15ème législature

Question N° 26051
de M. Frédéric Reiss (Les Républicains - Bas-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Multiplication des suicides professions agricoles

Question publiée au JO le : 28/01/2020 page : 515
Réponse publiée au JO le : 31/03/2020 page : 2480

Texte de la question

M. Frédéric Reiss interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la multiplication des suicides dans la profession agricole. Depuis quelques années, les cas de suicide parmi les agriculteurs se multiplient. La profession a vu le contexte évoluer très rapidement avec de nouvelles demandes de la population en matière de consommation (filière biologique, tendance végétarienne puis végan, etc.) mais aussi de respect de l'environnement (réduction des pesticides, conditions d'élevage, attention à la préservation de la faune et la flore, etc.). En parallèle, malgré les aides européennes, la volatilité des cours mondiaux des céréales, viandes et produits alimentaires impacte de façon directe les revenus des exploitations avec surtout une forte réduction de la lisibilité à moyen et long terme, limitant les investissements. D'un point de vue sociétal, de nombreuses exploitations ne sont plus gérées par une famille, transposant la charge de l'entreprise sur une personne seule. Le nombre élevé de petites et moyennes exploitations a pour conséquence un isolement croissant des intéressés dans un contexte économique peu favorable, ce qui peut expliquer en partie le phénomène. Les partenaires du monde agricole, la Mutualité sociale agricole (MSA) en tête mais également les syndicats et autres organismes de coopération, apportent des solutions pour rompre l'isolement et accompagner les agriculteurs en cas de difficulté sur le plan personnel, humain et financier. Au-delà de ces actions, il souhaite connaître sa position sur le sujet et les mesures de prévention qui sont envisagées pour lutter contre ce phénomène. Afin de soutenir l'action de la MSA en la matière, il souhaite savoir si des financements spécifiques peuvent être débloqués en la matière.

