Sureté des centrales nucléaires
Publication de la réponse au Journal Officiel du 10 avril 2018, page 3069
Question de :
M. Jean-Luc Mélenchon
Bouches-du-Rhône (4e circonscription) - La France insoumise
M. Jean-Luc Mélenchon attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la sûreté des centrales nucléaires présentes sur le territoire français. Le 10 octobre 2017, l'association Greenpeace a remis à sept fonctionnaires en charge de la sécurité des centrales nucléaires un rapport d'experts indépendants. Ce rapport met en relief la menace qui pèse sur les piscines d'entreposage des combustibles usés. C'est la partie de la centrale dans laquelle passe le combustible nucléaire après avoir été exploité dans le cœur du réacteur. Ces piscines peuvent contenir jusqu'à deux à trois fois plus de matériau radioactif que le cœur lui-même. Or il apparaît qu'elles ne sont pas aussi protégées et donc vulnérables à de possibles attaques. Ce n'est pas la première fois qu'apparaissent des failles dans la sureté nucléaire qui pourraient mettre en danger les populations. En avril 2014, un incendie a conduit à la mise à l'arrêt d'un réacteur dans la centrale de Fessenheim. Au printemps 2015, un défaut était découvert dans la cuve de l'EPR de Flamanville. À l'hiver 2016-2017, pas moins de 20 réacteurs ont dû être mis momentanément à l'arrêt pour effectuer des vérifications. C'est à cette période que Pierre-Franck Chevet, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) déclarait dans la presse qu'il jugeait la situation des centrales françaises « préoccupante ». L'ASN indique qu'une centaine d'incidents se produisent chaque année dans les centrales françaises. Il souhaite l'interroger sur les mesures que le Gouvernement compte prendre pour améliorer la sécurité des populations face au risque nucléaire. Par ailleurs, il lui demande si sa volonté que 17 réacteurs soient fermés pendant le mandat est confirmée.
Réponse publiée le 10 avril 2018
La question posée aborde 2 problématiques. L'une concerne la sûreté des installations nucléaires, c'est-à-dire la prévention des accidents d'origine naturelle ou technologique, dont le contrôle a été confié à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). L'autre concerne la sécurité nucléaire, à savoir la protection des installations nucléaires contre la malveillance, notamment le terrorisme, qui est une question régalienne qui reste du ressort du Gouvernement. La sûreté nucléaire, prévention des accidents d'origine naturelle ou technologique, est une priorité absolue du Gouvernement. L'ASN, créée par la loi no 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (TSN), est une autorité administrative indépendante assurant, au nom de l'État, les missions de contrôle en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. L'ASN est ainsi chargée de vérifier le respect des règles et des prescriptions auxquelles sont soumises les installations ou activités qu'elle contrôle, et peut également prendre des sanctions administratives. Le renforcement de la sûreté des installations nucléaires, préoccupation majeure des opérateurs, repose notamment sur un réexamen de sûreté qui a lieu tous les 10 ans sous le contrôle de l'ASN et permet de s'assurer qu'elles sont conformes aux exigences qui leur sont applicables. Il vise également à procéder à des améliorations afin que la sûreté soit rehaussée au niveau des standards les plus récents. De plus, à la suite de la catastrophe survenue au Japon et ses conséquences sur la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, sur demande du Gouvernement, des « évaluations complémentaires de sûreté » (ECS) ont été réalisées sur l'ensemble des installations nucléaires françaises destinées à évaluer la robustesse des installations nucléaires françaises vis-à-vis de situations extrêmes. Le 3 janvier 2012, l'ASN a remis son rapport au Premier ministre. Elle a estimé que le niveau de sûreté des installations nucléaires de base (INB) examinées ne nécessitait l'arrêt immédiat d'aucune d'entre elles. Elle a toutefois jugé nécessaire d'augmenter, au-delà des marges de sûreté actuelles, leur robustesse face à des situations extrêmes liées à des phénomènes naturels d'ampleur exceptionnelle et à des situations graves de type perte prolongée des sources électriques ou de refroidissement. Par