Vente d'armes à l'Arabie Saoudite
Question de :
M. Christophe Bouillon
Seine-Maritime (5e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Christophe Bouillon interroge Mme la ministre des armées au sujet des ventes d'armes françaises dans les pays où elles peuvent être utilisées contre les civils. La France a pris la décision d'interrompre les exportations d'armes vers la Turquie eu égard au conflit engagé dans le nord de la Syrie. Toutefois, la vente d'armes françaises à certains pays aux méthodes controversées, notamment l'Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, se poursuit. Pourtant, plusieurs éléments semblent concourir au fort soupçon de l'usage d'armes françaises par le régime saoudien et ses alliés contre les populations civiles, premières victimes du conflit engagé au Yémen, depuis 2015, et qualifié de « pire crise humanitaire du monde » par l'ONU. En octobre 2018, le conflit yéménite a conduit l'Allemagne à geler les exportations d'armes vers l'Arabie Saoudite ; en juin 2019, la Grande-Bretagne l'a imitée. Il lui demande donc la suspension des transferts d'armes en direction des pays de la coalition dirigée par l'Arabie Saoudite. Il lui demande également que les moyens du contrôle du Gouvernement exercé par les parlementaires puissent se faire sur la base de rapports sur les contrats d'armement plus transparents.
Réponse publiée le 9 juin 2020
S'agissant de la Turquie, lors de la réunion du Conseil du 14 octobre 2019, les ministres des affaires étrangères des États membres de l'Union européenne ont débattu de l'action militaire menée par la Turquie dans le nord-est de la Syrie et ont adopté plusieurs conclusions. Parmi celles-ci figure l'engagement pris par les États membres « en faveur de positions nationales fortes en ce qui concerne leur politique d'exportation d'armements vers la Turquie, en se fondant sur la disposition de la position commune 2008/944/PESC concernant le contrôle des exportations d'armements, y compris l'application stricte du quatrième critère, relatif à la stabilité régionale. ». La France de son côté avait décidé, dès le 12 octobre, l'adoption de mesures restrictives concernant l'exportation d'armement pouvant être utilisé par la Turquie dans son offensive, en suspendant près de 500 licences en cours de validité, mais également en refusant les licences à venir. S'agissant de la guerre au Yémen, il convient de rappeler que l'Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis sont contraints de défendre leurs territoires, face à des agressions territoriales, et contre leur population civile. Ces agressions peuvent provenir du Yémen, ou d'ailleurs, comme l'ont montré les attaques iraniennes contre un site pétrolier majeur en Arabie, et le minage de plusieurs navires au large des Emirats. Dans ce contexte, ces deux pays bénéficient du soutien d'autres partenaires occidentaux dans leur combat contre le terrorisme et pour assurer leur propre sécurité. Il apparaît donc tout à fait légitime d'autoriser certaines exportations et de considérer, le cas échéant, des mesures de remédiation des risques d'utilisation inappropriée, conformément aux règles et aux principes fixés par le droit international applicable. La France est ainsi particulièrement vigilante sur les risques de détournement, vers des tiers, des armes exportées, et ceux liés à l'emploi d'armements à l'encontre des populations civiles ou dans des conditions contraires au droit international humanitaire. D'une manière générale, une attention particulière est portée sur l'ensemble des risques et de leurs conséquences potentiellement négatives, à l'occasion de toute demande d'autorisation d'exportation d'armes, et ce, en conformité avec les engagements internationaux de la France. Cette instruction repose sur une analyse au cas par cas systématique des demandes de licence. Une étude est en effet conduite pour chaque type d'équipement, sur la base de critères renforcés, dans le respect du droit international humanitaire. Seules sont accordées les demandes relatives à la satisfaction des besoins légitimes des pays concernés, et ne contrevenant pas aux engagements internationaux de la France, dont la position commune 2008/944/PESC, adoptée par le Conseil de l'Union européenne le 8 décembre 2008, qui définit des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologies et d'équipements militaires, ainsi que le Traité sur le commerce des armes (TCA) entré en vigueur le 24 décembre 2014. La délivrance des autorisations d'exportation prend ainsi en compte un ensemble de considérations s'inscrivant dans le respect de nos engagements internationaux et celui des embargos sur les armes imposées par les organisations internationales. Elle prend également en compte les enjeux de stabilité et de sécurité régionales ou internationales, pour la protection de nos forces, ainsi que celles de nos alliés. Enfin, le rapport annuel sur les exportations d'armement, qui est transmis aux membres du Parlement depuis le début des années 2000, présente, dans les faits, la politique de contrôle des exportations mise en œuvre par le Gouvernement, pour chaque pays destinataire, et pour chaque catégorie de matériel considéré. Ce rapport détaille en particulier les autorisations délivrées, les prises de commande, les principaux contrats, ainsi que les livraisons effectuées. Cet exercice de transparence de l'action gouvernementale vis-à-vis de la représentation nationale permet donc au contrôle parlementaire de s'exercer a posteriori, notamment dans le cadre du débat en Commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, à l'occasion de la présentation de ce rapport.
Auteur : M. Christophe Bouillon
Type de question : Question écrite
Rubrique : Armes
Ministère interrogé : Armées
Ministère répondant : Armées
Dates :
Question publiée le 26 novembre 2019
Réponse publiée le 9 juin 2020