Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires
Question de :
Mme Laurence Vanceunebrock
Allier (2e circonscription) - La République en Marche
Mme Laurence Vanceunebrock attire l'attention de M. le Premier ministre sur les inquiétudes liées à la décision de rattacher la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) au ministère de l'intérieur. Depuis sa création, la MIVILUDES a joué un rôle moteur dans la détection et la lutte contre différentes formes d'emprise et de manipulation qui se renouvellent sans cesse, investissent des domaines nouveaux, et montrent donc que la vigilance en la matière reste absolument nécessaire. La coordination des actions des pouvoirs publics dans la lutte contre les dérives sectaires, jusqu'ici menée par une instance interministérielle, semblait très adaptée aux formes variées de ces dérives. Le caractère multiple des champs d'expansion de ces phénomènes (dans le domaine de la santé, de l'éducation, de la formation professionnelle, ou encore au sein de communautés religieuses établies) requiert la conservation d'une équipe liée aux différentes administrations et services liés à chaque ministère. Par ailleurs, la garantie de neutralité venant d'un service relevant du Premier ministre est très appréciée par les associations d'aides aux victimes de dérives sectaires, comme le Centre contre les manipulations mentales (CCMM). La dimension sécuritaire qui serait donnée par le ministère de l'intérieur et plus particulièrement par le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR) semble infiniment plus réduite que l'impulsion jusqu'ici donnée par un service en capacité d'agir sur de multiples thématiques. Aussi, les associations s'inquiètent de savoir si la confidentialité sera maintenue dans ces nouvelles conditions d'exercice. Le travail qui était mené, parfois portant sur des dérives propres à des communautés réduites et fermées, permettait de mettre en exergue des problématiques sans faire peser de risques sur les victimes qui dénoncent. Cet élément est largement valorisé par les auditions de la mission d'information sur les pratiques prétendant modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne actuellement en cours à l'Assemblée nationale. Ces pratiques, menées par certains médecins mais aussi par des autorités religieuses sont largement méconnues alors qu'elles se produisent dans le pays. La MIVILUDES telle qu'elle existait, avec les moyens supplémentaires attendus et recommandés par la cour des comptes, semble bien être l'instance la plus adaptée pour lutter contre ces tortures, notamment grâce aux informations qu'elle fournit et au traitement des signalements qui lui sont faits. Elle lui demande donc s'il est possible de revenir sur la décision de transférer les missions de la MIVILUDES au ministère de l'intérieur pour garantir tous les éléments cités.
Réponse publiée le 24 décembre 2019
Depuis 2002, la MIVILUDES joue un rôle essentiel d'analyse des phénomènes sectaires et de coordination de l'action préventive et répressive face aux dérives sectaires. Ce rôle est essentiel et le Gouvernement entend le confirmer. Le Gouvernement confirme l'importance accordée à la prévention et à la lutte contre les dérives sectaires, sous toutes leurs formes, et dans les différents secteurs d'activité et de la vie sociale au sein desquels celles-ci peuvent aujourd'hui se manifester : certaines formes religieuses mais aussi, par exemple, des dérives dans les domaines de la santé, de la formation, du développement personnel, etc. Il est possible, à la fois de garder un degré d'ambition inchangé en la matière, et de moderniser l'organisation administrative pour tenir compte des évolutions récentes. Une part de l'activité de la MIVILUDES pose aujourd'hui des questions de synergies et de partage de compétences avec d'autres organismes qui n'existaient pas en 2002, comme par exemple le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG CIPDR). Par ailleurs, la Cour des comptes avait formulé en 2017 des observations sur l'organisation et le fonctionnement de la MIVILUDES. Elle suggérait déjà que le rattachement au ministère de l'intérieur permettrait d'en renforcer le caractère opérationnel. Dans ce contexte, le Gouvernement a décidé de rattacher la MIVILUDES au ministère de l'intérieur. Cette nouvelle organisation est envisagée pour le début de l'année 2020. Ce nouveau rattachement s'explique par 3 raisons principales : - rattachée au ministère de l'intérieur, la MIVILUDES pourra exercer ses missions en pleine articulation avec SG CIPDR : les champs d'intervention de ces deux organismes ne se recouvrent pas totalement mais ils ont pour important point commun la lutte contre les nouvelles formes de radicalité et certains phénomènes d'emprise et d'enfermement ; - le ministère de l'intérieur a, traditionnellement, une vocation d'animation interministérielle dans ses champs de compétences ; cette nouvelle organisation ne compromet pas, au contraire, la bonne prise en compte de la variété des problématiques liées aux dérives sectaires ; - il est de bonne administration que l'action publique relève des ministères : cela permet au Premier ministre et à ses services de se concentrer sur leur rôle d'impulsion, de coordination et d'arbitrage. La nouvelle organisation est donc respectueuse de la répartition des rôles au sein du Gouvernement. Les modalités pratiques de ce nouveau rattachement seront précisées dans les semaines qui viennent. Sur ce sujet, le Gouvernement considère évidemment qu'il n'est pas question de laisser se perdre un bilan de 20 ans d'action publique contre les dérives sectaires : la MIVILUDES continuera d'assurer son travail de recueil des signalements et d'identification de réponses appropriées. La nouvelle organisation préservera la bonne prise en compte de la spécificité des phénomènes sectaires.
Auteur : Mme Laurence Vanceunebrock
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sectes et sociétés secrètes
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Dates :
Question publiée le 3 décembre 2019
Réponse publiée le 24 décembre 2019