Traitement du paludisme par l'Artemisia annua
Question de :
M. Brahim Hammouche
Moselle (8e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
M. Brahim Hammouche alerte Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le traitement du paludisme par une plante issue de la pharmacopée traditionnelle chinoise, l'Artemisia annua. Alors que les médecines « naturelles » ont le vent en poupe, l'emploi de cette plante fait polémique en France. Alors que La Maison de l'artemisia, association française, affirme que la plante, prise sous forme de tisane, permettrait de soigner et de prévenir la maladie encore plus efficacement que les traitements conventionnels, des médecins et des chercheurs français dénoncent quant à eux cette pratique pour laquelle les preuves d'efficacité font actuellement défaut. L'« Artemisia annua » est pourtant bien connue des scientifiques et notamment l'artémisinine, molécule capable d'éliminer le parasite responsable du paludisme, qui en est extraite. Cette découverte a d'ailleurs valu le prix Nobel de médecine à la Chinoise Tu Youyou en 2015. Depuis, l'artémisinine est un composé incontournable des médicaments contre le paludisme, les CTA (combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine), si bien que 28 000 hectares sont mis en culture semi-industrielle dans le monde pour fournir l'industrie pharmaceutique. Cette plante semble donc bien avoir des pouvoirs antipaludiques. Mais c'est son utilisation sous la forme de tisane qui pose problème à la communauté médicale. Aussi, il lui demande de l'informer sur les données acquises de la science, les recommandations et les perspectives de prise en charge par cette forme galénique.
Réponse publiée le 28 janvier 2020
Le paludisme est un enjeu important en santé publique. Comme toute maladie infectieuse, il nécessite un usage raisonné des anti-parasitaires afin d'éviter l'émergence de souches résistantes. L'utilisation de la plante dénommée Artémisia annua sous forme de tisane est contraire aux bonnes pratiques de prise en charge des accès simples à Plasmodium falciparum. En effet, les recommandations du Haut conseil de santé publique de mars 2019 indiquent que « Pour ce qui est des tisanes, gélules ou autres préparations dérivées de la plante entière Artemisia annua : ces produits de phytothérapie n'ont pas fait la preuve de leur efficacité dans le cadre d'études cliniques méthodologiquement contrôlées et rigoureuses. De plus, leur innocuité n'est pas établie ». Le bulletin épidémiologique hebdomadaire indique donc « qu'il est important d'informer systématiquement les voyageurs sur les risques encourus lors de l'utilisation de ces produits pour la prévention ou le traitement du paludisme qui les expose à une perte de chance ». Par ailleurs, dans un communiqué du 19 février 2019, l'Académie de médecine rappelle que, si l'artémisine possède des propriétés antipaludéennes, elle doit toujours être associée à un autre antipaludéen d'action plus prolongée pour préserver son efficacité. Elle reprend en cela les recommandations de l'organisaton mondiale de la santé (OMS) de 2012 qui déconseillent l'utilisation de feuilles séchées d'Artémisia annua en raison de concentrations faibles et variables d'artémisine et de sa dégration dans l'eau à haute température. L'usage de ces tisanes dont la concentration en artémisine n'est pas contrôlée, est par ailleurs dangereux pour les enfants. Enfin, l'OMS précise que le traitement des accès simples à Plasmodium falciparum repose sur des associations thérapeutiques. En France l'agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé a suspendu en 2015 et 2017 la mise sur le marché de produits à base d'Artémisia proposés sur Internet ou par l'intermédiaire d'associations pour la prévention et le traitement du paludisme. Ces produits étant susceptibles de présenter un danger pour la santé humaine. Pour toutes ces raisons, afin de protéger les patients et de limiter le risque d'apparition de souches résistantes, il n'est pas opportun d'utiliser l'Artémisia annua dans la prévention et le traitement du paludisme.
Auteur : M. Brahim Hammouche
Type de question : Question écrite
Rubrique : Médecines alternatives
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Dates :
Question publiée le 29 octobre 2019
Réponse publiée le 28 janvier 2020