15ème législature

Question N° 26111
de M. Jean Lassalle (Non inscrit - Pyrénées-Atlantiques )
Question écrite
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Enfance et familles

Rubrique > enfants

Titre > Dysfonctionnement du système de l'aide sociale à l'enfance

Question publiée au JO le : 28/01/2020 page : 510
Réponse publiée au JO le : 03/11/2020 page : 7804
Date de changement d'attribution: 04/08/2020
Date de signalement: 19/05/2020

Texte de la question

M. Jean Lassalle alerte M. le Premier ministre sur un constat alarmant concernant le dysfonctionnement du système de l'aide sociale à l'enfance (ASE) depuis maintenant bien trop longtemps. En effet, le 17 juillet 2018, dans une question écrite numéro 10731, M. le député alertait le Gouvernement sur les graves conséquences d'une politique décentralisée défaillante de la protection de l'enfance. Dans sa réponse du 28 août 2018, Mme la ministre des solidarités et de la santé rappelait les droits et les obligations des familles basés sur la Convention internationale des droits de l'enfant, mais ne semblait pas du tout considérer les éléments apportés dans sa question sur des graves dérives de tout un système. Alors que le Gouvernement et tous les élus sont alertés depuis des années par des citoyens touchés par cette omerta, les anciens enfants placés, des familles des enfants placés, des professionnels directement concernés et des employés des foyers épuisés, rien ne semble être assez grave et urgent pour que l'État reconnaisse la défaillance de sa politique de la protection de l'enfance et procède à un bouleversement radical de son fonctionnement. Pourtant depuis un certain temps, les médias s'emparent du sujet et tentent d'alerter l'opinion publique et d'influencer l'État et les élus. Ainsi les articles et les émissions se succèdent, comme l'article du journal Fakir, le dernier en date Marianne et le reportage de l'émission « Zone interdite » avec des images insoutenables. Ces documents dénoncent des conditions d'accueil inacceptables dans de trop nombreux foyers et démontrent une fois de plus une violence institutionnelle condamnable dont sont victimes des enfants placés. Et c'est ainsi que la réalité est mise en évidence de la responsabilité partagée entre les gouvernements successifs qui ont décentralisé la gestion de la protection sociale en la confiant entièrement aux départements, ces derniers en gérant leur budget à leur guise et ne contrôlant rien, la justice en se positionnant trop souvent complice avec l'ASE ou injustement arbitraire sans respect des avis des professionnels. Alors que M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé répète inlassablement que le Gouvernement est dans l'action, rien ne change. Les Français sont indignés de savoir que la vie de ces enfants est en danger permanent, leur dignité bafouée et leur avenir perdu à tout jamais. De fait, pour dégager des fonds indispensables pour la formation des éducateurs, des recrutements en bonne et due forme, la rénovation des lieux d'accueil et pour assurer avant tout une prise en charge immédiate de tous les enfants réellement en danger imminent, il est primordial et urgent de stopper les placements injustifiés qui détruisent des familles entières et prennent des places des autres, d'harmoniser le fonctionnement de la protection de l'enfance et ses grilles de lecture à l'échelle national, de modifier et renforcer les dispositifs juridiques, de former les juges d'enfant et les accompagner par des professionnels impartiales. Et tout cela sous un contrôle ferme et sans faille de l'État qui doit garantir une protection exemplaire aux enfants placés. C'est pourquoi il lui demande quelles mesures d'urgence il compte mettre en place pour que ces enfants aient pleinement confiance en l'action de l'État, que leur vie ne soit plus un cauchemar et leur avenir à la hauteur des promesses et des principes.

Texte de la réponse

La protection de l'enfance est une compétence confiée aux conseils départementaux depuis les lois de décentralisation. En application du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, il revient aux conseils départementaux d'organiser librement la réponse territoriale la plus optimale pour assurer les missions qui leur sont confiées. L'Etat conserve, pour sa part, des responsabilités essentielles en matière, notamment, d'édiction des normes, de contrôle, d'évaluation et de régulation, ainsi que d'accompagnement des conseils départementaux. Décentralisée, la compétence de protection de l'enfance est donc en réalité une compétence partagée. A titre d'exemple, 80% des décisions de protection des enfants sont d'ordre judiciaire, et les questions de droit à la santé, à l'éducation, à la sécurité, relèvent de sujets régaliens, de compétences étatiques. Le dialogue est donc constant entre Etat et départements. Ainsi, dans la continuité de la loi du 14 mars 2016, relative à la protection de l'enfant et de ses décrets d'application, le Gouvernement est tout particulièrement mobilisé sur la question de l'effectivité des droits pour tous les enfants protégés et de l'égalité de traitement sur tout le territoire. Dans cette optique, la Stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance présentée le 14 octobre 2019 identifie quatre engagements au bénéfice des enfants et de leurs familles : - agir le plus précocement possible pour répondre aux besoins des enfants et de leurs familles ; - sécuriser les parcours des enfants protégés et prévenir les ruptures ; - donner aux enfants les moyens d'agir et garantir leurs droits ; - préparer leur avenir et sécuriser leur vie d'adulte. Cette Stratégie repose sur deux piliers. Elle prévoit tout d'abord des mesures à l'échelon national : réforme de la gouvernance nationale de la protection de l'enfance, création d'un nouveau référentiel d'évaluation des situations présentant un danger pour l'enfant, refonte des normes applicables au secteur de la petite-enfance, notamment en matière de taux d'encadrement, négociations collectives avec les assistants familiaux. Elle comporte également un volet territorial, qui passe par une contractualisation entre l'Etat et les départements. Des conventions de partenariat ont ainsi commencé à être signées, prévoyant, du côté de l'Etat, la mobilisation de moyens spécifiques, et du côté des départements, des engagements forts. Cette contractualisation ambitieuse concerne 30 départements dès 2020, et vient d'être étendue à 40 nouveaux départements, avec des moyens supplémentaires mobilisés sur le budget de l'Etat et de la Sécurité sociale. La perspective est bien d'étendre cette démarche à l'ensemble des départements d'ici 2022. Enfin, d'autres actions sont menées pour lutter contre les violences faites aux enfants :  - des Etats généraux seront prochainement organisés pour compléter les 22 mesures prises au travers du plan de lutte contre les violences faites aux enfants, annoncé le 20 novembre 2019 ; - un groupe de travail sur la prostitution des mineurs a récemment été mis en place ;  - les conclusions des travaux de la commission des 1 000 premiers jours nourrissent de nombreuses mesures en faveur de la prévention et de la protection de l'enfance.