il précisait que le caractère habituel des violences constituant déjà une circonstance aggravante, qui s'ajoutait à celle résultant de la qualité de la victime, il paraissait préférable de ne pas créer un troisième niveau de circonstance aggravante. S'agissant des infractions de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner et de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, elles ne peuvent être aggravées par plus d'une circonstance. La grande majorité des circonstances aggravantes prévues par le texte des articles 222-8 et 222-10 du code pénal, qui ont pour effet de criminaliser le délit de violences ayant entrainé une mutilation ou une infirmité permanente, sont des circonstances aggravantes portant sur la qualité de la victime. En ce sens, la circonstance aggravante de la qualité de conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS de l'auteur permet donc d'ores et déjà de sanctionner ce dernier de la pénalité la plus forte (respectivement vingt ans et quinze ans de réclusion criminelle). Ainsi, l'absorption d'alcool ou de tout autre produit, ne peut être liée à une irresponsabilité selon notre droit. Comprenant les interrogations soulevées, la garde des Sceaux, ministre de la justice, a demandé a une commission composée d'anciens parlementaires, de magistrats et d'experts psychiatres, d'adresser un bilan et une analyse de l'état de la jurisprudence en matière de troubles résultant d'une intoxication volontaire.