L'avenir du centre expert autisme Limousin
Question de :
Mme Sophie Beaudouin-Hubiere
Haute-Vienne (1re circonscription) - La République en Marche
Mme Sophie Beaudouin-Hubiere appelle l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'avenir du centre expert autisme Limousin. Au moment où la France prépare le quatrième Plan autisme, le rapport de la Cour des comptes indique que, en France, 90 % des enfants de moins de cinq ans atteints d'autisme sont exclus du bénéfice de l'intervention intensive précoce. Cette intervention est reconnue scientifiquement comme une mesure de prévention efficace : elle améliore le pronostic toute au long de la vie. Les conséquences humaines et socio-économiques sont prouvées internationalement. En Haute Vienne, l'État a formalisé en décembre 2014 dans un contrat investissement parcours des engagements pérennes permettant de créer un modèle expérimental en matière d'intervention intensive précoce. À Limoges, un centre expert a rempli la mission de donner à la totalité des enfants de moins de cinq ans atteints d'autisme dans le département le bénéfice de cette intervention. Les résultats sont remarquables : après trois ans de fonctionnement le taux de scolarisation a été multiplié par 3,8 (alors qu'il restait stable dans les départements voisins). Cette expérimentation constitue un modèle et un espoir pour tous les parents français. Ce modèle va être restructuré administrativement. Il s'agit d'étendre l'intervention intensive précoce à la Creuse et à la Corrèze (c'est-à-dire à une population deux fois plus importante). Cette extension avait été prévue dans le contrat investissement parcours du 17 décembre 2014 engageant le financement de l'État pour tout l'ex-Limousin et pour cinq ans. Si l'idée consistant à en faire profiter plus de patients est louable, les moyens pour en assurer un service de qualité ne semblent pas garantis et personne n'en sortira gagnant. Un rapport émis il y a quelques semaines par l'ARS Nouvelle Aquitaine doit servir de base à cette évolution. Il ne répond pas aux questions posées par les parents depuis juin 2017 ni à celles d'une pétition ayant recueilli plus de 11 000 signatures. L'absence de toute précision concernant le nombre d'enfants bénéficiaires et le budget global présidant au nouveau cahier des charges laisse craindre qu'un enfant sur deux ne se trouve exclu de l'intervention précoce sans que l'évaluation en santé et l'évaluation médico-économique prévus dans le contrat ait eu lieu. Elle lui demande si on pourrait alors se servir des effets de cette expérimentation, telle la détection précoce de l'autisme d'un large champ de la population, du suivi au plus près des personnes touchées, afin que l'accompagnement de l'autisme soit désormais véritablement au cœur des enjeux du quinquennat 2017-2022.
Réponse en séance, et publiée le 4 avril 2018
CENTRE EXPERT AUTISME DU LIMOUSIN
M. le président. La parole est à Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, pour exposer sa question, n° 256, relative au centre expert autisme du Limousin.
Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
À l'heure où le Gouvernement se prépare à annoncer le quatrième plan autisme, un rapport de la Cour des comptes indique que, dans notre pays, 90 % des enfants de moins de cinq ans atteints de troubles du spectre de l'autisme – TSA – sont exclus du bénéfice de l'intervention intensive précoce. Or cette intervention est reconnue scientifiquement comme une mesure de prévention efficace : elle améliore le pronostic tout au long de la vie et ses conséquences humaines et socio-économiques sont prouvées.
En Haute-Vienne, l'État a formalisé en 2014, dans un contrat investissement parcours – CIP –, des engagements permettant de créer un modèle expérimental en matière d'intervention intensive précoce. À Limoges, un centre expert a été chargé de faire bénéficier de cette intervention la totalité des enfants du département âgés de moins de cinq ans et atteints de TSA. Les résultats sont remarquables : après trois ans de fonctionnement, le taux de scolarisation a été multiplié par près de quatre. Cette expérimentation représente un modèle et un espoir pour tous les parents français.
Or ce modèle va être restructuré administrativement. Il s'agit d'étendre l'intervention intensive précoce à la Creuse et à la Corrèze. Un rapport émis il y a quelques semaines par l'agence régionale de santé – ARS – de Nouvelle-Aquitaine doit servir de base à cette évolution. Il ne semble toutefois pas de nature à apaiser les inquiétudes qui se sont manifestées ces derniers mois quant à la pérennité du dispositif global, alliant diagnostic et intervention précoce. L'absence de toute précision concernant le budget global afférent au nouveau cahier des charges laisse en effet craindre qu'un certain nombre d'enfants soient privés du bénéfice de l'intervention précoce sans que l'évaluation en santé et l'évaluation médico-économique prévues dans le CIP aient eu lieu.
