15ème législature

Question N° 23609
de Mme Émilie Bonnivard (Les Républicains - Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Transports
Ministère attributaire > Transports

Rubrique > transports aériens

Titre > Faillites de compagnies aériennes

Question publiée au JO le : 08/10/2019 page : 8570
Réponse publiée au JO le : 21/01/2020 page : 473

Texte de la question

Mme Émilie Bonnivard attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports, sur l'impérieuse nécessité de mettre en place un dispositif qui permette de protéger les consommateurs en cas de défaillance de compagnies aériennes opérant en France, ainsi que les agences de voyages qui transfèrent les fonds aux compagnies, dès l'émission des billets. En moins de trois semaines, au mois de septembre 2019, sont survenues la mise en liquidation judiciaire d'Aigle Azur, deuxième compagnie aérienne française, puis la mise en redressement judiciaire d'XL Airways, neuvième compagnie française. Ces deux coups d'arrêt brutaux ont mis en lumière le manque de protection des consommateurs. À partir du 6 septembre 2019, 13 000 passagers d'Aigle Azur se sont retrouvés bloqués à l'étranger et ont dû racheter un billet auprès d'autres compagnies pour pouvoir rentrer chez eux. En outre, plus de 40 000 billets avaient été vendus pour le compte d'Aigle Azur pour des départs à venir. Ces voyages ne pourront pas être effectués. Concernant la compagnie XL Airways plus de 30 000 billets ont été émis, payés par les clients et les agences de voyage et ne seront pas honorés. Tous les consommateurs concernés n'ont que très peu de chances d'être indemnisés, sauf à être passés par une agence de voyage dans le cadre de la vente d'un forfait touristique (vol + hôtel). En effet, dans le cadre de la procédure collective ouverte pour ces deux compagnies, les passagers ne sont placés qu'au bas de la liste des créanciers, bien après les salariés, l'État, les organismes sociaux et les banques. Il n'existe, à ce jour, aucune garantie financière protégeant les consommateurs, qui permettrait de couvrir le risque de défaillance des compagnies aériennes, alors que, par ailleurs, les textes imposent à toute agence de voyage de souscrire une garantie financière, en cas de défaillance. Dans le cas de l'agence de voyage, la garantie financière est destinée à rembourser la totalité des fonds déposés par les clients pour les forfaits et prestations touristiques, ainsi qu'à couvrir les frais de rapatriement des voyageurs en cas de défaillance de l'agence. Au surplus, il faut souligner que pour émettre de la billetterie aérienne, une agence de voyage doit disposer d'un agrément auprès de l'Association internationale du transport aérien (IATA) imposant le respect de critères financiers très lourds et stricts ou, à défaut du respect de ces critères, fournir une garantie bancaire à première demande afin de sécuriser les sommes encaissées des voyageurs pour le compte des compagnies aériennes. En sus de ces contraintes, les agences de voyage agréées IATA sont obligées d'émettre les billets d'avion dès leur réservation, et de les payer à la compagnie. Par conséquent, cela signifie, dans le cas d'Aigle Azur, que l'ensemble des billets de retour des 13 000 passagers bloqués, mais aussi l'ensemble des 40 000 billets des départs à venir, qui ne seront pas « volés », ont déjà été payés à Aigle Azur, de la même façon pour XL Airways. On est donc face à une situation où les compagnies aériennes refusent depuis 20 ans de créer un système de mutualisation dans l'intérêt des consommateurs victimes de ces défaillances, car les grosses compagnies refusent de payer pour les petites, plus exposées au risque de défaillance. Compte tenu des défaillances observées ces derniers mois et dernières années, ainsi que des situations fragiles auxquelles sont actuellement exposées plusieurs compagnies, le Gouvernement ne devrait-il pas imposer, dans le projet de loi sur le transport aérien en préparation, un mécanisme de solidarité entre les différents transporteurs ou bien un mécanisme consistant à séquestrer les sommes versées pour les consommateurs jusqu'à l'exécution complète du contrat de transport et ce, afin de prémunir les consommateurs contre le risque de défaillance des compagnies aériennes ? Cette solidarité pourrait prendre la forme soit d'une caisse de garantie, soit d'une souscription d'assurances garantissant les fonds déposés par les agences de voyage et les clients, sur le même modèle que la garantie totale des fonds déposés par les clients, exigée des agents de voyage pour leur immatriculation. Elle lui demande donc de préciser ses intentions afin de remédier aux problèmes engendrés par la défaillance des compagnies aériennes au détriment des consommateurs.

Texte de la réponse

Les faillites successives de deux compagnies aériennes françaises, et leur effet sur un grand nombre de passagers, ont constitué des évènements majeurs et engendré une mobilisation immédiate des services de l'État. Face à la soudaineté de l'annulation des vols d'Aigle Azur et d'XL Airways, les services de la Direction générale de l'aviation civile ont travaillé en lien étroit avec les autres compagnies aériennes pour les inciter, d'une part, à procéder à des augmentations de capacité ciblées et, d'autre part, à offrir des billets à tarif réduit aux passagers contraints de racheter un billet ; la priorité étant donnée au retour des passagers bloqués à l'étranger. Les services de l'État ont également veillé à informer largement les passagers affectés par ces défaillances, sur leurs droits et éventuels recours en fonction de leur situation. Au sortir de cette crise, les autorités françaises sont pleinement conscientes des limites de la réglementation applicable en ce qui concerne la protection des passagers ayant acheté un billet sans autre prestation (« vol sec »), et non couverts à ce titre par les dispositions protectrices de la Directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées. Une telle situation impose de s'interroger sur les améliorations possibles en termes de protection des passagers aériens. Le Gouvernement y est déterminé et les services de la Direction générale de l'aviation civile s'emploient actuellement, avec les autres ministères concernés, au premier rang desquels le ministère des Finances, à explorer les pistes d'amélioration possibles sur un sujet qui a déjà fait l'objet d'échanges et de réflexions approfondies par le passé, y compris au niveau européen. Aucune des solutions identifiées alors, parmi lesquelles la création d'un fonds général de réserve ou le recours à un dispositif d'assurance, n'avait pu toutefois être considérée comme pleinement satisfaisante pour l'ensemble des parties concernées (consommateurs, voyagistes, compagnies aériennes, assureurs et pouvoirs publics). Cela démontre la complexité de ce dossier comme la nécessité d'être innovant, pour faire émerger des solutions efficaces pour les passagers et adaptées aux spécificités du secteur aérien. Des mécanismes assurantiels nouveaux pourraient ainsi, par exemple, être développés comme le recours plus systématique à des comptes séquestres. Dans le contexte très mondialisé et concurrentiel du transport aérien, il n'apparaît en particulier pas sans conséquences de mettre en place à la seule échelle nationale un système tel que celui évoqué de fonds de garantie. C'est en priorité au niveau européen que devraient s'établir les règles correspondantes. Le Gouvernement entend accorder à cet égard toute l'attention nécessaire aux opportunités pouvant se présenter au niveau de l'Union européenne, et tout particulièrement la révision engagée du règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l'exploitation de services aériens dans la Communauté.