Indemnité de congés payés non pris pour cause de maladie pour un fonctionnaire.
Question de :
M. Alain Bruneel
Nord (16e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Alain Bruneel alerte M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de l'action et des comptes publics, sur les problèmes rencontrés par les fonctionnaires pour obtenir le versement d'une indemnité de congés payés non pris en raison de maladie suivie d'un départ à la retraite. Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit le versement d'une indemnité compensatrice lorsque le fonctionnaire n'a pas pris ses congés annuels. C'est le droit communautaire et notamment une directive européenne du 4 novembre 2003 qui prévoit en son article 7 que la période minimale de congés annuels payés ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. Le droit européen fixant à 20 jours la durée maximale des congés payés par année civile susceptibles d'être indemnisés (CE avis n° 406009 du 26 avril 2017). En conséquence, l'absence des droits à congés payés durant un congé maladie est contraire au droit de l'Union européenne. Une administration ne devrait donc pas pouvoir refuser l'indemnisation des jours de congés annuels qu'un fonctionnaire n'a pu prendre du fait de son placement en congé maladie antérieurement à sa mise à la retraite. Plusieurs situations spécifiques attestent pourtant que c'est actuellement le cas. Dans une réponse à la question écrite n° 21666, le ministère de la fonction publique évoquait « une analyse interministérielle en cours afin de faire évoluer la réglementation sur le sujet ». Trois ans et demi plus tard, force est de constater que le flou juridique demeure et que cela provoque des situations complexes pour les agents qui ne peuvent jouir pleinement de leurs droits à congés dans des situations spécifiques comme celle explicitée ci-dessus. La CJUE a récemment jugé dans son arrêt du 19 novembre 2019 (affaires C-609/17 et C-610/17) que la directive 2003/88 qui fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail ne saurait porter atteinte à la faculté laissée à chaque État membre d'appliquer des dispositions nationales plus favorables à la protection des travailleurs. Au-delà des quatre semaines prévues par la directive, les droits à congé sont régis par le droit national, et il appartient donc dans ce cas aux législations nationales de décider également des conditions d'octroi et d'extinction des jours de congés payés supplémentaire. Dans un tel contexte, il lui demande de lui faire part de l'état des réflexions sur le sujet afin d'avancer vers une clarification de la réglementation en la matière.
Réponse publiée le 10 mars 2020
La réglementation en vigueur dans les trois versants de la fonction publique (décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'État, décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux, décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002 relatif aux congés annuels des agents des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) n'a pas évolué sur la question du droit à report ou, en fin de relation de travail, à indemnisation congés annuels non pris en raison d'absences pour maladie. Néanmoins, en vertu de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne, le droit au congé annuel payé d'un agent pour des raisons de santé ne peut pas être subordonné par un État membre à l'obligation d'avoir accompli un travail effectif (CJUE, C282/10 du 24 janvier 2012, Dominguez, point 30). Dès lors, tout agent en congé maladie continue d'acquérir des droits à congés annuels pendant la période de maladie. Par ailleurs, s'agissant du droit au report ou à indemnité compensatrice de congés non pris en fin de relation de travail, qui s'exerce dans la limite du minimum de quatre semaines prévue par l'article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il résulte du principe de primauté du droit communautaire sur toutes les normes de droit interne (CJCE, 15 juillet 1964, Costa c/Enel), qui s'impose à l'ensemble des autorités nationales, que l'administration chargée d'appliquer les dispositions d'une directive est tenue d'en assurer le plein effet en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition nationale contraire. Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit ni le report ni le versement d'une indemnité compensatrice lorsque le fonctionnaire n'a pas pris ses congés annuels car l'article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail est d'effet direct (CJUE, C-282/10 du 24 janvier 2012, Dominguez, points 33 et 34). Le droit communautaire, par rapport au droit international, est qu'il peut s'imposer directement aux citoyens européens, sans qu'il soit nécessaire pour les Etats membres de le retranscrire par des actes juridiques nationaux. L'arrêt Van Gend en Loos c/ Administration douanière des Pays-Bas du 5 février 1963, a érigé « l'effet direct », en un principe fondamental de l'ordre juridique communautaire. Concernant les jours de congés payés supplémentaires, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé dans son arrêt du 19 novembre 2019 (CJUE, C 609/17 et C 610/17), que les États membres qui décident d'octroyer aux travailleurs des droits à congé annuel payé allant au-delà de ladite période minimale de quatre semaines, « demeurent notamment libres d'accorder ou non un droit à une indemnité financière, au travailleur partant à la retraite, lorsque ce dernier n'a pu bénéficier des droits à congé excédant ainsi ladite période minimale, en raison du fait qu'il n'a pas exercé ses fonctions pour cause de maladie, et, si tel est le cas, de fixer les conditions d'un tel octroi éventuel » (point 38). La Cour ajoute qu'il demeure également « loisible aux États membres de prévoir ou non un droit de report des jours de congé annuel payé excédant la période minimale de quatre semaines » (point 39).
Auteur : M. Alain Bruneel
Type de question : Question écrite
Rubrique : Fonctionnaires et agents publics
Ministère interrogé : Action et comptes publics (M. le SE auprès du ministre)
Ministère répondant : Action et comptes publics (M. le SE auprès du ministre)
Dates :
Question publiée le 7 janvier 2020
Réponse publiée le 10 mars 2020