15ème législature

Question N° 23529
de M. Jean-Luc Lagleize (Mouvement Démocrate et apparentés - Haute-Garonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > Interdiction de la chasse à la baleine

Question publiée au JO le : 08/10/2019 page : 8525
Réponse publiée au JO le : 21/01/2020 page : 427
Date de renouvellement: 14/01/2020

Texte de la question

M. Jean-Luc Lagleize attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la chasse à la baleine. Le 26 décembre 2018, le Japon a annoncé son retrait de la Commission baleinière internationale (CBI) pour reprendre la chasse à la baleine à partir de juillet 2019. La Commission baleinière internationale (CBI) a été créée par la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, signée à Washington le 2 décembre 1946. La Convention a pour objectif de veiller à la « conservation judicieuse » des stocks de baleines, afin de permettre le « développement ordonné de l'industrie baleinière ». La principale mission de la Commission baleinière internationale (CBI) consiste à réexaminer et réviser, si nécessaire, les mesures définies dans le règlement de la Convention, qui régissent les modalités de la chasse à la baleine dans le monde entier. Ces mesures prévoient notamment la protection totale de certaines espèces, définissent des sites spécifiques comme zones de refuge des baleines ou sanctuaires, fixent les limites concernant le nombre et la taille des baleines pouvant être capturées, déterminent les saisons d'ouverture et de fermeture de la chasse et les territoires de chasse et interdisent la capture de jeunes non sevrés et de baleines femelles accompagnées de jeunes. Le règlement impose également le recueil de renseignements sur les prises ainsi que d'autres relevés statistiques et biologiques. En outre, la Commission encourage, coordonne et finance la recherche sur les baleines, publie les résultats de la recherche scientifique et soutient les études sur les sujets voisins tels que les méthodes d'abattage non cruelles. La Commission baleinière internationale (CBI) demeure ainsi le seul organisme qui permette la prise en compte de l'ensemble des dimensions sociales et environnementales autour des cétacés. Le choix du Japon de quitter cet organisme est un mauvais signal envoyé au multilatéralisme environnemental, dans une période cruciale pour la sauvegarde de la biodiversité. La France se doit de poursuivre les échanges avec le Japon pour trouver une solution qui permettra de renforcer les cadres multilatéraux existants tout en protégeant ces mammifères emblématiques de la planète. La France doit également tenir un dialogue ferme avec les autres pays qui autorisent la chasse à la baleine, comme la Norvège ou l'Islande. Aujourd'hui, plus rien ne justifie scientifiquement, socialement ou économiquement cette pratique : il n'est plus nécessaire de tuer des baleines pour mener des programmes de recherche scientifique et la consommation de baleine, notamment au Japon, est extrêmement faible et recule continuellement. Dans ce contexte, il est impératif que la France soutienne fermement le moratoire de 1986 sur la chasse commerciale et s'oppose définitivement à la chasse scientifique. En outre, il pourrait être judicieux d'élargir les prérogatives de la Commission baleinière internationale (CBI), étant donné que les cétacés sont tout autant menacés par la chasse que par d'autres menaces qui pèsent désormais sur les mammifères marins : prises accidentelles, collisions avec les navires, bruit sous-marin causant des échouages, pollution et plastique en mer. Ainsi, il l'interroge sur la chasse à la baleine, sur l'évolution de la Commission baleinière internationale (CBI) et sur les positions qu'entend défendre le Gouvernement sur la scène européenne et internationale afin d'interdire définitivement la pêche commerciale et scientifique des baleines, qui menace la biodiversité marine.

Texte de la réponse

La France regrette la décision du Japon de reprendre la chasse à la baleine dans ses eaux territoriales. Elle s'est exprimée publiquement et sans ambiguïté à ce sujet. Du point de vue de la conservation des baleines, il est vraisemblable que le nombre total de captures sera cependant moins élevé qu'auparavant, le Japon, maintenant sorti de la Commission baleinière internationale (CBI), ne pouvant plus chasser sous couvert scientifique dans l'Antarctique. De plus, les espèces ciblées sont dans une situation moins défavorable que celles de l'Antarctique, qui faisaient auparavant l'objet de la chasse japonaise. Le Japon reste par ailleurs observateur de la CBI et il s'est engagé à poursuivre la collaboration avec cette enceinte. La décision japonaise met en revanche en danger la survie même de la CBI d'un point de vue budgétaire. Les Etats membres devront consentir un effort financier significatif pour permettre à cette organisation de continuer ses activités. Malgré son mandat initial (la "conservation judicieuse"des stocks de baleines afin de permettre le"développement ordonné de l'industrie baleinière"), la Commission a en effet évolué depuis 1946 dans la pratique. En effet, elle traite désormais de menaces sérieuses telles que les collisions, les captures accidentelles, la pollution, les bruits sous-marins d'origine humaine, etc. Il est important de noter que la CBI représente par ailleurs un remarquable instrument d'évaluation de l'état des populations de cétacés dans le monde, au-delà de celles qui font l'objet de chasse. Son comité scientifique est unanimement reconnu pour son efficacité et sa crédibilité. La création, en 2013, d'un comité de conservation, qui se concentre sur les aspects de gestion, tout en collaborant étroitement avec le comité scientifique, permet de répondre aux menaces pesant sur les baleines et leurs habitats. La disparition de ces deux comités, faute de financement, aboutirait à stopper les nombreuses études en cours, avec le risque de disparition des espèces et populations en danger d'extinction. La France continuera donc à travailler activement au sein de la CBI. Elle est prête à renforcer son soutien à cette organisation, notamment sur les réponses aux menaces autres que la chasse. Elle souhaite par ailleurs que cette enceinte puisse élargir son champ d'application aux petits cétacés, pour lesquels il n'existe à ce jour aucune enceinte globale compétente en matière de conservation. La France souhaite enfin que l'Islande, la Norvège ainsi que les Etats pratiquant une chasse dite autochtone (Etats-Unis, Russie, Danemark et St-Vincent-et-les-Grenadines) restent membres de la CBI et continuent à respecter ses règlementations, notamment en matière de quotas et de méthodes de chasse. L'enjeu est important : cette organisation ne doit pas devenir une association de pays anti-chasse, n'ayant aucun contrôle sur les prises pratiquées en dehors de son enceinte. Aussi la France poursuit-elle les négociations au sein de la CBI et les discussions en bilatéral et à travers l'Union européenne, en réaffirmant d'une part son soutien au moratoire de 1986, même pour les stocks dits "rétablis" et en faisant valoir d'autre part un argumentaire simple : la chasse commerciale ne répond pas une nécessité.