15ème législature

Question N° 23661
de M. José Evrard (Non inscrit - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Économie circulaire et industrie nucléaire

Question publiée au JO le : 15/10/2019 page : 8651
Réponse publiée au JO le : 17/03/2020 page : 2236

Texte de la question

M. José Evrard interroge Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur le non-recyclage des déchets des centrales nucléaires classiques. Dans le vade mecum du ministère de la transition énergétique et solidaire relatif à l'économie circulaire, il est indiqué que celle-ci désigne un modèle économique dont l'objectif est de produire des biens et des services de manière durable, en limitant la consommation et les gaspillages de ressources (matières premières, eau, énergie) ainsi que la production des déchets. Il s'agit de rompre avec le modèle de l'économie linéaire (extraire, fabriquer, consommer, jeter). Cela n'étant que la traduction de la loi de transition citée ici : « La transition vers une économie circulaire vise à dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires ainsi que, par ordre de priorité, à la prévention de la production de déchets, notamment par le réemploi des produits, et, suivant la hiérarchie des modes de traitement des déchets, à une réutilisation, à un recyclage ou, à défaut, à une valorisation des déchets ». Pour simplifier, l'économie circulaire dans son optimum transforme les déchets en matière première, ce qui lui permet de fermer et d'ouvrir le cycle. Ce vade mecum, issu de la loi de transition énergétique, se décline en nouvelles contraintes qui vont s'imposer aux entreprises de production, à l'industrie déjà bien bousculées par une profusion de normes. Or il est un domaine qui ne semble pas concerné par la modèle de l'économie circulaire, c'est celui de la production d'électricité d'origine nucléaire. Les centrales classiques, dites à eau pressurisée, sont effectivement productrices de déchets en grande quantité. Déchets dangereux qui nécessitent un traitement et un stockage spécifique. Ces déchets, cela est bien connu en France, bien avant la réalisation concrète de Phénix à Marcoule en 1973, sont les matières premières d'un réacteur nucléaire à neutrons rapides : le surgénérateur. Cet équipement, devenu Superphénix avec une puissance de 1 200 mégawatts, qui devait fonctionner industriellement au siècle passé a été arrêté en pleine construction par le ministre de l'écologie de l'époque et ses équipes dissoutes. Certainement que les difficultés pour réaliser les EPR ont aussi leurs sources dans ce qui constitue, sans le dire, un démantèlement de la filière nucléaire. Un projet plus modeste, d'une puissance de 600 mégawatts, en cours de construction par le CEA, inclus dans le projet public Astrid, va connaître le même sort que Superphénix. Il est stoppé au motif que le prix de l'uranium baissant, il n'est plus utile de travailler la surgénération. Les déchets ne seront pas traités, l'économie circulaire a subi son premier revers, et de taille : le marché a eu raison du surgénérateur. Il lui demande quelles sont les raisons profondes qui empêchent de mettre en œuvre les principes de l'économie circulaire dans l'industrie nucléaire.

Texte de la réponse

La stratégie de monorecyclage du combustible usé à base d'uranium naturel enrichi (UNE) actuellement mise en œuvre en France s'inscrit dans une logique de réutilisation des matières issues des activités électro-nucléaires. Cette stratégie de traitement-recyclage des combustibles usés a été réaffirmée par le Gouvernement dans le cadre de la Programmation pluriannuelle de l'énergie pour la période 2019-2028 (PPE). Elle sera maintenue au moins jusqu'à l'horizon des années 2040, où une grande partie des installations et des ateliers de l'usine de la Hague arrivera en fin de vie. Dans le cadre de cette stratégie, un projet de construction d'un démonstrateur industriel de ce type de réacteurs, appelé Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration (ASTRID), se déroulant dans le cadre d'une convention Etat-CEA, a démarré en 2010. En 2019, le projet est arrivé à la fin de la phase d'avant-projet détaillé (APD). Au regard des perspectives très éloignées de déploiement à large échelle de réacteurs de ce type, l'Etat a décidé de ne pas poursuivre le projet au-delà de cette phase. Cette décision ne remet toutefois pas en question le choix de la France de rester engagée dans la politique de fermeture complète du cycle du combustible. Le Gouvernement a ainsi demandé aux industriels d'engager les actions de R et D nécessaires avec le CEA pour approfondir la faisabilité industrielle des solutions de multi-recyclage du combustible dans les réacteurs de troisième génération, solution qui permettra de stabiliser les stocks de plutonium dans le cycle ainsi que les stocks de combustibles usés, tout en contribuant à la recherche sur la 4 ème génération dans la mesure où une partie des sujets à explorer sont communs. Les travaux de R et D se poursuivront en parallèle sur les technologies de 4 ème génération pour la fermeture du cycle et s'appuieront à la fois sur la simulation et sur des expérimentations. Les études menées sur le projet ASTRID demeureront utiles pour permettre la construction éventuelle d'un démonstrateur, à plus long terme. Enfin, s'agissant de la gestion des déchets, il convient de rappeler que la recherche réalisée depuis plus de 20 ans dans le cadre de la loi de 1991, puis de celle de 2006, a démontré que les réacteurs de 4ème génération ne permettraient pas de modifier totalement la gestion des déchets radioactifs de haute activité à vie longue et, par conséquent, ne supprimeraient pas le besoin d'une solution de stockage de ces déchets.