Texte de la réponse

L'identification et l'accompagnement des exploitants et des salariés en difficulté constituent un sujet de préoccupation essentiel pour les services du ministère chargé de l'agriculture, dont les enjeux s'inscrivent dans la politique de santé au travail qui mobilise également tous les services de l'État, les partenaires sociaux, la sécurité sociale, les organismes et acteurs de la prévention et notamment la mutualité sociale agricole (MSA). Dès 2011, la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) a été chargée d'élaborer et mettre en œuvre un programme national d'actions afin de recueillir des données chiffrées sur la réalité du suicide chez les exploitants et les salariés agricoles et afin de répondre aux alertes de détresse et procurer aux personnes concernées un accompagnement, une orientation, voire un suivi. Ce programme d'actions a été mené grâce à un large partenariat avec l'agence santé publique France, les associations d'écoutants via la mise en place d'un service Agri'écoute fonctionnant sept jours sur sept et avec les agences régionales de santé pour la mise en place de cellules pluridisciplinaires de prévention afin de repérer, d'accompagner et d'orienter les agriculteurs en difficulté. Il a été intégré dans le plan gouvernemental de lutte contre le suicide et la feuille de route santé mentale et psychiatrie. Sur le plan social, le dispositif d'aide au répit pour les exploitants agricoles en situation de burnout ou d'épuisement professionnel, a été créé dans le cadre du pacte gouvernemental de solidarité du 4 octobre 2016. Une enveloppe exceptionnelle de quatre millions d'euros a été allouée, dès 2017, à la CCMSA pour financer, en complément des crédits d'action sanitaire et sociale traditionnels, le coût du remplacement des exploitants agricoles victimes d'épuisement professionnel. L'évaluation de ces aides, menée en 2018, a permis de les consolider et de les renforcer. Elles resteront inscrites dans le programme d'actions du fonds d'action sanitaire et sociale des caisses de MSA en 2019 et 2020. Par ailleurs, le troisième plan santé au travail (PST 3) 2016-2020 a eu pour ambition de renouveler profondément la politique visant à la préservation de la santé physique et mentale des travailleurs. Ce plan donne la priorité à la prévention en se tournant résolument vers une approche positive du travail, facteur de santé. Il a notamment permis de mettre à disposition des employeurs un certain nombre d'outils d'aide à la démarche d'évaluation des risques psychosociaux et des suicides dans les entreprises et en lien avec les institutions représentatives du personnel. De plus, en partenariat avec l'observatoire national du suicide, il s'est également attaché à renforcer les connaissances en sciences humaines et sociales sur les conséquences sur la santé mentale des transformations des conditions et d'organisation du travail, des nouveaux modes de management, des nouvelles formes d'emploi, des emplois précaires et du chômage, ainsi que sur les dispositifs pour prévenir, rétablir ou réparer les atteintes à la santé mentale des actifs. Dans le cadre de cet appel à projets de recherche lancé en mai 2019, un projet spécifique au secteur agricole sur les mutations du rapport au travail dans le processus de modernisation agricole, porté par l'université de Picardie, a été retenu pour l'année 2020. Sur le plan économique, une instruction technique, adressée aux préfets de département fin décembre 2017, instaure un partenariat plus étroit entre les chambres d'agriculture et les services économiques des services déconcentrés du ministère de l'agriculture et de l'alimentation pour favoriser la prise en charge le plus en amont possible des situations difficiles et proposer un audit économique aux chefs d'entreprises. Les signaux d'alerte sont recueillis par un réseau de sentinelles et discutés au sein d'une cellule d'identification et d'accompagnement des agriculteurs en difficulté. Ainsi, sous réserve d'acceptation de l'exploitant, un audit global de l'exploitation agricole peut être réalisé afin d'établir un bilan de la situation technique, économique, financière et sociale de l'exploitation, de proposer un plan d'actions permettant de répondre aux difficultés recensées dans le bilan en concertation avec l'agriculteur et d'orienter le cas échéant l'agriculteur vers des dispositifs d'aide. Pour les exploitations du secteur de la production primaire, de type familial, ou n'employant pas plus de 10 salariés rencontrant des difficultés financières structurelles, il peut leur être proposé une aide à la relance des exploitations agricoles qui vise à faciliter le retour à la viabilité de celles-ci. Ces aides permettant la réalisation d'audit, la prise en charge d'intérêts et du surcoût induit par une restructuration bancaire dans le cadre du plan de restructuration et un suivi technico-économique, sont financées pour partie par l'État et, le cas échéant, d'autres financeurs publics. De plus, le réseau Solidarité Paysans, regroupant 35 associations locales, s'est donné pour mission d'accompagner et défendre les agriculteurs et leur famille en difficulté financière afin de lutter contre les exclusions dont ils peuvent être victimes et conforter leur autonomie. Dans la recherche de solutions, ce réseau accompagne les agriculteurs face aux différents créanciers et organismes publics ou privés. Au niveau national, Solidarité paysans apporte les informations et moyens de développement nécessaires pour harmoniser les pratiques d'accompagnement, valoriser et relayer l'action du réseau auprès des instances nationales pour la défense collective des agriculteurs en difficulté. Un dossier complet d'information est consacré au mal-être des paysans. La brochure « Les difficultés en agriculture, parlons-en ! » est déclinée en version web. Elle permet de diffuser une appréhension très fine des situations et de déculpabiliser les agriculteurs confrontés à ces problèmes au cours de leur vie professionnelle. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a également soutenu la mise en place du réseau Agri-Sentinelles, piloté par l'institut de l'élevage qui vise à sensibiliser et outiller les femmes et les hommes volontaires au contact des agriculteurs pour s'impliquer dans la prévention du suicide. Le site internet a été lancé le 16 septembre 2019 : http://www.reseau-agri-sentinelles.fr. Il est conçu comme une boîte à outils à destination des sentinelles. Il contient un catalogue de formations pour monter en compétence sur l'écoute et le repérage des agriculteurs (REPERER), un répertoire des professionnels de l'accompagnement en département ainsi que le descriptif des dispositifs existants (ALERTER), des réponses aux questions des techniciens au contact des agriculteurs en difficulté (AGIR). Régulièrement interpellé par des élus sur le sujet, le ministre a proposé la mise en place d'une mission parlementaire confiée au député Olivier DAMAISIN, afin d'évaluer les dispositifs existants de prévention du suicide et de formuler des pistes d'amélioration. Son objectif sera de recommander les mesures permettant de les amplifier pour éviter le délitement social qui entraîne les suicides ou les tentatives de suicides. La mobilisation de l'ensemble des acteurs au sein des territoires favorise le succès de ces mesures et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation reste particulièrement impliqué.