Quelle assurance le Gouvernement peut-il donner concernant le respect des engagements pris en 2014 vis-à-vis d'un centre qui constitue un pôle d'excellence, dont les résultats pourraient servir de modèle dans le cadre du quatrième plan autisme ? L'engagement à une évaluation médico-économique pluridisciplinaire de l'expérimentation sera-t-il respecté ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je vous prie tout d'abord, madame la députée, de bien vouloir excuser l'absence de Mme Sophie Cluzel, malheureusement retenue ailleurs ce matin et qui m'a demandé de la remplacer.
Au lendemain de la journée internationale de l'autisme, je suis heureuse de vous rassurer, et de rassurer à travers vous l'ensemble des parents concernés du Limousin, sur l'avenir du centre expert autisme en Haute-Vienne, financé à titre expérimental, dans le cadre du plan autisme 2013-2017, par l'ARS du Limousin.
Ce dispositif expérimental a deux fonctions principales. Premièrement, le diagnostic précoce des enfants présentant un trouble du spectre autistique ; deuxièmement, la mise en œuvre des interventions précoces, conformément aux recommandations de bonnes pratiques. Les financements attribués dans le cadre du CIP que vous avez mentionné s'élèvent aujourd'hui à 2,4 millions d'euros.
Comme vous l'indiquez, le dispositif a fait l'objet en 2017 d'une mission d'évaluation et d'appui mise en œuvre par l'ARS de Nouvelle-Aquitaine en concertation avec toutes les parties prenantes et les associations. Cette évaluation était particulièrement nécessaire, l'évaluation médico-économique que vous évoquez, prévue dans le cadre du CIP, n'ayant pas été produite par le centre expert.
La mission a fait part de ses constats et préconisations lors d'une réunion qui a eu lieu le 16 février dernier. Ils n'ont suscité aucun désaccord de fond parmi les participants. Les parents concernés ont été reçus et constamment écoutés par l'ARS de Nouvelle-Aquitaine, et ont pu, à l'issue de la réunion, transmettre par écrit leur contribution. C'est donc une démarche transparente et de co-construction qui a vu le jour par le biais de l'ARS.
Comme vous l'indiquez, il ressort globalement du rapport d'évaluation de l'ARS – qui ne deviendra définitif qu'au cours des prochaines semaines – que les résultats du centre expert sont indéniablement positifs s'agissant de la mise en œuvre des recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé – HAS – et de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médicosociaux, l'ANESM, ainsi que de la qualité du service rendu aux parents et aux enfants.
Le rapport souligne toutefois que des améliorations significatives sont à engager, compte tenu des fragilités relevées dans la gestion du dispositif. Par exemple, les professionnels qui mettent en œuvre les interventions précoces après le diagnostic n'ont pas moins de trois employeurs différents.
De plus, et peut-être surtout, la couverture territoriale du centre est insuffisante. Permettez-moi, madame la députée, de citer quelques chiffres : en 2016, seuls cinquante-sept diagnostics ont été émis par le centre, dont 77 % concernaient des enfants de Haute-Vienne, pour des enfants de moins de six ans, alors que le centre régional a aussi vocation à permettre aux enfants de Creuse et de Corrèze d'accéder au diagnostic précoce.
Par ailleurs, le centre est encore trop replié sur lui-même : il n'a pas pu mettre en œuvre les coopérations attendues avec les autres partenaires financés sur fonds publics.
Enfin, la comparaison, du point de vue du coût de prise en charge, entre le centre et d'autres structures régionales n'est pas favorable au premier : le ratio financier d'un diagnostic par habitant, pour 100 000 habitants âgés de 0 à 29 ans, s'établit à 145 672 euros pour le centre expert du Limousin, soit près de deux fois celui de l'Aquitaine en général, qui est de 75 700 euros.
La performance et l'optimisation du fonctionnement du centre sont donc clairement en jeu. La qualité des prestations ne doit pas nous détourner de la nécessité de garantir l'efficience accrue de ce qui est financé sur fonds publics. Manifestement, ce centre peut et doit faire mieux compte tenu des moyens qui lui sont attribués.
Vous m'interrogiez sur les évolutions à court terme du dispositif expérimental. Je souhaite vous rassurer : il est bien prévu d'en poursuivre la mise en œuvre. Ce dispositif reçoit à ce jour, je le rappelle, un financement très substantiel, mais non pérenne, et l'ARS de Nouvelle-Aquitaine a bien prévu de pérenniser le financement des activités du centre en direction des trois départements de l'ancienne région Limousin. Cette nouvelle sécurisation financière devra permettre des améliorations significatives sur les points que je viens de citer et qui nécessitent un progrès, et favoriser la pleine inscription du centre dans les orientations de la nouvelle stratégie autisme au sein des territoires nationaux.
Auteur : Mme Sophie Beaudouin-Hubiere
Type de question : Question orale
Rubrique : Personnes handicapées
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Personnes handicapées
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 mars 2018