Question de : M. François Ruffin
Somme (1re circonscription) - La France insoumise

M. François Ruffin alerte M. le Premier ministre sur la nécessité de compatir à la souffrance des mutilés. Samedi 16 novembre 2019, Manuel, Gilet jaune venu du Nord, intérimaire dans l'automobile, discute place d'Italie avec ses camarades, avec sa femme Séverine, agent hospitalier. D'un coup, Manuel s'effondre. Une grenade lacrymogène lui éclate la tête. Son visage est écrabouillé. Et il en perd l'œil gauche, éborgné à vie. À vie. Mardi 19 novembre 2019, le matin, dans un discours, le chef de l'État condamnait les violences du week-end et les « silences complices ». Mais il ne trouvait pas un mot, pas un mot de compassion, pas un mot de pardon, pas un mot de simple regret, pour Manuel, éborgné à vie. Le mardi après-midi, le Gouvernement est interrogé, et à nouveau, on entend charabia et langue de bois, mais toujours pas un mot, pas un mot de compassion, pas un mot de pardon, pas un mot de simple regret, pour Manuel, éborgné à vie. Comme si, pour M. le Premier ministre, en revêtant l'affreux gilet jaune, on était exclu d'une commune humanité. Comme si on n'appartenait plus au peuple français. Comme si, pour parler comme le préfet de Paris, on n'était plus du même « camp », le camp de la République. Comme si on pouvait les mutiler sans se mutiler soi-même. Depuis un an, on compte 25 éborgnés comme lui, 5 mains arrachées, 316 blessures à la tête. Et pour eux, depuis douze mois, pour eux tous, le Gouvernement n'a eu que des « silences complices ». On n'a pas entendu les mots, les mots de compassion, les mots de pardon, les mots de simple regret, les mots qu'il faut pour réconcilier la France avec elle-même, les mots pour qu'une cicatrice ne déchire pas le pays en deux « camps ». Sur les bancs dans l'hémicycle, on se lève, et sans hésiter, pour des policiers, des gendarmes, pour des pompiers, pour des militaires, et peu importe l'uniforme : ils sont Français. Quand est-ce que le Gouvernement se lèvera pour ces Français en jaune ? Pour ces éborgnés ? Pour ces mutilés ? Juste parce qu'ils sont Français ? Juste parce qu'ils aspirent, comme tous, en une France plus juste ? Aussi il lui demande s'il peut avoir un mot, juste un mot de compassion, un mot de pardon, un mot de simple regret, pour Manuel, éborgné à vie.

Réponse publiée le 3 mars 2020

Le Premier ministre confirme que le Gouvernement est très attaché au respect du droit de manifester, et est tout aussi attaché à ce que les manifestations se déroulent dans des conditions satisfaisantes de sécurité. Il rappelle également que les techniques de maintien de l'ordre mises en œuvre par la police nationale et la gendarmerie nationale obéissent à deux principes cardinaux : la nécessité et la proportionnalité de l'usage de la force. Toute personne qui estimerait que ces principes n'ont pas été respectés, est fondée à saisir l'autorité judiciaire pour que la lumière soit faite. Depuis le 17 novembre 2018, début du mouvement des gilets jaunes, 671 signalements ont été adressés à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et à l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). Au 21 janvier 2020, 360 enquêtes judiciaires ont été confiées à ces deux inspections : 337 à l'IGPN et 23 à l'IGGN. 230 de ces enquêtes judiciaires ont été clôturées et renvoyées à l'autorité judiciaire. L'IGPN a également en charge 53 enquêtes administratives dont 12 sont clôturées tandis que l'IGGN n'a été saisie d'aucune enquête administrative. Le Premier ministre tient enfin à rappeler que policiers et gendarmes sont eux-mêmes trop souvent les victimes de casseurs qui rejoignent les cortèges, non pour manifester pacifiquement, mais pour s'en prendre aux représentants de la force publique. A l'occasion des manifestations de « gilets jaunes », 1 475 policiers et 555 gendarmes ont ainsi été blessés.

Données clés

Auteur : M. François Ruffin

Type de question : Question écrite

Rubrique : État

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Dates :
Question publiée le 10 décembre 2019
Réponse publiée le 3 mars 2020

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