Question de : M. Bernard Brochand
Alpes-Maritimes (8e circonscription) - Les Républicains

M. Bernard Brochand attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les délais de prescription des recours en matière de responsabilité médicale. L'article L. 1142-28 du code de la santé publique issu de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 a unifié le délai de prescription de la responsabilité médicale et hospitalière qui variait suivant les contextes juridiques. Désormais, est appliqué un délai unique de dix ans, courant à compter de la consolidation du dommage. Le point de départ de ce délai soulève des difficultés. En effet, celui-ci est constitué par la « consolidation du dommage », et non par la première constatation médicale de ce dommage. Or dans certains cas, l'état de certaines victimes n'est jamais stabilisé et continue même à s'aggraver. C'est la raison pour laquelle il lui demande s'il ne serait pas opportun de revenir à la prescription de trente ans pour les victimes dont la consolidation du dommage n'a jamais été constatée et quelles mesures il entend prendre pour mettre fin à cette situation.

Réponse publiée le 20 février 2018

Le délai de prescription en matière de responsabilité médicale, tel que fixé par l'article L. 1142-28 du code de la santé publique (CSP), issu de la loi no 2002-303 du 4 mars 2002, court « à compter de la consolidation du dommage ». La date de consolidation, fixée au terme d'une expertise médicale, s'entend généralement du moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent de telle sorte qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation. Dans sa décision du 1er juin 2016 (n° 382490), le Conseil d'Etat a rappelé que la date de consolidation « fait courir le délai de prescription pour l'ensemble des préjudices directement liés au fait générateur qui, à la date à laquelle la consolidation s'est trouvée acquise, présentaient un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour l'avenir ». Il a également rappelé à cette occasion que si l'expiration du délai de prescription fait obstacle à l'indemnisation de ces préjudices, cette expiration est toutefois « sans incidence sur la possibilité d'obtenir réparation de préjudices nouveaux résultant d'une aggravation directement liée au fait générateur du dommage et postérieure à la date de consolidation » et que « le délai de prescription de l'action tendant à la réparation d'une telle aggravation court à compter de la date à laquelle l'aggravation s'est elle-même trouvée consolidée ». Par ailleurs, la jurisprudence considère que « dans le cas d'une pathologie évolutive insusceptible d'amélioration, l'absence de consolidation, impliquant notamment l'impossibilité de fixer définitivement un taux d'incapacité permanente, ne fait pas obstacle à ce que soit mise à la charge du responsable du dommage la réparation des préjudices matériels et personnels dont il est d'ores et déjà certain qu'ils devront être subis à l'avenir » (CE, 25 oct. 2017, no 400950), « ainsi que la réparation de l'ensemble des conséquences déjà acquises de la détérioration de l'état de santé de l'intéressé » (CE, 5 déc. 2008, no 296460). Aussi, lorsque l'état de la victime n'est pas consolidé et continue à s'aggraver, l'expert médical peut éventuellement fixer une date ultérieure de consolidation. Dans le cas contraire, une expertise médicale post-consolidation pourra avoir lieu. En tout état de cause, au plus tard, le décès de la victime fait courir le délai de prescription. Dans cette hypothèse, ses ayants-droit disposeront donc du même délai pour exercer une action en responsabilité pour la réparation de son dommage. Les préjudices temporaires peuvent donc, à la suite d'une demande ou d'une offre de provision par l'assureur, voire le cas échéant par la voie du référé-provision, être indemnisés, et une provision pour les préjudices permanents peut être accordée dans l'attente de la consolidation. Par conséquent, le Gouvernement n'entend ni modifier le point de départ du délai de prescription des recours en matière de responsabilité médicale, ni établir un délai de prescription de trente ans pour les victimes de dommage corporel dont l'état n'est pas consolidé, la réparation de leur dommage en l'absence de consolidation étant suffisamment et efficacement assurée par le régime juridique en vigueur.

Données clés

Auteur : M. Bernard Brochand

Type de question : Question écrite

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Dates :
Question publiée le 24 octobre 2017
Réponse publiée le 20 février 2018

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