Taxe sur le numérique et impact sur les filières concernées
Question de :
Mme Barbara Bessot Ballot
Haute-Saône (1re circonscription) - La République en Marche
Mme Barbara Bessot Ballot alerte M. le ministre de l'économie et des finances sur la taxe sur le numérique. Il y a un an, les États-Unis avaient relancé les négociations sur la taxation du numérique au sein de l'OCDE, mais ont posé en décembre 2019 des conditions rejetées par la France, qui a décidé d'imposer, depuis le 1er janvier 2019, une taxe sur les grandes entreprises du numérique (GAFA) à hauteur de 3 % de leur chiffre d'affaires, en attendant l'adoption d'une fiscalité internationale, dans le cadre de l'OCDE. En riposte, en décembre 2019, l'administration Trump a menacé de surtaxer « jusqu'à 100 % » l'équivalent de 2,4 milliards de dollars de produits français, en réponse à l'instauration en France d'une taxe sur les géants du numérique qui frappe en premier lieu les « Gafa » américains (Google, Apple, Facebook et Amazon). Ont notamment été visées plusieurs filières françaises, telles que celle du champagne, plusieurs types de produits laitiers, les sacs à main en cuir, les cosmétiques, mais aussi la vaisselle en porcelaine ou encore les articles de cuisine en fonte. Le 7 janvier 2020, les États-Unis et la France s'étaient donné quinze jours pour trouver un terrain d'entente, aboutir à un accord et permettre la poursuite du travail à l'OCDE sur l'instauration d'une taxation internationale des géants du numérique. La France a fait des propositions aux États-Unis, dont le principe d'une progression par étapes, pour les rallier à l'accord international en cours de négociations à l'OCDE sur la taxation du numérique. Un chemin de compromis semble possible entre les États-Unis et la France sur ce sujet ; ce chemin devrait permettre à chacun d'avancer vers une solution internationale à l'OCDE. Le marché français est prometteur et attractif. On le constate chaque jour dans les territoires. Et à l'heure où les questions autour de l'industrie française du futur sont au cœur des débats sur la compétitivité et l'avenir de l'économie française, la prise en compte de la situation géopolitique dans la vision de l'industrie de demain est incontournable. Au mois de janvier 2020 a eu lieu la grande exposition du fabriqué en France à l'Élysée, pour valoriser l'excellence et la créativité des produits français. Les PME françaises, parties intégrantes de cette excellence économique et industrielle française, font le dynamisme économique des territoires : elles créent des emplois et de la richesse pour le pays. Toutefois, les conséquences économiques potentielles de la taxe annoncée par les États-Unis sont particulièrement importantes, et les filières ciblées sont de nouveau fragilisées. Le Gouvernement a récemment réaffirmé son « soutien total » aux représentants des secteurs menacés par de nouvelles sanctions douanières américaines, en représailles à la taxe « Gafa ». Mais avant même que la taxe soit adoptée, les effets se font ressentir, et certaines centrales d'achat américaines suspendent des décisions d'achat dans l'attente d'y voir plus clair. Mi-janvier 2020, un accord a été trouvé autour d'un cadre global commun entre la France et les États-Unis sur la taxation digitale, et les efforts se poursuivent pour trouver un accord international à l'OCDE sur la taxation des entreprises numériques d'ici fin 2020. Bien que certains obstacles soient temporairement levés, cette situation impacte les performances des filières concernées, et les conséquences pour les entreprises françaises pourraient être extrêmement rapides, nécessitant des décisions urgentes de la part des pouvoirs publics. A l'heure où la menace plane toujours sur une éventuelle mise en application de sanctions américaines, elle l'interroge sur les dispositifs et mesures prévus par le Gouvernement pour soutenir les filières impactées.
Réponse publiée le 8 septembre 2020
Le 2 décembre dernier, le Représentant au Commerce américain avait conclu à l'issue de son enquête sur la taxe numérique française qu'elle avait un caractère « discriminatoire, déraisonnable et restrictif pour le commerce américain ». Sur la base de cette conclusion, il avait proposé que soient adoptées plusieurs mesures pour répondre aux effets négatifs de cette taxe sur l'économie américaine dont l' « imposition de droits, pénalités ou de toute autre restriction sur les biens ou services français ». Etaient notamment envisagées deux mesures : (i) l'imposition de droits de douane supplémentaires pouvant aller jusqu'à 100% contre certains produits français dont le montant des exportations vers les Etats-Unis s'élevait à 2,4 Mds USD en 2018 ; (ii) l'imposition de pénalités financières et de restrictions sur le commerce de services depuis la France, sans plus de précisions, l'objectif de l'Administration étant d'annuler l'impact prétendu sur l'économie américaine estimé à 500 M €. Ces propositions de mesures ont fait l'objet d'une procédure de consultation publique ouverte jusqu'au 14 janvier 2020, ce qui permettait, en théorie, à l'Administration américaine d'adopter des mesures contre les exportations françaises dès le mois de février. La France a contesté vigoureusement les conclusions de l'Administration américaine mais a privilégié la voie de la négociation. A la suite de nombreux échanges entre les exécutifs français et américain, un accord a été trouvé lors du forum de Davos en janvier. Selon cet accord, la France s'est engagée à suspendre jusqu'en décembre 2020 le prélèvement des acomptes dus au titre de la taxe sur les services numériques et les Etats-Unis se sont engagés à ne pas imposer de sanctions sur les exportations françaises au titre de la section 301 dans ce même laps de temps. A ce titre, aucune sanction envisagée par les autorités américaines dans ce cadre n'est à ce jour activée. L'objectif de cette trêve est in fine de trouver un accord à l'OCDE d'ici la fin de l'année. En effet, notre priorité pour le moment est de trouver une solution à l'OCDE pour élaborer des principes multilatéraux de taxation qui répondent aux enjeux fiscaux posés par la digitalisation de l'économie. Le fait que l'USTR impose ou non des sanctions est lié, sur le fond, à notre capacité à trouver une solution globale à l'OCDE. Au cours des derniers mois, nous avons travaillé intensivement pour atteindre cet objectif, formulé des propositions, pris en compte les observations de l'administration américaine, appuyé le secrétariat de l'OCDE à proposer un compromis efficace, qui permette une juste taxation du numérique sur le lieu de consommation par les utilisateurs. A ce titre, les discussions avec le Trésor américain restent actives. Les Etats-Unis ont en effet fait de l'élaboration d'une taxation internationale une priorité de leur présidence du G7 en 2020. Nous serons bien sûr attentifs à ce que leurs propositions soient sérieuses et permette de dégager une vraie solution. Dans l'hypothèse cependant où aucun accord n'était trouvé à la fin de l'année à l'OCDE et que l'USTR décidait malgré tout d'imposer des sanctions contre les exportations françaises, nous avons déjà échangé à plusieurs reprises avec le Commissaire européen chargé du commerce et convenu que, contestant la légalité des sanctions américaines, nous envisagerions toutes les options possibles, y compris d'éventuelles mesures de rééquilibrage et porterions en tout état de cause le cas devant l'Organe de règlement des différends de l'OMC. Par ailleurs et comme cela a déjà été entrepris pour les secteurs soumis aux sanctions tarifaires dans le cas du contentieux Airbus-Boeing, des mesures d'accompagnement seraient, le cas échéant, mises en place pour les filières impactées comme les filières viticoles.
Auteur : Mme Barbara Bessot Ballot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce extérieur
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie, finances et relance
Dates :
Question publiée le 28 janvier 2020
Réponse publiée le 8 septembre 2020