15ème législature

Question N° 24327
de M. Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > aquaculture et pêche professionnelle

Titre > Inquiétudes à propos de l'élevage des huîtres triploïdes

Question publiée au JO le : 12/11/2019 page : 9909
Réponse publiée au JO le : 25/02/2020 page : 1449
Date de changement d'attribution: 19/11/2019

Texte de la question

M. Stéphane Peu attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur le besoin de transparence pour le consommateur sur la commercialisation d'huîtres dites « triploïdes ». La technologie des huîtres triploïdes a été développée dans les laboratoires de génie génétique de l'Ifremer au cours des années 1990 et 2000 et se traduit l'adjonction d'un chromosome supplémentaire au couple chromosomique naturel de l'huître. Cette manipulation vise essentiellement à augmenter les rendements de la production ostréicole, à réduire le phénomène de « laitance » des huîtres et finalement à uniformiser la production d'huîtres afin de mieux répondre aux attentes de consommateurs. Certes, la polyploïdie des huîtres ne peut être considérée à proprement parler comme une manipulation génétique. Mais s'agissant d'huîtres stériles, cette caractéristique conduit à un modèle parallèle à celui semencier en agriculture, rendant les ostréiculteurs dépendant de l'industrie de l'écloserie. En outre, les conséquences de l'élevage désormais massif d'huîtres triploïdes dans le milieu naturel ne sont probablement aussi clairement maîtrisées. Des phénomènes épizootiques ont affecté massivement les élevages et parcs à huîtres triploïdes, notamment l'herpès virus du mollusque et la bactérie vibrio aestuarianus. En outre, certaines huîtres triploïdes manifestent des signes de développement de capacités reproductrices qui reposent très clairement la question de leur élevage en milieu naturel. Il s'agirait là ni plus ni moins d'une pollution aux conséquences pour le moins hasardeuses. Selon les estimations, les huîtres triploïdes représentent plus un tiers de l'élevage d'huîtres en France. S'agissant d'un phénomène massif, et en l'absence d'une réglementation européenne, M. le député invite au déploiement, dans l'intérêt de l'information des consommateurs, d'un étiquetage des lots d'huîtres issues de manipulations chromosomiques. Il souhaite connaître ses intentions dans ce domaine, ainsi que toute autre initiative visant à évaluer les risques sanitaires de pollution que fait potentiellement courir la poursuite de l'élevage de ces huîtres.

Texte de la réponse

Les huîtres triploïdes sont issues d'une technique d'induction polyploïde. Elles possèdent les mêmes gènes non modifiés que les huîtres diploïdes. Elles disposent seulement d'une copie supplémentaire de chaque gène. Juridiquement, la Directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement, a précisé que cette technique d'induction polyploïde n'est pas considérée comme entraînant une modification génétique. Les huîtres triploïdes ne sont donc pas des OGM. En outre, même si cela est rare et aléatoire, le passage de l'état diploïde à l'état triploïde peut se faire par un phénomène naturel lors de la reproduction. L'élevage des huîtres triploïdes a l'intérêt pour les exploitations conchylicoles de pouvoir, en complément des huîtres de captage, augmenter leur stock et sécuriser leur activité économique. Les huîtres triploïdes, qualifiées d'huîtres des « quatre saisons » ont une croissance plus rapide et ininterrompue en été, ce qui réduit la période d'élevage et donc les risques de pertes. Elles répondent en outre à la demande des consommateurs de disposer, tout au long de l'année, d'un produit homogène, sans laitance et donc davantage apprécié du point de vue gustatif. Concernant les possibilités de reproduction des huîtres triploïdes dans le milieu naturel ou leur impact supposé sur la biodiversité ou sur les phénomènes de surmortalités constatées depuis 2008, l'État a mobilisé la recherche scientifique. Le rapport du 14 avril 2017 de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques indique qu'aucune étude appuyée sur des arguments scientifiques ne corrobore l'idée que les huîtres triploïdes pourraient se reproduire et coloniser le milieu marin. Des tests menés à plusieurs reprises par l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer démontrent l'incapacité des huîtres triploïdes à réaliser des pontes naturelles. Le rapport précise par ailleurs qu'il n'a pas été établi, de façon scientifiquement prouvée, de relation de causalité entre l'élevage des huîtres triploïdes en écloseries et l'apparition de surmortalités. Concernant l'étiquetage, s'il est nécessaire de répondre aux attentes des consommateurs d'huîtres, de les éclairer et de bien les informer sur les produits qu'ils consomment, le sujet de l'étiquetage nécessite d'être porté par la filière dans son ensemble. C'est pourquoi les discussions et consultations de l'ensemble des parties prenantes sont actuellement menées par l'interprofession conchylicole, et l'objectif partagé est bien d'encourager la mise en place d'un étiquetage volontaire, qui pourrait le cas échéant mettre en avant la traçabilité, et en particulier l'origine géographique du naissain et la zone d'élevage.