15ème législature

Question N° 248
de M. Thierry Michels (La République en Marche - Bas-Rhin )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > droits fondamentaux

Titre > Ouverture d'un bar identitaire à Strasbourg

Question publiée au JO le : 27/03/2018
Réponse publiée au JO le : 04/04/2018 page : 2326

Texte de la question

M. Thierry Michels alerte M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'ouverture de l'Arcadia, antenne locale du Bastion social à Strasbourg. il associe à sa question ses collègues bas-rhinois issus de la majorité présidentielle. Lyon, Chambéry, Aix-en-Provence, Strasbourg. Ces villes ont en commun l'insidieuse montée de l'ultra droite. Sur tout le territoire, des groupuscules d'extrême-droite prolifèrent et s'installent au mépris des lois et des valeurs de la République. Après l'implantation d'un « squat » identitaire à Lyon en mai 2017, c'est à Strasbourg, au cœur de la capitale de l'Europe et symbole de paix, que s'est créé une nouvelle structure dénommée l'Arcadia sous l'égide d'un Bastion qui n'a de social que le nom à travers des maraudes organisées pour porter assistance à des sans-abris, à la seule condition que ceux-ci soient « de race blanche et de souche européenne ». Une ambiance anxiogène a envahi ce quartier de Strasbourg, amenant inquiétude, peur et violence pour tous les habitants, les associations et les parents d'élèves d'une école élémentaire située juste de l'autre côté de la route. Ainsi, les victimes se multiplient et attendent une réponse rapide des pouvoirs publics. Le 22 janvier 2018, l'unanimité du conseil municipal de Strasbourg a voté une motion contre la présence de l'Arcadia sur le territoire de la ville, témoin du consensus républicain face à ce fléau. Le maire a saisi le préfet, se faisant la voix de l'ensemble des groupes politiques du conseil, à l'exception du Front national, preuve s'il en est de la collusion qui demeure entre ces mouvances identitaires et le parti du Front national. Néanmoins, l'actualité a montré que lorsque l'on démantèle une structure de ce genre, d'autres voient le jour à quelques encablures comme ce fut le cas à Lyon. Au regard de la situation, quelles réponses le Gouvernement est-il en mesure d'apporter à ce problème qui, si on le laisse perdurer, menace l'ordre public et la sérénité de toute une ville. À l'instar de Dominique de Villepin qui, alors ministre de de l'intérieur, a obtenu la dissolution de l'Elsass Korps en 2005, il lui demande s'il serait possible d'envisager une telle mesure au regard des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.

Texte de la réponse

OUVERTURE D'UN BAR IDENTITAIRE À STRASBOURG


M. le président. La parole est à M. Thierry Michels, pour exposer sa question, n°  248, relative à l’ouverture d'un bar identitaire à Strasbourg.

M. Thierry Michels. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'Intérieur, et j'y associe mes collègues bas-rhinois de la majorité présidentielle et tous les parlementaires touchés par un fléau croissant… Lyon, Chambéry, Aix-En-Provence, Strasbourg, Marseille : ces villes ont en commun l'insidieuse montée de l'ultra-droite. Sur tout le territoire, des groupuscules prolifèrent et s'installent au mépris des lois et des valeurs de la République. Après l'implantation d'un squat identitaire à Lyon en mai 2017, c'est à Strasbourg, au cœur d'une ville symbole de paix, capitale de l'Europe, que s'est créé l'Arcadia, sous l'égide d'un bastion qui n'a de social que le nom puisqu'il entend porter assistance à des sans-abri, mais à la seule condition que ceux-ci soient, selon son expression, « de race blanche et de souche européenne ».

Les habitants, les associations et les parents d'élèves des écoles du quartier concerné ont peur. Dernier événement en date : le jeudi 30 mars, des membres du Bastion social ont agressé lycéens et étudiants sur le campus de l'université de Strasbourg. Je rappelle que le 22 janvier dernier, le conseil municipal de Strasbourg a voté à l'unanimité une motion contre la présence de l'Arcadia sur le territoire de la ville, à l'exception notable du Front National qui s'est abstenu – preuve de la collusion qui demeure entre ce parti et ces mouvances identitaires. Le colonel Arnaud Beltrame, lui, n'a pas regardé la couleur de la peau ou l'origine de l'otage avant de prendre sa place et de donner sa vie pour la République. L'assassinat barbare dont a été victime Mme Mireille Knoll nous démontre que nous devons agir !

À l'instar de M. Dominique de Villepin, alors ministre de l'intérieur, qui avait obtenu la dissolution de l'Elsass Korps en 2005, est-il possible d'envisager une telle mesure au regard des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ? De quels moyens dispose le Gouvernement pour lutter contre la discrimination, la haine et la xénophobie qui menacent l'ordre public et notre république ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, vous appelez mon attention sur l'ouverture à Strasbourg d'une antenne locale affiliée au Bastion social, dénommée l'Arcadia.

Au préalable je précise que – contrairement à ce qui s'était passé à Lyon, où le Bastion social squattait illégalement un bâtiment – ce mouvement occupe son local strasbourgeois de manière légale.

Cela étant, nos services exercent une vigilance particulière à l'égard du respect des réglementations en vigueur, notamment celles encadrant les établissements recevant du public. Le local de cette association a ainsi fait l'objet, le 1er février 2018, d'un contrôle par la commission de sécurité.

Je réaffirme que les associations ou groupements de fait qui provoquent à la haine, à la discrimination ou à la violence font l'objet d'une attention tout à fait particulière de mes services. Le Président de la République peut en outre procéder, par décret en conseil des ministres, à la dissolution administrative de ce genre d'associations.

Au regard des atteintes potentielles aux libertés publiques, ces mesures de police administrative sont, bien sûr, fortement encadrées. En effet, la liberté d'association constitue l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Elle a été consacrée par le Conseil constitutionnel dans sa célèbre décision du 16 juillet 1971.

Face à la situation préoccupante que vous avez, monsieur le député, décrite, soyez assuré que j'ai saisi les services compétents du ministère de l'intérieur. Dans l'hypothèse où les conditions se trouveraient effectivement réunies, le Gouvernement pourra en effet engager une procédure de dissolution à l'encontre du Bastion social de Strasbourg.

Vous soulignez également le risque de reconstitution d'associations ayant fait l'objet d'une dissolution administrative. Or l'article 431-15 du code pénal dispose à cet effet que le fait de participer au maintien ou à la reconstitution, ouverte ou déguisée, d'une association ou d'un groupement dissous est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Monsieur le député, le Gouvernement condamne fermement toute atteinte aux valeurs comme aux lois de la République et attache une grande importance à la lutte contre l'extrémisme sous toutes ses formes, qu'il soit le fait d'un individu ou d'une organisation.

Les services du ministère de l'intérieur resteront donc particulièrement vigilants à l'égard des activités du Bastion social et de son antenne de Strasbourg.

M. le président. La parole est à M. Thierry Michels.

M. Thierry Michels. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Effectivement, nous devons rester vigilants sur ce dossier, tout en restant bien conscients de la nécessité de respecter les libertés publiques, et notamment la liberté d'association.

Nous devons l'être également, de manière particulière, à l'égard de ces associations et de ces mouvements qui constituent un facteur de rupture de la cohésion sociale et du bien-être collectif que nous cherchons tous à promouvoir. L'heure nous montre que le combat contre la bête immonde n'est jamais achevé. Je resterai donc en relation avec les services du ministère afin de m'assurer que toute leur vigilance continuera de s'exercer à l'égard de telles associations.