décision du 21 janvier 2014, l'ASN a ainsi fixé des prescriptions complémentaires à EDF relatives à la conception et à la mise en place d'un « noyau dur » visant à prévenir un accident avec fusion du combustible ou à en limiter la progression, notamment en cas d'agressions climatiques extrêmes. Il est prévu que ce « noyau dur », soit totalement déployé dans le cadre des quatrièmes réexamens de sûreté des réacteurs de 900 MWe, dont le premier concerne le réacteur no 1 de la centrale du Tricastin en 2019. Parmi les travaux déjà réalisés, figurent : - la mise en place de la force d'action rapide nucléaire (FARN), composée de moyens matériels et humains permettant de secourir un réacteur accidenté en eau et en électricité ; - des groupes électrogènes diesel d'ultime secours de moyenne puissance, 1 par réacteur, dans l'attente des futurs diesels du noyau dur. Le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire suit avec beaucoup d'attention le déploiement de ces mesures. Concernant l'anomalie de la composition en carbone de l'acier dans certaines zones du couvercle et du fond de la cuve du réacteur pressurisé européen (EPR) Flamanville 3, il s'agit d'un sujet technique pointu. C'est l'ASN qui a la charge d'instruire le dossier de la conformité de la cuve du nouveau réacteur EPR à la réglementation des équipements sous pression. Elle s'appuie, pour ce faire, sur l'expertise technique de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Le Gouvernement veille à ce que ces institutions disposent des moyens d'assurer leurs missions et leurs responsabilités. L'instruction réalisée a fait l'objet d'un processus transparent. Le Gouvernement a été particulièrement attentif à la rigueur de l'instruction et à l'information relative à celle-ci. Le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) a ainsi remis un rapport à ce sujet au Gouvernement en juin 2017. Framatome (anciennement Areva NP) a mené des essais pendant plusieurs années sur des couvercles et des fonds de cuve analogues à ceux du réacteur EPR de Flamanville 3. Trois calottes sacrificielles ont été utilisées. Plus de 1 700 échantillons en ont été prélevés et expertisés. Le dossier s'est également appuyé sur des contrôles complémentaires sur les 2 calottes de Flamanville 3, contrôles non destructifs par ultrasons ou par magnétoscopie, ainsi que sur des calculs. Après avis des experts indépendants de l'IRSN et du groupe permanent relatif aux équipements sous pression nucléaires, l'ASN a conclu que :- l'anomalie rencontrée ne remettait pas en cause l'aptitude au service des composants concernés, - le fond de cuve devra faire l'objet de contrôles périodiques, - le couvercle devra être remplacé à l'horizon de 2024. Les contrôles complémentaires périodiques visant à s'assurer de l'absence d'apparition de défaut préjudiciable et le programme de suivi du vieillissement thermique ont été demandés par l'ASN pour garantir que la démonstration apportée par Framatome reste valide dans le temps. La demande de remplacement du couvercle s'inscrit dans une démarche de défense en profondeur. Il revient à l'ASN, autorité compétente en application de l'article R. 557-1-2 du code de l'environnement, de statuer sur la dérogation prévue à l'article 9 de l'arrêté du 30 décembre 2015 relatif aux équipements sous pression nucléaires. La détection de cette anomalie a, par ailleurs, conduit l'ASN à demander à Framatome et EDF de tirer l'ensemble du retour d'expérience de cet évènement. Trois processus sont en cours :- la recherche, sur d'autres composants des réacteurs d'EDF, d'anomalies techniques similaires à celle détectée sur la cuve de l'EPR de Flamanville. Cette recherche a conduit EDF à identifier des anomalies similaires sur des générateurs de vapeur équipant 18 réacteurs de 900 ou 1 450 MWe. Les résultats des contrôles prescrits par l'ASN suite à cette identification et les justifications apportées par EDF sur l'aptitude au service de ces générateurs de vapeur ont conduit l'ASN à autoriser leur redémarrage ; - des revues de la qualité des pièces fabriquées par le passé dans les usines de fabrication d'Areva NP qui ont permis de détecter des irrégularités dans les dossiers de fabrication de Creusot Forge. Ces revues se poursuivront jusqu'au 31 décembre 2018. À ce jour, le réacteur de