15ème législature

Question N° 25744
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Armées

Rubrique > armes

Titre > La responsabilité des décideurs d'exportation d'armes

Question publiée au JO le : 14/01/2020 page : 139
Réponse publiée au JO le : 09/06/2020 page : 4031
Date de changement d'attribution: 28/01/2020

Texte de la question

M. André Chassaigne interroge M. le Premier ministre sur la saisine de la Cour pénale internationale pour qu'elle enquête sur la responsabilité des décideurs d'exportation d'armes qui auraient été utilisées pour commettre des crimes de guerre. En effet, malgré les preuves de graves violations commises dans le conflit du Yémen, des États ont exporté des armes à des membres de la coalition qui a bombardé des écoles, des maisons et des hôpitaux. Certaines exportations auraient aussi pu être réalisées en violation flagrante du traité international sur le commerce des armes et des normes nationales et européennes. Dans ce contexte, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont demandé à la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) de diligenter des enquêtes sur le rôle qu'ont pu jouer des dirigeants d'entreprises de l'industrie de l'armement et les autorités gouvernementales en charge de délivrer les autorisations d'exportation. Ceux-ci pourraient être poursuivis pénalement pour violations du droit international et par leur implication dans la réalisation des crimes de guerre constatés. La CPI est compétente pour les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre commis sur tout territoire relevant de la juridiction d'un État partie ou par leurs ressortissants, quel que soit l'endroit où ces crimes ont été commis. Une telle enquête de la CPI constituerait une avancée historique à laquelle doit s'associer le Gouvernement français qui a toujours considéré que ses exportations d'armes respectaient le droit international en contrôlant strictement l'attribution des licences d'exportation. Elle lui demande de soutenir l'action des organisations non gouvernementales auprès de la Cour pénale internationale et de transmettre toutes les informations utiles à l'enquête qui pourrait être diligentée.

Texte de la réponse

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), auquel la France est Partie depuis l'origine, définit précisément les conditions de saisine de la Cour. Ainsi, seuls les Etats Parties au Statut de Rome, de même que le Conseil de sécurité, sur le fondement d'une résolution placée sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies, peuvent déférer au Procureur une situation dans laquelle des crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis. Si les organisations non gouvernementales (ONG) n'ont, en vertu du Statut de Rome, aucun pouvoir de saisine du Procureur, dans la pratique, elles ont pour habitude de lui transmettre des milliers de communications pour son information. C'est dans ce contexte que s'inscrit la transmission rendue publique par certaines ONG d'éléments d'information au Procureur de la Cour, l'invitant à enquêter sur la responsabilité supposée de décideurs d'exportations d'armes qui auraient été utilisées pour perpétrer des crimes relevant de la compétence de la CPI. Dans ce cadre, le Procureur peut ouvrir une enquête, de sa propre initiative, après avoir obtenu l'autorisation de la chambre préliminaire. A cette fin, il lui appartient d'identifier en toute indépendance s'il existe une « base raisonnable » pour ouvrir une enquête, en vérifiant notamment la compétence de la Cour, en évaluant la gravité des crimes, l'existence éventuelle de poursuites à l'échelle nationale ou encore les intérêts de la justice. En l'espèce, les autorités françaises ne disposent d'aucun élément sur l'évaluation par le Procureur des éléments transmis au regard des critères précités. La France apporte depuis son origine un soutien constant à la CPI, notamment en termes politiques afin de lutter contre l'impunité partout dans le monde, mais également en termes de coopération judiciaire pour faciliter les enquêtes et le déroulement des procès. A cet égard la France occupe l'un des premiers rangs des Etats coopérant dans le respect de la plus stricte confidentialité avec tous les organes de la Cour. En termes financiers, sa contribution annuelle au budget de la Cour dépasse les 12 millions d'euros. Pour autant, comme le rappellent plusieurs stipulations du Statut, la légitimité et la crédibilité de la Cour sur la scène internationale impliquent une parfaite indépendance de ses organes et une impartialité des décisions rendues, sur lesquelles il n'appartient à aucun Etat Partie d'influer.