Fessenheim 2 est maintenu à l'arrêt à la suite de la découverte d'irrégularités notables sur un de ses générateurs de vapeur ; - le lancement de réflexions sur la surveillance réalisée par les exploitants d'installations nucléaires de base sur leurs prestataires et sous-traitants, le contrôle effectué par l'ASN et les mécanismes d'alerte. De plus amples informations sont disponibles sur le site Internet de l'ASN à l'adresse : https://www.asn.fr/Informer/Dossiers-pedagogiques/Anomalies-de-la-cuve-de-l-EPR-et-irregularites-usine-Creusot-Forge-de-Framatome. Le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire a toute confiance dans l'action de l'ASN et reste attentif à la complète mise en application de ces améliorations dans le domaine de la sûreté nucléaire. Par ailleurs, en l'espèce, le Gouvernement se prononcera sur une autorisation d'exploitation en application de l'article L. 311-1 du code de l'énergie et non une dérogation d'exploitation. Concernant la sécurité nucléaire, prévention contre la malveillance et le terrorisme, le Gouvernement prend toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des Français contre la menace d'une attaque, notamment terroriste. Au titre de cette mission, régalienne par définition, le Gouvernement s'assure de la protection des installations nucléaires. Cette protection est assurée d'une part, par des mesures générales prises pour la protection des populations, d'autre part, par des mesures spécifiques prises pour tenir compte des enjeux présentés par ces installations, sous la responsabilité du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. D'une façon générale, la protection contre les menaces passe, tout d'abord, par le renseignement et la lutte contre le terrorisme. C'est l'objet de la loi qui a été promulguée par le Président de la République le 31 octobre 2017 pour renforcer la sécurité intérieure et lutter plus efficacement contre le terrorisme. Cette loi a vocation à bénéficier à tous les secteurs d'activité en renforçant la capacité de l'État à anticiper et prévenir les actes de terrorisme. De façon plus spécifique, les installations nucléaires font l'objet de mesures de protection dédiées définies par la loi et précisées dans le code de la défense. Ces mesures, qui sont à la charge des exploitants nucléaires, sont mises en œuvre sous le contrôle du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Le service du Haut fonctionnaire de défense et de sécurité travaille ainsi au quotidien avec les services du Premier ministre et ceux du ministre de l'intérieur pour renforcer la protection des installations nucléaires. Il s'assure de la mise en place des mesures et moyens de protection adaptés sur les installations nucléaires et en contrôle l'efficacité. Ces derniers peuvent prévoir des dispositions matérielles : renforcement de structures, d'équipements, mise en place de barrières, de caméras de surveillance… ou la présence de forces de réponse armées sur les sites nucléaires : c'est le cas, par exemple, des pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie sur les centrales nucléaires. Les dispositions prises pour la protection des sites nucléaires relèvent du secret de la défense nationale afin de garantir leur efficacité face aux acteurs malveillants ou terroristes. Certaines dispositions sont visibles et permettent, notamment, de dissuader d'éventuels acteurs malveillants, c'est le cas de la présence de gardes par exemple, d'autres sont plus discrètes et ne doivent pas être portées à la connaissance d'acteurs qui n'ont pas le besoin d'en connaître. Enfin, il convient de noter que le Gouvernement a récemment affecté des ressources supplémentaires pour compléter le dispositif existant avec la création du commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire (CoSSeN), un service dédié placé sous l'autorité du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'énergie. Ses missions sont notamment d'améliorer la centralisation du renseignement et la coordination des forces de réponse de l'État pour les besoins de la protection des installations nucléaires.
Auteur : M. Jean-Luc Mélenchon
Type de question : Question écrite
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 29 janvier 2018
Dates :
Question publiée le 31 octobre 2017
Réponse publiée le 10 avril 2018